L'Aisne avec DSK

19 octobre 2010

Coeur de manif, coeur de gauche.



Sachant que je suis prof et socialiste, on me demande parfois de définir ce qu'est la gauche, et l'on s'attend évidemment à une belle définition de ma part. La question me fait penser à celle qu'on posa, dit-on, au Bouddha, afin qu'il définisse le bouddhisme. Il répondit en tendant une fleur. Ne croyez pas que je vais répondre de façon aussi énigmatique, par exemple en offrant une rose ! Non, mais je vais montrer du doigt la manif d'aujourd'hui à Saint-Quentin : la gauche est là, la gauche c'est ça. Tout le reste est commentaire inutile.

De cette manif, je retiens les rangs serrés, la foule compacte, le lent écoulement de la place La Fayette jusqu'à la place de l'Hôtel de Ville, tellement il y avait de monde. J'ai fait pas mal de manifs, mais des comme ça, elles se comptent sur les doigts d'une main ces dernières années. J'ai été provisoirement infidèle à mon syndicat (pardon Corinne !) pour m'immerger dans les gros bataillons de la CGT. Car le coeur de la gauche, de son électorat, est là.

Les profs, j'aime bien. Mais les ouvriers, cheminots, territoriaux et autres, c'est le coeur du coeur de la gauche. Il faut les écouter, discuter avec eux. Je le fais au débotté, mon autocollant PS sur la poitrine. Ils savent ainsi qui je suis, ils réagissent, c'est intéressant. J'ai toujours aimé ça, aller vers ce qui est différent de moi, même si comme eux je suis de gauche, comme eux de famille ouvrière. Mais quand on devient prof, c'est autre chose, ce n'est plus la même classe sociale.

De quoi parle-t-on dans une manif ? Qu'est-ce qui se dit ? Voilà une importante question. D'abord, ne croyez pas que la politique obnubile les manifestants. Beaucoup sont loin de tout ça, presque méfiants. Ils parlent de leur boulot, de leurs copains, de leur famille, de leurs loisirs. Et puis, parmi tous ceux qui manifestent aujourd'hui, certains, plus qu'on ne croit, ont voté Sarkozy. Voilà ce qui arrive quand la gauche n'est pas à la hauteur des attentes du peuple de gauche ! Il ne faut jamais oublier ça, ne pas faire les malins, être modeste, se remettre à l'écoute de notre électorat.

Politiquement, le message de ce peuple de gauche est très clair : il faut maintenir la retraite à 60 ans, parce que c'est un acquis, une garantie, une protection, un progrès, pour eux, pour leurs proches, pour leurs enfants. Le reste, durée de cotisation, financement du système, notion de pénibilité, système à la carte, aussi intéressant soit-il, demeure oiseux. Un seul objectif compte, d'une redoutable simplicité : pouvoir partir en retraite correctement à 60 ans.

Revenir là dessus, même pour de bonnes raisons, est perçu comme une régression. Voilà ce que j'ai retenu de mes discussions avec les manifestants d'aujourd'hui, au coeur de la manif, au coeur de la gauche. Et je me dis que le candidat socialiste en 2 012, quel qu'il soit, ne pourra avoir pour mandat que de rétablir les 60 ans. A moins que Nicolas Sarkozy n'ait compris et renonce. Mais je n'y crois pas trop.



Vignette 1 : le soleil se couche, manifester est sérieux mais n'empêche pas l'humour.

Vignette 2 : la nuit tombe, nous voilà face à l'Hôtel de Ville, alors que d'habitude nous faisons front au théâtre Jean-Vilar. C'est un signe des temps : celui qui dirige cette maison n'est plus Pierre André mais le chef de l'UMP, et ça change tout.