L'Aisne avec DSK

02 décembre 2007

La fin du monde.

Bonjour à toutes et à tous.

Je vous propose, en ce premier dimanche de décembre, un peu de philosophie (politique). Les idées me sont venues en écoutant à la radio René Girard, qui vient de publier un ouvrage, "Achever Clausewitz" (dont je vous reparlerai). Le sujet de ma réflexion, c'est ... la fin du monde, le concept de "fin du monde". J'aurai de bonnes raisons de rejeter ce concept. Il est de nature religieuse, apocalyptique et même superstitieuse, à tel point qu'on voit mal comment en faire (ce que je vais pourtant tenter) un concept rationnel. D'autre part, c'est un concept réactionnaire, qui renvoie à l'idée de décadence de la société, d'incapacité au progrès de la civilisation. Bref, la fin du monde comme finalité de l'histoire contredit l'espoir d'une société meilleure, parfaite ou idéale, qui est à la base de la pensée de gauche.

Pourtant, je crois qu'on peut faire de la fin du monde un concept rationnel, laïque et progressiste. Voilà mes propositions:

1- La fin du monde n'est pas un fantasme, une angoisse, un produit de l'imagination littéraire ou religieuse. C'est un fait, un constat, une observation que nous propose la science, astronomie et astrophysique: notre soleil, dans un univers en expansion permanente, brûlera complètement ses réserves d'hydrogène dans 5 milliards d'années, ses rayons détruiront alors toute vie à la surface de la Terre (pour mémoire et comparaison, l'univers est apparu il y a environ 13,7 milliards d'années et notre planète 4,5 milliards d'années). Vous me direz, ce n'est pas pour demain! Oui, mais du point de vue des représentations que l'homme se fait du monde, c'est fondamental. Nous savons désormais que l'humanité et ses prodigieuses créations vont disparaître (sauf à fuir notre système solaire, mais c'est une autre histoire...). La philosophie contemporaine devrait se saisir de cette question cosmologique qu'elle a abandonnée à la science depuis Emmanuel Kant (contrairement aux philosophes de l'Antiquité).

2- La fin du monde est aussi une proche et tragique réalité, sous deux formes de péril: d'abord le péril écologique. Si le mode de consommation occidental se répand à tous les peuples de la planète, comme il en prend le chemin, les ressources naturelles n'y suffiront pas. Pourtant, l'universalisation du bien-être, dans laquelle les russes et les chinois ont commencé à entrer, n'est pas condamnable. Nous allons vers une contradiction qui engendrera un désastre planétaire. Ensuite, il y a le péril nucléaire, c'est-à-dire l'universalisation de l'arme atomique, qui, elle aussi, est inéluctable et destructrice, car on imagine difficilement une arme, les missiles nucléaires, dormant pendant des siècles et des millénaires dans leurs silos ou leurs sous-marins. Etre progressiste, c'est être réaliste, regarder bien en face ces deux périls, cette fin écologique ou atomique du monde.

3- Mon concept de fin du monde, contrairement à son utilisation religieuse, n'invite pas à se soumettre passivement à la fatalité ou au destin. Bien au contraire. Pour le christianisme, la fin du monde est le début d'un autre, près de Dieu pour les Elus. C'est une révélation (sens du mot apocalypse), pas une disparition. Le chrétien se réjouit de la fin du vieux et mauvais monde. Dans la perspective que je propose, c'est la fin d'un monde auquel nous tenons, monde de paix menacé par la Bombe, monde de bien-être menacé par la généralisation contradictoire du bien-être. Cette fin du monde, nous n'en voulons pas, et c'est pourquoi nous la dénonçons, nous nous battons contre elle. Le même raisonnement vaut pour le concept de décadence, que les réactionnaires emploient pour discréditer aujourd'hui la société moderne et hier la société républicaine. Encore une fois, contre les religieux et les réactionnaires, "ma" fin du monde est progressiste parce que scientifique, rationnelle, laïque: elle invite à défendre les progrès de ce monde (la paix, le bien-être, la justice) précisément parce que ce monde est menacé de mort.

4- Je vois bien une objection à ma petite réflexion dominicale: à quoi bon se battre pour la paix, le bien-être et la justice si notre monde est condamné, par la surexploitation de ses ressources naturelles ou par la guerre nucléaire? Je réponds en passant de la philosophie politique à la philosophie morale: chacun d'entre nous va connaître, personnellement, dans son corps et son esprit, la fin du monde, la fin de "son" monde, c'est-à-dire le vieillissement et la mort. La fin du monde renvoie à la disparition de l'individu. La certitude de ma propre mort, qui peut survenir à tout instant (accident, cancer, etc), ne m'empêche nullement de vivre, d'agir, de faire des projets, et je me demande même si ce n'est pas la perspective de la mort qui me pousse à vivre, agir, faire des projets, ... Si j'étais immortel, j'aurais tout mon temps, je ne ferais pas grand-chose.

Bref, la gauche doit abandonner l'idée d'une société meilleure, dont le communisme nous a montré qu'elle engendrait la pire des sociétés. Le progressisme contemporain ne doit plus partager cet optimisme-là, qui a été démenti par les horreurs du siècle précédent. Il nous faut défendre, dans ce monde-ci, la paix, le bien-être et la justice, parce que ce monde est condamné à disparaître. On ne se bat que pour ce qui est menacé, on ne se bat à mort que pour ce qui est menacé de mort. Il faut être progressiste, pessimiste et heureux.


Bonne journée.

5 Comments:

  • Il nous faut défendre, dans ce monde-ci, la paix, le bien-être et la justice, parce que c'est notre raison de vivre. Il faut être progressiste, optimiste et heureux, car au fil du temps nous arrivons à consolider ce monde-ci, et arrivons à transmettre le flambeau aux générations suivantes en leur laissant une méthode, un but, et une ouverture. Elles auront tout comme nous à vivre, et c'est bien là ce que nous pouvons leur offrir.

    By Blogger jpbb, at 2:06 PM  

  • Bon, je suis pessimiste et JPB est optimiste, voilà une différence.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 3:19 PM  

  • bonjour à tous,
    En effet, la réaction nucléaire qui se passe dans le soleil produit du fer, en fin de course, ce qui aura pour conséquence de donner au soleil une couleur rouge (géante rouge), un volume qui va considérablement augmenter au point d'envelopper les planètes les plus proches : Vénus, Terre, ...
    Mais je m'loigne, je voulais vous parler des " sans nom ", des froussards qui sont extremment agressifs et vulgaires.
    Ce comportement hargneux et inconscient risque d'être responsable de la fin de notre monde.

    By Anonymous Anonyme, at 4:17 PM  

  • Bonjour
    Tout en cet univers a une durée de vie plus ou moins longue : chaque chose ou chaque être nait ou se crée, vieillit plus ou moins bien, plus ou moins rapidement et disparaît sans pour autant forcément mourir! parfois il se transforme. Il n'y a donc aucune raison de penser qu'il n'y aura pas de fin du monde. Elle est inéluctable. Ce qui ne l'est pas c'est la durée : l'homme avec son inconscience ou sa méconscience accélère la fin. L'homme, même le mieux intentionné ne respecte en rien la nature : excès de consommation, excès de déchets, excès deconfort, modification des biotopes y compris le sien, ... En prolongeant la vie des malades, des personnes agées,.... il croit bien faire mais il accélère la fin de l'univers par une augmentation de la consommation, une modification volontaire ou involontaire des gènes... L'homme est un apprenti sorcier, il est égoiste et ne voit que sa survie et celle de ses proches!.....
    On me dira que je suis un primaire, un écolo dépassé mais je suis encore plus pessimiste qu'Emmanuel! La raison de vivre que propose JPBB est la cause de la mort de notre monde!
    MD

    By Blogger md, at 5:36 PM  

  • Vivement la fin du monde !!! VAL

    By Anonymous Anonyme, at 5:48 PM  

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