Tous dépressifs?
Le ministère de la Santé a lancé depuis quelques semaines une campagne sur la dépression. On a envie d'applaudir. La tonalité employée semble juste. Elle s'efforce de dénoncer la banalisation, presque l'invisibilité de la dépression, névrose non spectaculaire, dont les symptômes font penser à une simple fatigue mais dont le diagnostic et les souffrances sont beaucoup plus spectaculaires. Pourtant, cette campagne n'est pas sans poser de questions ni sans donner prise à des contestations. C'est en tout cas la ligne de conduite, très critique, du psychanalyste Jacques-Alain Miller dans Charlie-Hebdo de cette semaine. Ses propos sont intéressants parce qu'ils sont iconoclastes et qu'ils proviennent d'un spécialiste en la matière. Je vous livre quelques extraits de l'entretien:
"95% des gens connaissent une moyenne annuelle de six épisodes de tristesse et de perte de l'estime de soi. Si l'on décide de médicaliser tout ça, alors la croissance exponentielle du nombre de dépressifs s'explique (...) La consommation d'antidépresseurs, qui avait baissé, va exploser à nouveau. Or la France est déjà le pays qui consomme le plus de psychotropes au monde".
Nous allons, nous sommes entrés dans une société surmédicalisée où chacun est considéré comme un dépressif en puissance, pour le plus grand intérêt de l'industrie pharmaceutique, qui diffuse une "idéologie" que reprend le gouvernement:
"La brochure dépression, diffusée à 1 million d'exemplaires, est une tentative d'endoctrination massive, parfaitement irresponsable. L'ambition est de remodeler nos émotions les plus intimes (...) Nous avons affaire à un phénomène de civilisation".
Un homme nouveau est à l'oeuvre dans cette idéologie. Il rompt avec l'homme ancien et ses émotions acceptées et assumées:
"L'homme contemporain se pense lui-même comme une machine (...) La tristesse est inhérente à l'espèce humaine (...) Si on veut guérir ça, on entre dans la biotechnologie, on va essayer de produire une autre espèce (...) On déprime quand on est malade de la vérité. Si on ne veut pas déprimer, il faut assumer la vérité, "sa" vérité".
Qui a dit que la révolution viendrait du communisme? Mais non, c'est la biologie qui y conduit, et la psychologisation actuelle de tous les rapports humains. Voilà une réflexion qui devrait être au coeur du souci politique. Ce n'est pas tout à fait le cas.
Bonne fin d'après-midi.
"95% des gens connaissent une moyenne annuelle de six épisodes de tristesse et de perte de l'estime de soi. Si l'on décide de médicaliser tout ça, alors la croissance exponentielle du nombre de dépressifs s'explique (...) La consommation d'antidépresseurs, qui avait baissé, va exploser à nouveau. Or la France est déjà le pays qui consomme le plus de psychotropes au monde".
Nous allons, nous sommes entrés dans une société surmédicalisée où chacun est considéré comme un dépressif en puissance, pour le plus grand intérêt de l'industrie pharmaceutique, qui diffuse une "idéologie" que reprend le gouvernement:
"La brochure dépression, diffusée à 1 million d'exemplaires, est une tentative d'endoctrination massive, parfaitement irresponsable. L'ambition est de remodeler nos émotions les plus intimes (...) Nous avons affaire à un phénomène de civilisation".
Un homme nouveau est à l'oeuvre dans cette idéologie. Il rompt avec l'homme ancien et ses émotions acceptées et assumées:
"L'homme contemporain se pense lui-même comme une machine (...) La tristesse est inhérente à l'espèce humaine (...) Si on veut guérir ça, on entre dans la biotechnologie, on va essayer de produire une autre espèce (...) On déprime quand on est malade de la vérité. Si on ne veut pas déprimer, il faut assumer la vérité, "sa" vérité".
Qui a dit que la révolution viendrait du communisme? Mais non, c'est la biologie qui y conduit, et la psychologisation actuelle de tous les rapports humains. Voilà une réflexion qui devrait être au coeur du souci politique. Ce n'est pas tout à fait le cas.
Bonne fin d'après-midi.
posted by Emmanuel Mousset at
5:18 PM
5 Comments:
bonjour
le problème est que l'Homme pour se développer a besoin de souffrances et de désirs. Avec la société de consommation et de crédit qui est la nôtre et le zapping constant il n'y a plus de désirs! Il n'est plus besoin de lutter pour acquérir quoique ce soit, c'est l'ennui permanent! d'où une lassitude profonde pouvant aller jusqu'à la déprime puis la dépression si le sentiment de manque persiste!
Je ne crois pas que cela en s'améliorant, c'est le mal des siècles à venir sauf si un événement majeur oblige les humains à retrouver la solidarité réelle entre eux et la lutte pour la survie.
MD
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md, at 8:26 AM
la dépression est 1 maladie. et pour moi c'est la maladie la plus incurable .je l'ai vécue et j'ai bossé 3 ans à titre bénévole dans ce milieu. les proches préfèreraient 1 cancer à 1 dépression car contre le cancer , on sait contre quoi on lutte....
La compassion, l'incompréhension voire l'incrédulité de ceux qui n'ont jamais été confronté à cette maladie me révoltent. donc l'analyse sociale de ce phénomène est certes réelle mais le regard des autres est insupportable.
il existe 1 médicament naturel , sans accoutumance et efficace pour lutter contre cette maladie. les allemands en usent, les pays nordiques et anglosaxons également. MAIS, les lobbys pharmaceutiques français , le pouvoir de l'argent, l'ont fait retirer de la nomenclature .
1 dépressif rapporte beaucoup , beaucoup d'argent. donc 1 médoc à 8 euros pour 2 mois contre 1 médoc à 150 pour 3 semaines est moins rentable......
par contre, j'ajouterai que la dépression est 1 échappatoire au pire.... VAL
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Anonyme, at 2:05 PM
Pour revenir sur ce qui me trotte dans la tête depuis quelques jours, je dirais que le meilleur remède contre la dépression collective dans laquelle est plongée une grande partie de la société française, c'est de penser au pire, à la mort, à la fin de l'espèce humaine (par guerre nucléaire ou par extinction de la vie causée par la surexploitation des ressources naturelles). Etait-on dépressif dans les camps de concentration? On se battait malgré tout pour survivre, du moins pour ceux qui ne sombraient pas dans le désespoir (que je distingue de la dépression).
La dépression vient du confort, pas de la misère. C'est la maladie des sociétés prospères (je parle de la dépression collective, pas de la dépression individuelle, qui est pathologique, névrotique). Ce qui manque à notre société en quête de bonheur, de plaisir, d'optimisme (et elle a bien raison), c'est le sens du tragique. Ou si vous préférez, le sens de la réalité, où tout n'est pas rose (ni absolument noir). Mais on ne peut pas faire comme si la mort, la finitude, les limites n'existaient pas. Or, c'est ce que nous croyons trop souvent.
Prenez le slogan de campagne de Nicolas Sarkozy: "ensemble, tout est possible". C'est tout à fait ce symptôme, exagérément optimiste, et donc irréaliste. Sarkozy n'est-il pas d'ailleurs une sorte de dépressif apparemment joyeux, vivant constamment dans l'hyperactivité et la surexcitation, crispé, énervé, excessif?
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Emmanuel Mousset, at 2:11 PM
Quel est ce "médicament naturel" dont tu parles, VAL? S'il existait et s'il était efficace, ça se saurait, non? Et l'industrie pharmaceutique l'aurait mis sur le marché, je suppose.
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Emmanuel Mousset, at 2:15 PM
Tu as raison NSK est un dépressif (dans son cas c'est même une maladie sérieuse qui devrait être traitée par un psy)car l'hyperactivité (ou l'extrême passivité)est un symptôme fréquent chez les dépressifs: par la fuite en avant, on règle le problème des autres au lieu de regarder et soigner les siens! Son enfance a du être terrible pour en arriver là!!
MD
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md, at 4:53 PM
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