La mauvaise méthode.

Bonjour à toutes et à tous.


Le titre du Courrier Picard de ce matin y va un peu fort : "La droite unie se déchire" (il est question des régionales dans la Somme). Si ça pouvait être vrai ! De toute façon, Gewerc n'a pas besoin de ça pour gagner. Il est cependant exact que ça coince et ça grince fort à l'UMP, après la publication non complète des listes. On croit à des contentieux personnels. Non, c'est un défaut de méthode, ou plutôt l'adoption d'une mauvaise méthode, qui se reconnaît à trois constats :

1- L'incohérence politique : vouloir mettre ensemble des gens qui n'ont rien à faire les uns avec les autres, ça ne peut pas marcher. Quelle affinité politique y a-t-il entre un centriste et un villiériste ? Quasiment aucune. Entre un chasseur de Nihous et un radical de Borloo ? Idem. C'est pourtant la stratégie choisie cet été par Sarkozy et Bertrand, qui ne peut que provoquer des dissensions.

2- La logique d'appareil : nous la connaissons bien, hélas, au Parti socialiste. Elle consiste à faire une liste de cases dans lesquelles on met n'importe quel pion, n'importe quel nom, pourvu qu'il corresponde à l'étiquette, c'est-à-dire à l'organisation, courant ou sous-courant. A droite, on appelle ça pudiquement des "composantes", à gauche on dira plutôt des "sensibilités".

Résultat : les compétences, les influences sont sacrifiées au profit des appartenances et des allégeances, qui fluctuent au gré des intérêts personnels, eux-mêmes très fluctuants. Alain Babaut, maire de Corbie, l'exprime très bien : "Il n'y a pas eu de dialogue, les gens n'ont pas été choisis en fonction de ce qu'ils représentent, mais de leur appartenance à telle ou telle formation". La logique d'appareil interdit le débat politique, au profit de la décision administrative.

Elle atteint son summum en désignant des candidats qui ne l'ont pas vraiment voulu, qui seront ainsi malléables à souhait. Le nec plus ultra : être candidat en faisant semblant de ne pas vouloir l'être, ce qui permet à la fois de satisfaire son ambition personnelle et de répondre aux exigences de l'appareil. C'est un art, qui n'est pas permis à tous !

3- La représentation faussée : cette mauvaise méthode survalorise les petites formations qui pourtant ne pèsent pas lourds et contribuent peu à la victoire. Christophe Coulon, responsable départemental de l'UMP dans l'Aisne, estime qu'il vaut mieux procéder ainsi que de s'allier au soir du premier tour, en pointant du doigt bien sûr la stratégie de la gauche.

Non, il est plus sain, plus juste, plus efficace que dans un premier tour, chacun parte sous ses couleurs, en favorisant certes des rassemblements (c'est le cas de la liste Gewerc) mais sans sacrifier la cohérence politique. Quant au second tour, les alliances se feront naturellement et sans problème : quand la dynamique est porteuse, les esprits deviennent raisonnables et politiques. C'est dans la faiblesse et l'absence d'espoir qu'on se divise et devient insensé.

Je laisse la conclusion de cette mauvaise méthode à un bon connaisseur de son propre camp : "La droite est vraiment entrée dans l'ère de la médiocrité et du copinage", estime Pascal Fradcourt, responsable départemental dans la Somme du Parti radical. Mais soyons honnêtes : cette méthode n'est pas le privilège de la droite, la gauche aussi parfois l'utilise. Reprenez les trois caractéristiques ci-dessus, vous les retrouvez aux dernières municipales à Saint-Quentin :

a- L'incohérence politique : socialistes et lambertistes ensemble alors que ce qui les divise est politiquement plus fort que ce qui les rapproche.

b- La logique d'appareil : chaque formation met ses pions dans les cases qui lui sont réservées, sans réflexion politique globale sur le sens à donner à la liste. La validation finale, contre l'avis majoritaire des adhérents socialistes, est purement administrative.

c- La représentation faussée : l'extrême gauche se taille la part du lion grâce aux voix réformistes et les élus socialistes sont scandaleusement sous-représentés.

Pour 2014, il faudra à nouveau se battre d'abord sur la bonne méthode, sans doute pas de la même façon : une liste socialiste ouverte, les critères de compétence et d'influence primant sur l'appartenance partisane, des alliances au second tour (comme à Soissons), la définition d'un socle minimum de cohérence politique (qui ne peut pas être un "protocole" rédigé par les lambertistes) pour ne plus revoir les accommodements de circonstances qui conduisent à la défaite. Et advienne que pourra !


Bonne journée.