L'Aisne avec DSK

18 octobre 2010

Le sens d'une mobilisation.

Bonsoir à toutes et à tous.


Demain sera une journée décisive pour la suite du mouvement contre la réforme des retraites. Je crois qu'il est important de rappeler le sens de ce mouvement, du moins tel que je le vois :

1- Ce mouvement est rigoureusement réformiste : les syndicats sont les initiateurs, leur unité est irréprochable, leur ligne n'est pas radicale (l'intersyndicale ne demande pas le retrait du texte, elle n'appelle pas à la grève générale ou reconductible, elle réclame simplement mais fermement l'ouverture de négociations).

2- Il ne s'agit pas, contrairement à ce qu'on entend, d'établir un rapport de force. En République, il n'existe qu'un seul rapport de force, c'est le verdict des urnes, qui a mandaté Nicolas Sarkozy et une majorité de droite jusqu'en 2012. Contre ça, on ne peut rien, sauf à vouloir le coup de force. Depuis que le monde existe, la force est du côté du pouvoir, pas de la rue. On peut s'en réjouir ou le regretter, peu importe : la réalité est celle-là.

3- La logique du rapport de force est immanquablement vouée à l'échec : des millions de manifestants ne feront jamais suffisamment le poids face à des millions d'électeurs. Comment croire qu'on pourra faire plier Sarkozy de cette façon-là ? Au contraire, on ne pourra que le renforcer dans sa détermination. Je vais même jusqu'à penser que la droite a tout à se réjouir d'un rapport de force qu'elle sait gagné d'avance pour elle. Et si la violence en marge des manifestations lycéennes se développe, c'est encore meilleur pour le gouvernement.

4- Alors que faire ? A la logique désespérée et irréaliste du rapport de force (tout rapport de force est une réaction de minoritaires, les majoritaires n'en ont pas besoin), il faut opposer la logique de la négociation, qui repose sur la recherche de l'intérêt général (le rapport de force voit s'affronter des intérêts particuliers). La retraite concerne tout le monde, y compris les générations à venir : c'est donc l'intérêt général qui doit prévaloir dans la solution du conflit.

5- Mais comment ? Il suffit de s'inspirer de ce qui se passe dans les grandes social-démocraties européennes : la recherche du consensus par le compromis social (toute négociation a pour but d'obtenir un compromis acceptable pour les parties en présence, alors que le rapport de force débouche sur un gagnant forcément arrogant et un perdant inévitablement humilié). Mais les positions des uns et des autres sont-elles conciliables ? Oui, puisque la droite reconnaît qu'il faut maintenir le système par répartition et la gauche admet que la réforme est nécessaire. Sur un tel sujet, une négociation ne peut être que longue, au moins un an, avec ses dimensions politiques mais aussi techniques.

6- Le dialogue social consiste à faire un pas l'un vers l'autre. C'est ce à quoi doit aboutir la mobilisation déterminante de cette semaine. La grève et la manifestation, ponctuellement efficaces pour exprimer un mécontentement et des revendications, ne peuvent pas être des modalités permanentes d'action. Le gouvernement s'honorerait à revoir sa copie sans renoncer à ses convictions, les syndicats auraient tout intérêt à retrouver un rôle dans la réforme d'un système sans renoncer à leurs revendications. Sinon, où ira-t-on ? Bien malin qui pourra répondre à cette question. Parce qu'un nouveau Mai 68, non je ne le sens vraiment pas.


Bonne soirée.

5 Comments:

  • Avec un nouveau 68 on ne négociera pas aussi vite , c'est vous qui le dites ..

    By Anonymous Anonyme, at 8:43 PM  

  • Ce que je dis, c'est que parler de Mai 68 dans la situation actuelle est un anachronisme total.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 11:41 PM  

  • Une négociation comment ???

    les syndicats sont ils assez puissants et assez unis et en position de force; la multiplicité des régimes , héritages lointains( libération ; mai 68 etc... ) reste à la fois une bonne expérience mais aussi un handicap à bien gérer ...

    By Anonymous Anonyme, at 9:24 AM  

  • En ce sixième jour de mobilisation nationale, avec une opinion publique largement acquise à leur cause, oui les syndicats sont en position de force.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 9:36 AM  

  • Comme rappelé ici à juste titre (paragraphe 2), Sarkozy a été démocratiquement élu avec 53% des suffrages exprimés, ce qui laisse supposer que, parmi les mécontents d'aujourd'hui, certains ont voté pour lui. D'autres ont égaré leur bulletin au profit de formations minoritaires qui refusent la responsabilité de gouverner, se murant dans une contestation permanente, aussi confortable que stérile. Enfin, une dernière fraction n'a pas jugé opportun de participer au scrutin, laissant ainsi le champ libre à la droite. La leçon aura-t-elle servi?
    Rendez-vous en 2012....

    By Anonymous Lormont, at 9:53 AM  

Enregistrer un commentaire

<< Home