L'Aisne avec DSK

14 mai 2009

Démocratie et utopie.

Bonjour à toutes et à tous.

Le problème et le drame du communisme, c'est son refus de la démocratie. C'est l'écueil qu'évite Tony Negri, dans son actualisation du marxisme. L'entretien qu'il donne à Philosophie Magazine d'avril le confirme (pp. 40-41) : "Je crois plutôt à une organisation de la multitude proche des canons de la démocratie traditionnelle, mais décidée à imposer réellement la liberté et l'égalité de tous, sans exception" (c'est moi qui souligne).

C'est ce que je reproche à mes camarades communistes libertaires (voir mon billet de dimanche) : au fond, ils ne peuvent pas s'empêcher de critiquer la démocratie. Je ne doute pas qu'ils sont animés par des motifs honorables et des remarques justes. Mais le résultat n'en demeure pas moins qu'ils critiquent la démocratie. Camille, dans sa belle chanson "Démocratie" (qui devrait plutôt s'appeler "Anti-démocratie" !), exprime fort bien ce doute et ce discrédit portés sur la démocratie. Je ne parle même pas de l'extrême gauche, qui se sert de la démocratie comme d'une tribune mais n'y adhère pas vraiment (comment un courant révolutionnaire pourrait adhérer au système politique actuel ? )

Negri est très clair : "Le maintien des grands pouvoirs de la démocratie actuelle - législatif, exécutif et judiciaire - ne serait pas en contradiction avec une organisation multitudinaire de la gestion du commun. La démocratie doit être ordonnée, elle est toujours associée à des formes institutionnelles spécifiques. L'anarchie ne peut avoir d'existence concrète."

Je ne saurai mieux dire : la démocratie conçue comme un idéal hors sol, un état d'esprit sans structures est une folie qui peut devenir meurtrière. Tony Negri va jusqu'à suspecter la "démocratie participative", qui a été portée par l'extrême gauche altermondialiste, avant d'être reprise par Ségolène Royal : "La démocratie participative est un modèle très hypocrite (...) Les expériences concrètes (surtout en Amérique latine) qui en ont tenté la mise en oeuvre ont été des échecs (...) Le système du vote me semble donc plus efficace que celui des débats participatifs." Une condamnation sans appel !

Tony Negri reste pourtant foncièrement utopiste, en matière de salaire, de famille et d'éducation :

- "Je suis pour l'instauration d'un revenu universel."

- "Dans un régime de démocratie multitudinaire, l'institution de la famille (...) ne serait légitime que dans les cas où elle serait légitimement choisie (...) La communauté prendrait en charge l'éducation des enfants."

- "Le libre et universel accès aux savoirs et à la formation est le seul moyen de construire de la démocratie véritable (...) c'est aussi le seul rempart contre les effets de domination culturelle de telle ou telle classe, de telle ou telle civilisation, de telle ou telle histoire..."

Tony Negri est tout aussi foncièrement marxiste : "Il n'y a pour moi que des leçons d'histoire, et non des vérités absolus ou des idéaux." Mais son marxisme est adapté aux formes d'aujourd'hui. C'est pourquoi il remplace le "prolétariat" par la "multitude" (d'où son expression de "démocratie multitudinaire").

Démocratie et utopie, ça me plaît bien !


Bon après-midi.