L'Aisne avec DSK

29 octobre 2008

On ira tous au paradis?

"Paradis fiscal": drôle d'expression. La théologie et la fiscalité ne font pas bon ménage. C'est une image, bien sûr, mais les mots ne sont pas innocents, ils nous apprennent quelque chose. Le paradis, c'est le bonheur, la béatitude, la félicité. Le pied, quoi! Mais le bonheur de qui de quoi? De l'argent facile.

A ce propos, avez-vous lu Philosophie-Magazine d'octobre, paru il y a un mois environ? Son dossier, c'était "L'argent, totem et tabou", d'ailleurs très intéressant, mais avec une absence remarquable: pas un mot sur la crise financière que nous connaissons aujourd'hui. Parce qu'il y a plusieurs semaines, quand le dossier a été préparé, la crise était certes là, mais on en parlait pas dans les médias. Voilà notre société: ce n'est plus le "je pense donc je suis" de Descartes mais "je passe dans les médias donc je suis". Même un mag de philo en est la victime.

Revenons aux "paradis fiscaux", des paradis aussi artificiels que ceux de Baudelaire, et non moins dangereux. Qu'est-ce qui les caractérise? Quatre choses:

1- La pression fiscale est basse, voire inexistante. Pas ou très peu d'impôts dans ces paradis-là, alors que l'impôt est au fondement de la République, du bien commun.

2- Le secret bancaire est absolu, l'argent est caché, à la limite comme s'il n'existait pas, en ce sens fidèle au précepte d'Epicure: "pour vivre heureux, vivons caché". Sauf que le principe de la démocratie, de la chose publique, c'est la transparence, la publicité.

3- Les sociétés écrans déchargent de toute responsabilité individuelle ou collective. C'est le règne de l'illusion, de l'apparence, du trompe-l'oeil, c'est le monde du mensonge, de la dissimulation. On ne sait plus qui est qui, qui fait quoi. La République, elle, exige vérité et responsabilité.

4- Les "paradis fiscaux" échappent en partie aux actions judiciaires, administratives, policières. Ce sont des zones de non-droit, comme certaines îles autrefois servaient de refuge et d'impunité aux pirates. La loi, la justice n'y ont pas leur place, ou très peu. La République, en revanche, c'est l'Etat de droit.

Pendant longtemps, les "paradis fiscaux" ont été des anomalies utiles à certains, des exceptions confirmant la règle, les marges troubles d'un système, la fange du marché. Mais le paradis, ça ne se refuse pas, ça ne peut que séduire, s'étendre. L'idéal, le modèle, l'utopie de l'hyper-capitalisme, le voilà: le paradis fiscal! Son objectif: se répandre sur toute la planète, devenir un jardin d'Eden mondial. Si on laissait faire, oui, c'est ce qui adviendrait, en toute logique. Je ne connais pas de paradis qui n'ait pas cette tendance-là, convaincre de ses prétendus bienfaits, les faire partager.

Sauf que le paradis des riches, c'est l'enfer des pauvres. Le paradis des entreprises (laquelle d'entre elle n'a pas fantasmé un jour sur une totale dérèglementation de ses activités?), c'est l'enfer des peuples. C'est aussi le glas de la République. On ira tous au paradis? Faisons mentir cette prédiction de Polnareff, même si le chanteur avait alors un autre paradis en tête.


Bon après-midi.

8 Comments:

  • Tu veux aller en enfer ? sans moi alors... ;-)

    By Blogger jpbb, at 8:37 PM  

  • Vous devriez en parler avec le chapo Guzman, le chef d'un des principaux cartel de la drogue mexicain.

    Quand il a été arreté, il a reconnu dépenser 10 millions d'euros tous les mois pour sa protection.

    Si on supprime les paradis fiscaux dans quelles banques fera-t-il les versements aux fonctionnaires qu'il corrompt ?

    By Blogger grandourscharmant, at 1:13 AM  

  • Je ne connais pas ce monsieur. Vous en concluez quoi? Qu'il faut maintenir les "paradis fiscaux"?

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 11:04 AM  

  • Les seules conclusions définitives sont celles qu'on peut tirer sur votre personne au vu des propos que vous pouvez tenir.

    By Blogger grandourscharmant, at 12:23 AM  

  • "A cha ch'est vrai cha!" comme disait la mère Denis dans les années 70 à la télé.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 10:08 AM  

  • Les années70 quand l'avenir vous appartenait, maintenant votre avenir est derriere vous,
    qu'en avez vous fait ?

    Que dirait le jeune EM au vieux au vu de ce qu'il est devenu...

    By Blogger grandourscharmant, at 2:25 PM  

  • L'avenir n'appartient à personne, pas même à moi.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 4:40 PM  

  • Il n'est que ce qu'on en fait.

    une façon comme une autre d'admettre que vous n'en avez rien fait de bien,
    c'est triste.

    By Blogger grandourscharmant, at 3:02 AM  

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