Un nouveau monde.
Bonjour à toutes et à tous.
Je veux revenir ce matin sur le débat autour de la loi "Création et Internet", auquel j'ai consacré cette semaine un billet, pour dénoncer le courrier violent et injuste d'Arditi et consorts adressé à Aubry. Des éléments nouveaux sont apparus depuis : les cinéastes s'y sont mis, Tavernier, Corneau et quelques autres, envoyant eux aussi une lettre à la patronne du PS, en moins violent mais tout aussi irritant. Pourquoi qualifier de "dédain" et de "condescendance" la position du PS ? Il est trop facile, et de nos jours trop fréquent, de transformer une opinion politique en posture psychologique.
En retour, j'ai envie de dire que ces artistes exercent leur arrogance envers le PS parce qu'ils souffrent d'une contradiction : anciens d'extrême gauche pour beaucoup, les voilà qui défendent une loi de Sarkozy, le principe de propriété et leurs intérêts personnels !
Revenons à la politique et aux convictions : il y a eu un beau débat sur le sujet, mardi soir sur France 3, à "Ce soir (ou jamais)", avec Jean-Claude Carrière, un homme que j'apprécie beaucoup, qui lui aussi a défendu le projet du gouvernement, avec cette fois calme et arguments. Je n'ai pas changé d'avis mais j'ai mieux compris pourquoi cette loi dite Hadopi soulève tant de passions, de contradictions et ... d'incompréhensions.
D'abord, deux vérités, deux intuitions aussi fortes l'une que l'autre s'affrontent. D'un côté ceux qui n'admettent pas (et comment pourrait-on l'admettre ?) le vol, le pillage quel qu'il soit, surtout peut-être quand il s'agit des oeuvres de l'esprit, ceux que révulse l'idée d'une incivilité autorisée, légalisée (contradictoire dans les termes), le téléchargement illégal devenant légal, ceux qui défendent le travail des créateurs. D'un autre côté, ceux qui n'admettent pas qu'on touche à leur liberté, que révulse l'idée d'une autorité administrative pouvant couper l'accès internet à tout téléchargeur contrevenant, sans décision de justice préalable. Le Parlement européen leur a donné raison cette semaine.
Le débat, comme tout vrai débat, est compliqué. Il oppose très classiquement les partisans de la loi et les partisans de la liberté. Mais les premiers veulent aussi protéger la liberté de l'artiste et les seconds en appellent à la loi contre l'arbitraire administratif. Chez Taddéï, Carrière a prudemment mais efficacement argumenté sur le fait que rien en ce monde n'était gratuit, qu'il fallait qu'à un moment quelqu'un paie, qu'il serait injuste d'acheter des biens matériels et de ne pas acheter des créations artistiques. Ou alors, que tout soit gratuit ! Mais chacun sait bien que c'est impossible ...
Un autre invité, hostile à Hadopi, a avancé un argument tout aussi puissant : les oeuvres de l'esprit ne sont pas comparables à des biens matériels; voler une voiture et télécharger un texte, ça n'a rien à voir. Le texte ne demande qu'à être volé, reproduit, dupliqué à l'infini, parce que c'est ce qui fait son succès. Le monde de l'esprit, c'est celui de la gratuité, à la différence du monde des marchandises. J'ajouterais que la grande oeuvre appartient à tout le monde, et c'est ce qui fait sa grandeur. Prenez une idée : à qui appartient-elle ? Faut-il la monnayer ? Non, la grande idée est universelle.
Jadis, la création artistique ou intellectuelle n'était pas soumise à la notion bourgeoise de propriété, qui s'est généralisée au XVIIIème-XIXème siècle. Les fresques et sculptures de l'Antiquité n'ont laissé aucune trace de leurs auteurs. Qui connaît l'architecte de Notre Dame de Paris ? Au Moyen Age, les moines recopiaient les manuscrits sans se soucier des droits d'auteurs. On a vu par le passé des écrivains en piller d'autres, sans que cette source d'inspiration ne pose problème. Les philosophes grecs se voyaient dépossédés de leur pensée par leurs disciples qui en faisaient leur miel et leurs propres ouvrages.
Avec Internet, nous réapprenons un monde où la propriété intellectuelle et ses droits n'existaient pas, où cela ne choquait moralement pas. Je ne dis pas qu'il faut revenir au passé, je dis qu'il faut relativiser ce qui se passe aujourd'hui. Surtout, il faut être en capacité de penser l'avenir. Car les créateurs ont le droit d'être protégés (mais autrement que par Hadopi) et les consommateurs (mot discutable mais appelons-les ainsi) ont droit à cette formidable liberté qu'est Internet. Et puis, la gratuité cesse d'en faire des consommateurs. La violence du débat entre les uns et les autres prouve simplement que le monde change, que le présent ne peut perdurer, que nous accouchons d'un autre monde dans la souffrance. Essayons d'organiser cette mutation avec intelligence, faisons fi des polémiques et des invectives.
Bonne matinée.
Je veux revenir ce matin sur le débat autour de la loi "Création et Internet", auquel j'ai consacré cette semaine un billet, pour dénoncer le courrier violent et injuste d'Arditi et consorts adressé à Aubry. Des éléments nouveaux sont apparus depuis : les cinéastes s'y sont mis, Tavernier, Corneau et quelques autres, envoyant eux aussi une lettre à la patronne du PS, en moins violent mais tout aussi irritant. Pourquoi qualifier de "dédain" et de "condescendance" la position du PS ? Il est trop facile, et de nos jours trop fréquent, de transformer une opinion politique en posture psychologique.
En retour, j'ai envie de dire que ces artistes exercent leur arrogance envers le PS parce qu'ils souffrent d'une contradiction : anciens d'extrême gauche pour beaucoup, les voilà qui défendent une loi de Sarkozy, le principe de propriété et leurs intérêts personnels !
Revenons à la politique et aux convictions : il y a eu un beau débat sur le sujet, mardi soir sur France 3, à "Ce soir (ou jamais)", avec Jean-Claude Carrière, un homme que j'apprécie beaucoup, qui lui aussi a défendu le projet du gouvernement, avec cette fois calme et arguments. Je n'ai pas changé d'avis mais j'ai mieux compris pourquoi cette loi dite Hadopi soulève tant de passions, de contradictions et ... d'incompréhensions.
D'abord, deux vérités, deux intuitions aussi fortes l'une que l'autre s'affrontent. D'un côté ceux qui n'admettent pas (et comment pourrait-on l'admettre ?) le vol, le pillage quel qu'il soit, surtout peut-être quand il s'agit des oeuvres de l'esprit, ceux que révulse l'idée d'une incivilité autorisée, légalisée (contradictoire dans les termes), le téléchargement illégal devenant légal, ceux qui défendent le travail des créateurs. D'un autre côté, ceux qui n'admettent pas qu'on touche à leur liberté, que révulse l'idée d'une autorité administrative pouvant couper l'accès internet à tout téléchargeur contrevenant, sans décision de justice préalable. Le Parlement européen leur a donné raison cette semaine.
Le débat, comme tout vrai débat, est compliqué. Il oppose très classiquement les partisans de la loi et les partisans de la liberté. Mais les premiers veulent aussi protéger la liberté de l'artiste et les seconds en appellent à la loi contre l'arbitraire administratif. Chez Taddéï, Carrière a prudemment mais efficacement argumenté sur le fait que rien en ce monde n'était gratuit, qu'il fallait qu'à un moment quelqu'un paie, qu'il serait injuste d'acheter des biens matériels et de ne pas acheter des créations artistiques. Ou alors, que tout soit gratuit ! Mais chacun sait bien que c'est impossible ...
Un autre invité, hostile à Hadopi, a avancé un argument tout aussi puissant : les oeuvres de l'esprit ne sont pas comparables à des biens matériels; voler une voiture et télécharger un texte, ça n'a rien à voir. Le texte ne demande qu'à être volé, reproduit, dupliqué à l'infini, parce que c'est ce qui fait son succès. Le monde de l'esprit, c'est celui de la gratuité, à la différence du monde des marchandises. J'ajouterais que la grande oeuvre appartient à tout le monde, et c'est ce qui fait sa grandeur. Prenez une idée : à qui appartient-elle ? Faut-il la monnayer ? Non, la grande idée est universelle.
Jadis, la création artistique ou intellectuelle n'était pas soumise à la notion bourgeoise de propriété, qui s'est généralisée au XVIIIème-XIXème siècle. Les fresques et sculptures de l'Antiquité n'ont laissé aucune trace de leurs auteurs. Qui connaît l'architecte de Notre Dame de Paris ? Au Moyen Age, les moines recopiaient les manuscrits sans se soucier des droits d'auteurs. On a vu par le passé des écrivains en piller d'autres, sans que cette source d'inspiration ne pose problème. Les philosophes grecs se voyaient dépossédés de leur pensée par leurs disciples qui en faisaient leur miel et leurs propres ouvrages.
Avec Internet, nous réapprenons un monde où la propriété intellectuelle et ses droits n'existaient pas, où cela ne choquait moralement pas. Je ne dis pas qu'il faut revenir au passé, je dis qu'il faut relativiser ce qui se passe aujourd'hui. Surtout, il faut être en capacité de penser l'avenir. Car les créateurs ont le droit d'être protégés (mais autrement que par Hadopi) et les consommateurs (mot discutable mais appelons-les ainsi) ont droit à cette formidable liberté qu'est Internet. Et puis, la gratuité cesse d'en faire des consommateurs. La violence du débat entre les uns et les autres prouve simplement que le monde change, que le présent ne peut perdurer, que nous accouchons d'un autre monde dans la souffrance. Essayons d'organiser cette mutation avec intelligence, faisons fi des polémiques et des invectives.
Bonne matinée.
24 Comments:
Le moyen age comme idéal,
intéressant concept
et totalement progressiste.
By grandourscharmant, at 3:27 PM
C'est ridicule cette loi ! alors stop les gens qui disent c'est pareil de voler un cd ou un fichier numérique car quand on vole un cd, on vole le disque, le boitier, il y a par conséquent un cout de production ! Alors que qu'en c'est un fichier numérique, on ne vole rien !!!!
By Arthur Nouaillat, at 4:00 PM
A l'ours UMP :
Inculte que vous êtes, bouffeur d'encyclopédies, vous ignorez bien sûr que le Moyen Age a aussi eu ses lumières, qu'on ne peut pas le réduire à la période obscure qu'on a longtemps cru.
Mais pour savoir ça, il faut lire par exemple Régine Pernoud, ne pas se contenter du Quid que vous avez calé dans votre salon entre l'encyclopédie du bricolage et l'encyclopédie du jardinage.
By Emmanuel Mousset, at 4:31 PM
A Elève en 2nde :
Dans le même ordre d'idées, quand on emprunte un livre à la bibliothèque, qu'on paie juste un forfait à l'année, on ne vole pas l'oeuvre en question parce qu'on ne verse pas d'argent pour la lire. Les partisans de cette loi, même quand ils sont d'anciens gauchistes, veulent marchandiser internet alors que d'un autre côté ils condamnent la marchandisation du monde !
By Emmanuel Mousset, at 4:34 PM
Encore une fois de votre part,
la critique du vice à la vertu.
La question était me semble-t-il le statut de l'artiste et la propriété intelectuelle.
Vous seriez vous perdu en route ?
Quant aux bibliotheques,
betement je pensais que c'était le budget des communes qui payait l'achat de livre et le salaire des agents.
Budget des communes financés...
... par l'impot,
effectivement les bibliothèques sont gratuites.
C'est vrai on ne paie pas directement pour emprunter les livres,
on le fait indirectement.
Et les simples d'esprits pensent qu'on ne paie pas.
By grandourscharmant, at 5:18 PM
A Strasbourg, gauche et droite votent pareil dans 97% des cas
http://www.marianne2.fr/A-Strasbourg,-gauche-et-droite-votent-pareil-dans-97-des-cas_a179381.html
By Anonyme, at 6:09 PM
Ca veut dire quoi 97% des "cas" ? C'est quoi un "cas" ? Si les 3% qui restent concernent des réformes fondamentales qui font clivage entre gauche et droite, c'est l'essentiel. Et puis, si ce que vous dites est vrai, à quoi bon voter ? Bravo pour l'encouragement à l'abstention !
Un peu de sérieux : ce pourcentage est idiot, il ne veut rien dire. D'autant que le Parlement européen, à la différence du français, est élu à la proportionnelle. Ce qui veut dire qu'il n'y a pas ou difficilement de majorité absolue, mais des majorités d'idées. Bref, pour faire passer une mesure de gauche, il faut inévitablement un appoint du centre droit ou des écologistes.
La vraie question intelligente serait de se demander, parmi les 97%, combien représentent des votes de gauche et combien des votes de droite ?
Vos 97% sont donc un gros bluff, un sale trucage. Que "Marianne" s'adonne au sensationnalisme politique, normal : c'est son fond de commerce. Ce n'est pas le mien. Ca ne devrait pas non plus être le vôtre. La gauche n'a pas besoin d'un "France-Dimanche".
By Emmanuel Mousset, at 6:50 PM
A l'ours UMP :
Cessez de baver inutilement, la vérité est plus simple : les oeuvres et leurs créateurs pourraient être protégés et financés par une "licence globale", tout comme le prêt dans une bibliothèque municipale est rendu gratuit par l'abonnement et les impôts.
By Emmanuel Mousset, at 6:54 PM
Pour protéger ceux qui ne respectent pas la loi,
vous voulez mettre en place un nouvel impot qui pénalisera tout le monde.
Une redevance internet à payer en plus de l'abonnement que devrait payer des gens qui refusent d'acheter les oeuvres.
On voit tout de suite que vous êtes une flèche des qu'il est question de commerce.
Ceux qui refuse de payer 10,
on va leur faire à 5.
Là, c'est sur ils accepteront de payer.
Et pour mes impots,
si je trouve que c'est trop cher,
je peux faire pareil ?
Je refuse de les payer pour qu'on me les baisse.
By grandourscharmant, at 7:10 PM
Au méchant ours idiot:
Je trouve ca un peu facile de traiter un élève de seconde de "simple d'esprit",
j'aurai bien aimer vous entendre à cette âge!!
Ce n'est pas facile de comprendre tout en politique,
ca s'apprend avec le temps...
Ce n'est pas pour ca que l'on est simple d'esprit!!
By Unknown, at 8:02 PM
Je n'ai jamais dit que l'eleve de 2de était un simple d'esprit.
Et à cette age là,
j'étais déjà pareil que maintenant.
By grandourscharmant, at 8:34 PM
A l'ours UMP :
La flèche, c'est dans votre gros cul d'ours que vous allez la recevoir. Les recettes de l'impôt sont affectées à l'intérêt général, pas à votre petit intérêt personnel.
By Emmanuel Mousset, at 8:51 PM
parce qu'aller chercher des livres à la bibliothèque,
ce n'est pas mon petit intérêt particulier.
Cela me permet de les lire sans avoir à les acheter.
By grandourscharmant, at 9:32 PM
A l'ours :
A 16 ans vous etiez le même !!!
Et ben dit donc, je plains vos parents et vos amis (si vous en aviez evidemment ...)
By Arthur Nouaillat, at 9:50 PM
Vous pouvez certains ont mal tourné,
ils sont devenus communistes.
By grandourscharmant, at 9:53 PM
Je ne parle pas de votre "bord politique" mais juste de votre comportement à toujours dénigrer les gens, les rabaisser. Vous vous prenez pour le meilleur. Vous n'êtes qu"un frustré de la vie !
By Arthur Nouaillat, at 10:06 PM
pourquoi me déniger ainsi
By grandourscharmant, at 10:18 PM
Je ne dénigre pas voyons !!!!! C'est une simple constatation..
By Arthur Nouaillat, at 10:19 PM
Donc quand je constate,
c'est un dénigrement
quand vous constater c'est un constat.
C'est peut etre pour cela que je suis si bon.
Pour moi quand on constate on constate
quand on dénigre, on dénigre.
Il n'y a pas 2 poids-2 mesures selon que ce soit moi ou un autre.
Je ne pense pas que le bien c'est forcément moi, que j'ai forcément raison et que les autres ont systématiquement tort.
Mais quand les autres ont tort,
visiblement, on me refuse le droit de le constater.
Alors que moi, cela ne me dérange pas du tout qu'on constate que j'ai tort quand ça arrive.
By grandourscharmant, at 10:29 PM
C'est joli, la petite photo verdâtre avec l'ours blanc qui fait de la plongée sous-marine. Tout à fait vous. Je suppose que la recherche et le montage ont dû occuper tout votre après-midi !
By Emmanuel Mousset, at 10:38 PM
« Prenez une idée : à qui appartient-elle ? Faut-il la monnayer ? Non, la grande idée est universelle. »
L'idée n'apparaît pas toute seule, il faut qu'il y en ait d'autres qui la précèdent. On ne construit que sur l'existant.
Ce qui importe, c'est reconnaître la paternité de l'invention. Le créateur peut choisir d'offrir sa création, évidemment, comme tout le monde, il a besoin d'argent pour vivre. C'est pourquoi il faut prévoir un salaire citoyen dans notre projet de 2012.
Quand on est
suffisamment riche, on peut offrir le résultat de son travail.Servez-vous... ;-)
By jpbb, at 10:44 PM
A moins que j'ai été la prendre moi-même qui sait.
By grandourscharmant, at 10:51 PM
Sinon si votre question était de savoir si je suis à l'origine des photomontages qui circulent vous concernant.
Il est bien évident que non.
J'ai toujours trouvé que ce genre de choses étaient une perte de temps phénoménales.
Rien ne m'insupporte plus que tout ces gens qui passent leur temps à faire des powerpoint humoristique et à se les échanger, surtout que la plupart sont réalisés pendant les heures de travail au lieu de bosser.
By grandourscharmant, at 11:08 PM
Le pire, c'est que cet humour n'est pas drôle.
By Emmanuel Mousset, at 7:31 AM
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