L'Aisne avec DSK

06 juin 2010

Un à huit.

Bonjour à toutes et à tous.


Il y a quelques jours, le palais de Fervaques était plein à craquer. Des salles comme on en rêve ! Et toujours la même question qui m'obsède depuis des années : à Saint-Quentin, pourquoi certains arrivent à mobiliser et d'autres pas ? C'est évidemment une question politique, je dirais même LA question politique. Un résultat électoral, comme son nom l'indique, n'est qu'un résultat, le produit d'un travail de l'opinion, une conséquence dont les causes sont profondes et anciennes. La mobilisation précède l'élection. Un vote n'est qu'un constat, un état des lieux. La victoire ou la défaite se décident en amont, bien avant.

Dans notre ville, la rupture de la gauche locale avec son électorat naturel date de 1995. A partir de là, la droite obtient des scores massifs, le rapport de forces devient anormal en défaveur de la gauche, en comparaison avec son passé et la sociologie des habitants. L'image d'une ville qui bascule facilement de la gauche vers la droite, et inversement, est brisée, la droite s'installe durablement, la gauche paraît dans l'impossibilité de l'emporter, aux yeux de l'opinion (pas besoin d'un sondage, une discussion au hasard confirmera cette impression). Depuis quinze ans, nous ne sommes pas sortis de cette séquence, dont on ne voit pas quel événement pourrait l'interrompre.

Le fond de l'affaire, ce n'est pas les partis de gauche, aux activités réduites et essentiellement internes, visibles principalement au moment des élections, à l'exception des tâches militantes les plus classiques (collage, tractage). Non, le problème c'est l'état de l'opinion. Xavier Bertrand n'est pas arrivé là où il est en restant dans son local de l'UMP et en organisant ses partisans. Il s'est immergé dans la vie associative de la ville, s'est fait une image dépassant très largement les frontières militantes, celle du type qui bosse pour sa ville, donne des coups de main aux autres et ne met pas en avant son appartenance politique (que cela soit vrai ou faux est autre chose, mais l'image, elle, est bien réelle).

Je reviens à cette réunion qui a rassemblé plus de 400 personnes à Fervaques. Il se trouve que quelques semaines avant, j'avais organisé une réunion assez comparable : même thème (l'euthanasie), même notoriété de l'invité (Leonetti pour eux, Romero pour moi), même effort de communication dans la presse, même envoi massif d'invitations, mêmes partenaires nationalement reconnus et influents (JALMAV pour les uns, l'ADMD pour les autres), même période. J'insiste sur cette proximité, parce qu'elle est généralement difficile à établir, tellement les paramètres sont différents. Là, ils étaient relativement proches.

Résultat des courses : un rapport de un à huit entre ma réunion et la leur, en matière de participation. L'écart est trop grand pour ne pas être anormal, comme en ce qui concerne les élections locales. Aucune de ces deux réunions n'était strictement politique. Pourtant, chacune drainait des valeurs qu'on peut qualifier, objectivement et sans jugement péjoratif, de conservatrices (contre l'euthanasie) ou bien de progressistes (pour l'euthanasie).

Je suis persuadé que la bataille politique est précédée et engendrée par la bataille des idées, sur le terrain de la culture (au sens large). A Saint-Quentin, la gauche, depuis une quinzaine d'années, ne crée plus l'événement, n'est plus en capacité, sur ses propres valeurs, de mobiliser plusieurs centaines de personnes (je mets de côté les mouvements sociaux, les manifestations syndicales, qui n'assurent plus aujourd'hui d'un vote systématiquement à gauche).

Ce qui signifie que la solution n'est pas à chercher dans les sections des partis politiques, qui resteront pour longtemps des micro-appareils au faible pouvoir d'attraction et de recrutement, mais dans les réseaux de ce qu'on appelle la société civile. La droite saint-quentinoise a les siens, aux multiples ramifications, fortement structurés, efficaces, chassant parfois sur des terrains ou des thématiques réservés habituellement à la gauche. De ce point de vue, un travail gigantesque nous attend, qui sera long et dont il faut commencer par avoir conscience (c'est sans doute le plus difficile, tellement il est plus simple de se consoler, s'auto-justifier et s'aveugler en croyant béatement que demain sera meilleur qu'aujourd'hui).

Tant que le rapport sera, tout chose égale par ailleurs, de un à huit dans ce type de mobilisation, nous ne gagnerons jamais les élections, même pas par hasard, par malentendu ou par surprise.


Bon dimanche.