L'Aisne avec DSK

02 mars 2007

Sed lex.

J'entends souvent critiquer les lois qui ne s'appliqueraient pas. Une au moins, depuis un mois, a prouvé son efficacité, l'interdiction de fumer dans les lieux publics (les débits de boissons ont encore un an pour s'y préparer). Quand on connait l'esprit frondeur des français, nous pouvions douter que cette loi soit réellement suivie. Eh bien oui, la discipline l'a emporté, aucune résistance ou rebellion n'ont été constatées. Bien sûr, la cigarette n'a pas disparu et la vertu n'a pas effacé le vice. Mais les fumeurs acceptent bon gré mal gré de braver le froid et la pluie pour assouvir leur envie.

Je prends l'exemple de mon lieu de travail, le lycée Henri Martin. La salle fumeur n'est plus qu'un souvenir, les profs ont accepté, les élèves aussi, sans perturbations dans l'organisation de la vie de l'établissement. On pouvait craindre des retards dans les classes ou des resquilleurs dans les toilettes. Rien de tout cela ne s'est produit, j'ai demandé un bilan des conséquences de l'application de la loi lors du dernier conseil d'administration.

Depuis bientôt dix ans que je siège dans cette instance, combien de fois avons-nous abordé le problème du tabac dans l'enceinte du lycée, théoriquement interdite à la cigarette depuis la loi Evin? Nous avons discuté, écouté, négocié, imaginé, rien n'a pu y faire. L'interdiction totale, possible, n'a jamais été envisagée, trop brutale, pas assez consensuelle. Il a suffit d'une nouvelle loi d'une implacable rigueur pour que le problème soit réglé.

Qui dira maintenant que les lois ne servent à rien, qu'elles ne sont pas appliquées? Evidemment, le temps a passé, les consciences ont admis que la cigarette posait un problème de santé publique et de liberté individuelle (on n'a pas le droit d'imposer à autrui ses nuisances).

Pourtant, je ne suis pas certain qu'une sourde contestation ne soit pas réelle. Lors du conseil d'administration dont je vous parlais, une collègue (fumeuse) a reconnu le bien fondé de la loi tout en regrettant, sur le mode de l'ironie (mais l'humour est le moyen détourné d'exprimer ce qu'on n'ose soutenir ouvertement), qu'elle soit mise, avec ses camarades fumeurs, au ban de la société. Elle a proposé, plus sérieusement, qu'une sortie fumeur soit aménagée pour que les enseignants qui le souhaitent puissent accéder à une rue où ils ne se mélangeront pas aux élèves (fumeurs)!

Lorsque le proviseur a mis aux voix l'inscription du décret dans le réglement intérieur de l'établissement, quelle n'a pas été ma surprise de voir l'ensemble de mes collègues professeurs s'abstenir! J'en conclus à un rejet refoulé de ce décret et à une réflexion plus générale: le conformisme social est tellement puissant sur certains sujets que les mouvements de contestation restent enfouis, ce qui n'est pas sain en démocratie, où les divergences doivent clairement s'exprimer. J'ai trois exemples à l'esprit:

- Le vote d'extrême droite, condamné par tous, assumé par très peu, et qui existe portant massivement.

- Le rejet de l'euro, masqué au début par l'enthousiasme ludique et historique provoqué par la nouvelle monnaie, et aujourd'hui manifeste dans les remarques sur les augmentations des prix.

- Le rejet des 35 heures alors que les deux premières années de la loi révélaient un engouement certain et des embouteillages le week-end pour les bienheureux bénéficiaires de la fameuse RTT.

Dura lex, sed lex, mais rien n'est jamais complétement et politiquement gagné.

Bonne soirée.

1 Comments:

  • Bonjour Emmanuel.

    Nous sommes nombreux tout de même à protester contre l'ingérence de l'état sur nos envies de consommer du tabac.
    Plus généralement, c'est la démarche paternaliste qui dérange.
    A suivre sur InterdictionDeLaCigarette.Com

    By Blogger Emmanuel, at 12:54 PM  

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