Cheese.
Bonsoir à toutes et à tous.
Ce matin, en gare de Saint-Quentin, je suis tombé sur une curieuse affiche près du Photomaton. Voilà quel était son slogan, qui a retenu mon attention : "Il ne faut pas rigoler avec vos photos d'identité." Le visage sérieux d'une jeune femme blonde aux cheveux courts venait en illustration. Sur le coup, je n'ai pas compris. S'il y a bien quelque chose avec qui ou quoi je ne rigole pas du tout, ce sont les photos d'identité, qui renvoient pour moi à des portraits un peu sinistres, genre photos de taulards.
La suite était un peu plus éclairante : "Pour la validité administrative de vos photos, merci d'avoir une expression neutre." Il n'empêche que tout ça m'a semblé énigmatique. Il y a trente ans, on n'aurait pas imaginé une telle publicité. J'ai donc noté ces formules sur un bout de papier, et comme je n'avais rien de particulier à faire dans le train pour Paris, j'ai griffonné quelques réflexions que je vous propose maintenant :
1- Aujourd'hui, avec les téléphones portables et les appareils photos numériques, tout le monde prend des photos de n'importe qui, de n'importe quoi, et se prend en photo. Autrefois, la photo exigeait des précautions, un choix, une mise en scène, il y avait l'intermédiaire d'un professionnel, le photographe, et un délai d'attente, le développement des pellicules. Tout ça a disparu, la photographie s'est généralisée à l'excès (je vois des gens prendre des photos complètement inutiles, qu'ils vont très vite supprimer), elle est devenue une pratique entre soi et soi, sans passer par cet autre qu'était le photographe. Mine de rien, c'est une révolution dans les comportements.
2- Il n'y a pas si longtemps, une photo réclamait une pose, avait quelque chose d'officiel, même pour des clichés non officiels, des scènes intimes, familiales. Devant l'objectif, on était en représentation : les dames se recoiffaient et les hommes se tenaient droits. La photo était un art conventionnel, conformiste, social, qui instaurait une certaine solennité. C'est désormais fini, c'est tout le contraire. Regardez les photos actuelles, c'est stupéfiant : les individus sont volontairement grimaçants, grotesques, hilares, extravagants, gentiment stupides, exprès débiles. On tire la langue, on écarte la bouche avec ses doigts, on lève les bras, on fait le singe ou le guignol, on s'amuse, on délire. Bref, on est passé de la pose à la posture et même à l'imposture.
3- C'est très simple : autrefois, la seule plaisanterie permise en matière de photographie, c'était les doigts en V qu'on faisait au dessus de la tête de celui qui se trouvait devant nous, pour l'affubler de discrètes oreilles d'âne, dont on se rendait compte qu'au moment du développement. C'était très limité mais efficace. Aujourd'hui, le rire a littéralement explosé et tout emporté. Sur les photos, on a aboli toute distance (avant, l'appareil était assez loin de son objectif), on se montre sans vergogne, on s'exhibe, on s'offre en spectacle là où jadis on composait un tableau. Je comprends alors les inquiétudes et l'avertissement publicitaire de Photomaton.
4- Nous assistons au triomphe de l'individualisme. Sur une photo, on veut être soi et rien d'autre, on se lâche donc. Il s'agit d'être original, jusque dans la fantaisie, parfois la débilité.
5- C'est aussi le triomphe de la dérision et de l'auto-dérision, la défaite de l'esprit de sérieux. On s'enlaidit, on devient quasiment gargouille, mais on s'en fout, on surprend son monde, on déconne, on existe.
6- C'est enfin le triomphe du narcissisme. On se prend soi-même en photo pour soi-même se regarder et s'offrir au regard des autres, par exemple sur Facebook. Adieu les sages albums de famille qu'on feuilletait collectivement le dimanche après-midi, adieu les photographies sous verre qui trônaient fièrement sur la cheminée du salon.
Photomaton aura beau le répéter sur des milliers d'affiches : la neutralité administrative est une vertu devenue étrangère à notre société. Et c'est bien dommage.
Bonne nuit.
Ce matin, en gare de Saint-Quentin, je suis tombé sur une curieuse affiche près du Photomaton. Voilà quel était son slogan, qui a retenu mon attention : "Il ne faut pas rigoler avec vos photos d'identité." Le visage sérieux d'une jeune femme blonde aux cheveux courts venait en illustration. Sur le coup, je n'ai pas compris. S'il y a bien quelque chose avec qui ou quoi je ne rigole pas du tout, ce sont les photos d'identité, qui renvoient pour moi à des portraits un peu sinistres, genre photos de taulards.
La suite était un peu plus éclairante : "Pour la validité administrative de vos photos, merci d'avoir une expression neutre." Il n'empêche que tout ça m'a semblé énigmatique. Il y a trente ans, on n'aurait pas imaginé une telle publicité. J'ai donc noté ces formules sur un bout de papier, et comme je n'avais rien de particulier à faire dans le train pour Paris, j'ai griffonné quelques réflexions que je vous propose maintenant :
1- Aujourd'hui, avec les téléphones portables et les appareils photos numériques, tout le monde prend des photos de n'importe qui, de n'importe quoi, et se prend en photo. Autrefois, la photo exigeait des précautions, un choix, une mise en scène, il y avait l'intermédiaire d'un professionnel, le photographe, et un délai d'attente, le développement des pellicules. Tout ça a disparu, la photographie s'est généralisée à l'excès (je vois des gens prendre des photos complètement inutiles, qu'ils vont très vite supprimer), elle est devenue une pratique entre soi et soi, sans passer par cet autre qu'était le photographe. Mine de rien, c'est une révolution dans les comportements.
2- Il n'y a pas si longtemps, une photo réclamait une pose, avait quelque chose d'officiel, même pour des clichés non officiels, des scènes intimes, familiales. Devant l'objectif, on était en représentation : les dames se recoiffaient et les hommes se tenaient droits. La photo était un art conventionnel, conformiste, social, qui instaurait une certaine solennité. C'est désormais fini, c'est tout le contraire. Regardez les photos actuelles, c'est stupéfiant : les individus sont volontairement grimaçants, grotesques, hilares, extravagants, gentiment stupides, exprès débiles. On tire la langue, on écarte la bouche avec ses doigts, on lève les bras, on fait le singe ou le guignol, on s'amuse, on délire. Bref, on est passé de la pose à la posture et même à l'imposture.
3- C'est très simple : autrefois, la seule plaisanterie permise en matière de photographie, c'était les doigts en V qu'on faisait au dessus de la tête de celui qui se trouvait devant nous, pour l'affubler de discrètes oreilles d'âne, dont on se rendait compte qu'au moment du développement. C'était très limité mais efficace. Aujourd'hui, le rire a littéralement explosé et tout emporté. Sur les photos, on a aboli toute distance (avant, l'appareil était assez loin de son objectif), on se montre sans vergogne, on s'exhibe, on s'offre en spectacle là où jadis on composait un tableau. Je comprends alors les inquiétudes et l'avertissement publicitaire de Photomaton.
4- Nous assistons au triomphe de l'individualisme. Sur une photo, on veut être soi et rien d'autre, on se lâche donc. Il s'agit d'être original, jusque dans la fantaisie, parfois la débilité.
5- C'est aussi le triomphe de la dérision et de l'auto-dérision, la défaite de l'esprit de sérieux. On s'enlaidit, on devient quasiment gargouille, mais on s'en fout, on surprend son monde, on déconne, on existe.
6- C'est enfin le triomphe du narcissisme. On se prend soi-même en photo pour soi-même se regarder et s'offrir au regard des autres, par exemple sur Facebook. Adieu les sages albums de famille qu'on feuilletait collectivement le dimanche après-midi, adieu les photographies sous verre qui trônaient fièrement sur la cheminée du salon.
Photomaton aura beau le répéter sur des milliers d'affiches : la neutralité administrative est une vertu devenue étrangère à notre société. Et c'est bien dommage.
Bonne nuit.
29 Comments:
ça doit etre pour ça que je n'impose pas ma tronche aux autres.
By grandourscharmant, at 11:04 PM
je ne suis finalement pas si narcissique que ça.
By grandourscharmant, at 11:07 PM
et pourtant, on la croise régulièrement ta tronche...
By Anonyme, at 11:17 PM
lol
By grandourscharmant, at 11:21 PM
J'espérais tout de même que mon billet inspire d'autres commentaires ...
By Emmanuel Mousset, at 7:12 AM
Il y a quand même un retour obligé chez le photographe si on veut se faire délivrer un passeport sans encombre: les normes administratives sont très pointues (couleur du fond, dimensions du visage, orientation de regard, etc...)
By Bragic, at 8:42 AM
C'est bien pourquoi Photomaton a lancé cette pub : parce des exigences qui paraissaient naturelles autrefois ne le sont plus aujourd'hui.
By Emmanuel Mousset, at 12:32 PM
Vous etes atterrant.
Votre interrogation est légitime, intéressante et pertinente.
Par contre, vos conclusions.
Pourquoi photomaton fait cela,
pour éviter de perdre des parts de marché.
Pourquoi a-t-on ces exigences là,
sans aucun doute pour des raisons de sécurité.
On sera passé de la reconnaissance faciale humaine,
à la reconnaissance faciale logiciel.
Et c'est sans aucun doute pour cela qu'on a besoin d'avoir des expressions neutres,
afin que les points de comparaison au moment de la numérisation de la photo soit plus facilement identifiable.
By grandourscharmant, at 4:38 PM
Je ne m'intéresse pas aux "raisons" de Photomaton, j'analyse une affiche publicitaire.
By Emmanuel Mousset, at 5:07 PM
Vous n'analysez pas,
vous interprétez,
vous ne vous en tenez pas au fait,
vous émettez des hypothèses farfelues.
By grandourscharmant, at 6:29 PM
Farfelu vous même !
By Emmanuel Mousset, at 12:24 AM
farfelu, mouais,
je parle de vos hypotheses,
vous me parlez de moi.
Etes-vous vos hypotheses ?
Pour ma part, je préfere fantaisiste.
Imagination libre, sans contrainte ni règle
By grandourscharmant, at 8:43 AM
Eh bien moi mon intelligence se soumet à des contraintes et à des règles. C'est sans doute pourquoi je suis intelligent et que vous n'êtes que fantaisiste (ce que je ne suis pas du tout !). Mais à chacun ses qualités.
By Emmanuel Mousset, at 2:27 PM
Alors je vais vous répondre comme si vous étiez intelligent,
vous avez raison, votre intelligence est limité.
Votre aptitude à vous adapter à une situation, à choisir des moyens d'action en fonction des circonstances ne cesse d'être prise en défaut.
Vous l'avez vous meme reconnu à propos de votre sortie de lundi sur votre autre blog.
Vous n'avez pas su vous adapter,
ni choisir les moyens d'actions appropriés.
By grandourscharmant, at 2:49 PM
Vous me reprochez ma rigueur, ma rectitude, mon refus de me plier aux circonstances. Mais c'est aussi une forme d'intelligence. La vérité, c'est que l'intelligence peut s'exercer de différentes façons. La mienne n'est pas supérieure aux autres ... ni inférieure.
By Emmanuel Mousset, at 9:19 PM
Vous n'etes pas rigoureux,
vous ne vous conformez pas à la raison, vous etes rectiligne.
On sait ce que vous allez faire avant meme que vous ne le fassiez.
Vous etes prévisible car quelque soit les circonstances,
vous réagissez de la meme façon.
Quant à dire que vous ne vous pliez pas aux circonstances,
j'avais cru noter que les circonstances passaient leur temps à vous faire plier.
la désignation de JPL, tete de liste,
vous ne vous y etes pas plié,
l'alliance ultra-gauche,
son élection comme conseiller municipal,
sa désignation à la tete de la section locale.
L'élection de Sarkozy,
XB député,
votre candidat battu dans le canton sud.
Vous n'avez de cesse de vous plier aux circonstances.
Croyez vous qu'on puisse devenir un jour maire, si on ne sait que subir les circonstances et qu'on ne sait pas les ployer à sa seule volonté.
By grandourscharmant, at 9:11 AM
Encore un commentaire intellectuellement confus et contradictoire : d'un côté vous affirmez que je suis "rectiligne" donc "prévisible", d'un autre côté vous affirmez que je me "plie aux circonstances". Il faut savoir, ça ne peut pas être les deux en même temps !
En vérité, moi qui me connais bien, je peux vous dire que je suis rectiligne et que je ne me plie jamais aux circonstances. Je laisse cette acrobatie aux opportunistes. Les circonstances sont faites pour ceux qui voient la politique en petit (avoir un strapontin quelque part), moi je la vois en grand (battre la droite).
By Emmanuel Mousset, at 9:57 AM
Tout le problème est là,
vous ne vous connaissez pas.
Sinon je n'ai jamais dit que vous faisiez les deux en meme temps,
avant vous expliquez que vous ne plierez pas,
étant rigide alors que vous pourriez etre plus souple.
Apres vous finissez systématiquement par plier,
étant souple car vous ne pouvez plus etre rigide.
C'est visiblement dans votre esprit
qu'il y a confusion et contradiction.
Apres il n'y a pas d'incompatibilité physique à plier de maniere prévisible et rectiligne.
Demandez à la géométrie.
By grandourscharmant, at 12:04 PM
Je ne suis pas géomètre, je suis citoyen, militant, politique, et j'en reste au conseil de Descartes : perdu dans une forêt, la meilleure façon d'en sortir est la ligne droite, dans une direction prise au hasard. C'est ma rectitude. Je déteste les circonvolutions.
By Emmanuel Mousset, at 2:05 PM
Déjà faut-il savoir s'orienter dans une foret.
Et si la direction qu'on prend n'est pas bonne,
on peut marcher longtemps avant de sortir de la foret.
Surtout que ce conseil s'applique à ceux qui sont perdu et qui ne savent pas où ils vont.
Si vous le faites votre, c'est que vous devez etre perdu et que vous ne savez pas où vous allez.
Sortir de la foret peut etre, mais pour allez où ?
By grandourscharmant, at 3:05 PM
Nous sommes tous perdus quelque part, et ce n'est pas grave. Le drame, c'est ceux qui n'en sortent pas, qui tournent en rond. Alors qu'en suivant une direction, même arbitrairement choisie (parfois, comment faire autrement ?) on s'en sortira toujours, à un moment ou à un autre.
By Emmanuel Mousset, at 3:34 PM
sachant que mourir d'épuisement
est une façon de s'en sortir.
By grandourscharmant, at 3:55 PM
On meurt d'épuisement quand on tourne en rond, pas quand on va tout droit.
By Emmanuel Mousset, at 7:30 PM
essayez et vous verrez
quand on n'a pas de souffle,
on s'épuise vite.
By grandourscharmant, at 9:03 PM
J'ai du souffle et des jambes, ça va.
By Emmanuel Mousset, at 11:30 PM
un souffle et des jambes d'asthmatique et de souffreteux.
By grandourscharmant, at 1:49 AM
Je fais St Quentin-Laon en quelques heures en vélo, retour dans la même journée. C'est pas votre gros cul d'ours qui en est capable !
By Emmanuel Mousset, at 12:31 PM
sur le petit velo que vous avez dans la tete ?
By grandourscharmant, at 1:07 PM
Non le grand vélo que j'ai entre les jambes (n'y voyez aucune allusion sexuelle).
By Emmanuel Mousset, at 4:39 PM
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