L'Aisne avec DSK

06 juin 2009

Que sont devenus mes héros ?

Bonjour à toutes et à tous.

Deux nouvelles m'ont attristé cette semaine. Nous étions préoccupés par les élections européennes, elles sont passées inaperçues. D'apparence, elles ne sont pas politiques. Elles le sont pourtant, si on prend la peine d'y réfléchir. De quoi s'agit-il ? Du suicide de David Carradine et de la démence de Peter Falk. C'est un choc pour moi parce que c'était mes deux acteurs fétiches quand j'étais adolescent.

David Carradine, c'était "Kung Fu", ce drôle de western avec un chinois comme héros, des cow-boys et des arts martiaux. Ca ne ressemblait à rien de ce que j'avais pu voir dans le genre western. En fait, "Kung Fu", c'était un western de gauche, David Carradine ressemblant à un beatnik, adepte de la non-violence et de spiritualité orientale. Le western de droite, c'était John Wayne, Gary Cooper, James Stewart, la morale traditionnelle puritaine, la violence assumée, les bons blancs et les méchants Peaux-Rouges.

Peter Falk, c'était bien sûr l'inspecteur Columbo, là aussi une série policière sans pareil : le héros est un anti héros, mal rasé, mal fringué, pas beau et dans une vilaine auto. Quand on sait ce que sont la civilisation américaine et ses modèles, Columbo n'avait vraiment rien pour plaire. C'est pourquoi il me plaisait énormément (et je n'étais pas le seul !). L'inspecteur rital faisait péter les canons traditionnels de l'américanité. Et puis, il s'en prenait aux bourgeois, sveltes, élégants, friqués, belles femmes, belles baraques ... mais criminels. Lui, Columbo, c'était un peu un prolo, pas futé et finalement très intelligent. Mine de rien, la lutte des classes dans une série télévisée !

David Carradine, 72 ans, a été retrouvé pendu dans une chambre d'hôtel et Peter Falk, 81 ans, a été placé sous curatelle pour cause d'Alzheimer. Un moine shaolin qui met fin ainsi à ses jours, ça ne va pas. Et Columbo qui ne se souvient plus d'avoir été Columbo, ça ne va pas non plus. Mais que sont devenus mes héros ? Respect pour celui qui a choisi de quitter cette vie, respect pour celui qui est emporté par la dégénérescence du cerveau. Je veux simplement en tirer quelques réflexions politiques :

Carradine et Falk, c'est moi, c'est vous, c'est nous, dans quelques années, quelques décennies, le plus tard possible, nous le souhaitons tous. Mais c'est la vie, le destin, la réalité, notre futur. On parle souvent de la "petite enfance" et on a raison. J'aimerais qu'on parle aussi de la "grande vieillesse". Car nous sommes entrés dans une civilisation que l'humanité n'a jamais connue auparavant, un monde progressivement dominé par les retraités et les vieux. Jadis, les "anciens" étaient respectés parce qu'ils étaient peu nombreux. Ils avaient quasiment le statut exceptionnel de "survivants", dans un monde ravagé par la mortalité précoce et fréquente. Aujourd'hui, vieillir est devenu une banalité. Mais la "grande vieillesse" pose tout un tas de problèmes politiques :

Il y a d'abord les problèmes financiers, matériels, techniques : comment faire face au vieillissement massif de la population ? Comment traiter les vieillards ? Hôpitaux, maisons de retraite, tout cela demande d'énormes investissements, des arbitrages budgétaires, des décisions politiques qui sont des choix de société. Car nous sommes tous concernés, pas seulement en tant que futurs vieillards mais en tant que familles ayant à charge des vieillards, ne sachant que faire, étant parfois moralement désemparé et financièrement préoccupé. On ne peut pas être libéral devant un tel problème, laisser les individus et les familles livrés à eux-mêmes. On ne peut pas s'en tenir à un discours moral qui renverrait chacun à sa responsabilité et sa générosité. Le problème doit devenir politique, social, pris en charge par l'Etat. C'est là où je suis incurablement socialiste.

Les problèmes sont également idéologiques et psychologiques : notre société, paradoxalement, vénère la jeunesse. Je suis effaré de constater, dans les réunions publiques, combien les rares jeunes présents sont l'objet d'une véritable fascination de la part des "vieux" (dans lesquels je m'inclus, ayant dans quelques jours 49 ans !). Je m'amuse à voir la pitoyable coquetterie de ces "vieux" tout contents de s'entendre dire qu'ils sont "encore jeunes" (comme si c'était une vertu !). Je travaille avec des jeunes, je les connais, je les aime bien mais il ne me viendrait pas à l'idée de les admirer ou de les prendre pour modèle !

Qu'on veuille retarder les effets de l'âge, par l'apparence vestimentaire, la chirurgie esthétique et le viagra, pourquoi pas, c'est normal. Mais qu'on n'assume pas le vieillissement et la mort, ça me dépasse, c'est complètement fou. Quoi de plus triste qu'un vieux qui singe un jeune ? Il faudrait au contraire faire l'éloge de la grande vieillesse, l'accepter avec sagesse, en célébrer les vertus. Des vieux qui ne sont pas fiers de ce qu'ils sont, ça ne peut pas faire une société.

La hantise, la peur panique que provoque dans les familles la maladie d'Alzheimer sont symptomatiques de notre incapacité à intégrer psychologiquement l'extrême vieillesse. Autrefois, on disait d'un vieillard qu'il n'avait plus "toute sa tête", qu'il retombait "en enfance". On s'en désolait mais ça ne choquait pas, il paraissait normal de "perdre la tête" quand le corps progressivement se dérobe à vous. C'est triste mais c'est comme ça. Et puis, il y a pire dans la vie. On disait : "il a fait son temps". C'était sage. Nous devrions accepter cette dégénérescence de nos cellules, parce que c'est notre destin. Un jour, je ne pourrais plus rédiger ce blog, ou bien je me mettrais à y écrire n'importe quoi. Et alors ? Un autre viendra, qui prendra la relève, qui fera aussi bien que moi. Adieu Columbo, bonjour Columbo !

Au bout du bout de la vieillesse, il y a la mort, dont j'ai dit il y a quelques jours qu'elle était le dernier tabou de notre société. C'est là encore un problème politique. Jadis, on mourait de faim, de froid, de maladie, d'accident, rarement de vieillesse. Aujourd'hui, c'est l'inverse. Des gens meurent, on se demande parfois de quoi. De rien, de la vie arrivée à son terme, de la page qu'on tourne, du livre qu'on ferme. A force de vivre, on finit toujours par mourir. Le politique devra poser la question du comment, avec deux pistes : le choix de sa propre mort (je ne sais pas ce qui a conduit Carradine à se suicider, mais on ne devrait plus avoir recours à la pendaison ou autre procédé violent pour mettre fin à ses jours), l'organisation médicale d'une mort douce, avec le moins de souffrance possible. La mort étant en soi pas très marrante, autant ne pas en rajouter, faisons en sorte qu'elle soit la moins pénible à subir.

Vous ne savez pas quoi faire ce week-end ? Allez demain voter, et si vous n'êtes pas assesseur dans un bureau de vote, prenez un dvd dans votre magasin de vidéo, par exemple un épisode de "Kung Fu" ou de "Columbo".


Bonne journée.

17 Comments:

  • Alors si David Carradine, c'est vous,
    cela signifie que vous avez les memes pratiques sexuelles qui l'ont conduit à la suffocation.

    Vous auriez pu nous épargner ce genre de révélations,
    en tout cas, maintenant on sait que si l'on vous retouve nu et pendu,
    ce sera parce vos jeux sexuels auront mal tourné.

    By Blogger grandourscharmant, at 3:42 PM  

  • GOC,

    Depuis quelques temps, vous vous entassez vous-même. Des inserts hors-propos ou arrivant lors de discussions plus sérieuses. Burn out peut être?

    L.E.

    By Anonymous Anonyme, at 7:52 PM  

  • LE
    Faudrait peut être avoir un peu d'humour!

    By Anonymous Anonyme, at 8:08 PM  

  • Laurent,
    ce n'est pas si hors-propos que cela.

    Il s'agit juste de la partie immergé de l'iceberg.
    Peut-etre que je m'attache trop à certains détails qui ne sont pas si significatif que cela.

    Peut-etre aussi que je connais les trucs des magiciens,
    que je sais ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas
    et ce que cela signifie.

    Quand on voit ce qui est dit et que ça passe,
    comparativement à ce qui est fait.
    Il y a sans aucun doute de quoi etre désabusé.

    Certaines jolies histoires qu'on peut lire dans les journaux,
    laissent forcément dubitatif quand on connait la réalité des faits.

    Mais la réalité qui s'en préoccupe.

    By Blogger grandourscharmant, at 9:41 PM  

  • Quand on sait ce qu'on sait
    on a raison de penser ce qu'on pense.

    By Anonymous Anonyme, at 9:58 PM  

  • A l'ours UMP :

    Des jeux sexuels où l'on se retrouve nu et pendu, je ne connais pas. Mais je n'ai ni votre imagination, ni vos fréquentations.

    Quant à Carradine, respect pour les morts. Vous n'en savez probablement pas plus que moi sur cette histoire.

    Laurent a raison : je fais un billet sur le grand âge, vous tombez dans le sordide. Ce n'est pas bien.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 10:25 PM  

  • Rien de ce qui est humain ne m'est étranger.
    Il n'est pas besoin d'approuver les pratiques de ses contemporains, ni de les partager pour les connaitre.

    Il suffit d'une bonne encyclopédie pour s'approprier la connaissance.

    By Blogger grandourscharmant, at 10:52 PM  

  • A voté.

    By Blogger grandourscharmant, at 11:15 AM  

  • Le Pen a raison
    A bas la racaille enseignante

    By Anonymous Anonyme, at 2:21 PM  

  • Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

    By Blogger Arthur Nouaillat, at 2:34 PM  

  • Au dernier anonyme :

    Dans votre post vous visez quelqu'un en particulier ici ?

    By Blogger Arthur Nouaillat, at 2:37 PM  

  • A l'ours UMP :

    Si vous trouvez "humain" de se retrouver nu et pendu, ça vous regarde. Avec ou sans encyclopédie.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 3:43 PM  

  • A vous entendre,
    j'aurais mon mot à dire
    sur ce que font les etres humains.

    Je n'ai pas ce pouvoir.
    Si vous aviez lu Sade,
    vous ne m'auriez pas posé la question.

    Et non, ce n'est pas ma lecture préférée,
    mais pour ne pas mourir idiot et savoir ce qu'il en était,
    il a bien fallu le lire.
    Cela évite de ne pas savoir de quoi on parle.

    By Blogger grandourscharmant, at 3:57 PM  

  • AU DEBUT, ELLE EST FROIDE, OURS, OURS!!!

    By Anonymous anonyme qui aime les gens, at 5:38 PM  

  • J'ai lu Sade, j'ai compris que c'était de la littérature et pas la réalité.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 9:46 PM  

  • Vous avez raison Sade a édulcoré la réalité dans ses livres,
    ce qui se passe en vrai est bien plus terrible.

    Les comptes-rendu d'assises sont bien plus édifiant sur ce qui arrive vraiment.

    By Blogger grandourscharmant, at 10:35 PM  

  • Sade n'a rien à voir avec les assises.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 12:50 PM  

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