Réforme ou tactique.

Bonsoir à toutes et à tous.





Le Premier Mai n'a pas énormément mobilisé. Pourtant, le mot d'ordre, la défense des retraites, pouvait inciter à battre le pavé. Est-ce parce que le gouvernement n'a pas dévoilé son projet ? Au contraire, une période de flottement est propice à manifester ses craintes, à mettre en avant ses revendications. L'explication est ailleurs : les Français sont largement convaincus de la nécessité d'une réforme du système, ils ne souhaitent pas en rester à un statu quo sans doute confortable sur l'instant mais dont ils redoutent les effets dévastateurs à long terme.



La droite consulte, le PS attend. C'est un peu une veillée d'armes. Notre Bureau national a choisi le positionnement tactique : garder par devers soi nos propositions, laisser la droite se dévoiler avant de l'attaquer. Pourquoi pas, je comprends l'intention mais j'aurais préféré l'offensive à la défensive, le cartes sur table au jeu caché, la réforme assumée à la tactique prudente. Mais j'ai peut-être tort, je ne suis pas un grand politique.



On dit que cette réserve du PS serait due à nos divergences internes. Elles existent certes, entre une majorité social-démocrate, Aubry, Royal, Delanoë, Hollande, la plupart des leaders nationaux, même Fabius qui est revenu de son escapade radicale de 2 005, et l'aile gauche, qui n'est plus aujourd'hui représentée que par Hamon et Emmanuelli, mais qui continue à exercer un magistère moral, une pression psychologique, la bonne conscience de la gauche. Au petit jeu du "plus à gauche que moi tu meurs", elle sera toujours la gagnante, même si elle est plus que jamais minoritaire après le départ des troupes de Mélenchon. Il se trouve que je ne suis pas, mais pas du tout, joueur. Dans un mois, dans six mois, dans dix ans, ce clivage sera toujours là. Laissons-le donc de côté et intéressons-nous aux réalités.



Quelle est la seule réforme des retraites socialement acceptable pour un parti de gauche réformiste ? Pas celle qui augmente les cotisations, pas celle qui baisse le montant des retraites, car toutes les deux affecteraient gravement les catégories populaires dont nous sommes les défenseurs naturels. Il ne reste plus que l'allongement de la durée de cotisations, à partir du constat banal que la durée de vie a augmenté. Je comprends parfaitement que les syndicats n'entrent pas dans ce raisonnement et défendent les acquis sociaux. C'est leur boulot. Mais jusqu'à preuve du contraire, le PS est un parti politique et pas un syndicat.



Ce que j'aimerais que nous disions, dès maintenant, sans plus tarder, et peu importe les considérations tactiques, c'est que nous sommes favorables à cet allongement de la durée de cotisations. Aubry et d'autres, à la direction, y pensent très fort mais n'osent pas. Qu'ils osent ! Mais pourquoi ? Parce que c'est ce que la droite, j'en fais le pari, va proposer. Et alors on fera quoi ? S'opposer pour s'opposer, parce que c'est la droite qui le propose ? Si on veut perdre en 2 012, si on veut être purement réactif, allons-y ! Je ne le souhaite pas, je veux qu'on gagnent, qu'on battent la droite, qu'on se définissent par rapport à nous et pas par rapport à elle.



Mais si le PS propose la même chose que la droite ? Eh non, ce n'est pas la même chose. L'augmentation de la durée de cotisations, nous devons la proposer et l'assumer, devancer la droite sur ce terrain MAIS à de toute autres conditions que celles de la droite. Car qu'est-ce qui est choquant dans la France d'aujourd'hui ? Ce n'est pas de travailler et de cotiser un peu plus pour assurer le système des retraites ; non, ce qui est choquant, ce sont les jeunes qui ne trouvent pas de boulot, ce sont les quinquas qui n'en trouvent pas non plus, c'est la pénibilité du travail qui n'est pas prise en compte dans les années de cotisations, c'est le faible montant de beaucoup de retraites, c'est que les revenus financiers ne sont pas suffisamment sollicités. De tout cela, la gauche doit s'emparer afin de proposer une réforme globale, qui n'aura pas grand-chose à voir avec ce que proposera la droite.



Cette droite, justement, elle est au pouvoir depuis huit ans, qu'a-t-elle fait pour réformer le système des retraites ? RIEN. L'alignement du public sur le privé en 2 003 (réforme Fillon) ? Le problème du financement des caisses n'a pas été réglé et ce sont les fonctionnaires qui ont morflé. La suppression des régimes spéciaux (réforme Bertrand) ? Une revanche idéologique de la droite, les fonctionnaires une fois de plus dans la ligne de mire et le financement du système toujours pas réglé.



La droite n'a donc RIEN fait. C'est à la gauche de faire, de proposer une réforme en profondeur du système. Si nous osions, les Français nous en seraient reconnaissants. Laissons donc de côté la prudence tactique, allons de l'avant, PROPOSONS. Nous serons critiqués ? On est toujours critiqué quand on fait de grandes choses. Il suffit de s'en foutre. Et de ne surtout pas aller au meeting commun que propose le NPA le 6 mai. Il y a des moments où la plaisanterie a assez duré.





Bonne soirée.