L'anti-civilisation.
Bonsoir à toutes et à tous.
Nicolas Sarkozy a joué au poseur d'énigmes le soir du réveillon, en parlant dans son discours à la nation de "nouvelle Renaissance" et de "politique de civilisation". Ces expressions perturbent parce qu'elles ne ressemblent pas à celui qui les a prononcées, qui se défend d'être un "intellectuel" et se vante de viser le "concret". Du coup, ses conseillers sont obligés, depuis trois jours, d'expliquer le sens de la prose présidentielle. En gros, il faut comprendre que Sarkozy a fait des emprunts géniaux, l'un auprès de Georges Pompidou (c'est la "nouvelle Renaissance"), l'autre auprès d'Edgar Morin (c'est la "politique de civilisation"). Je laisse à Pompidou ce qui lui revient mais je commente la formule du sociologue et philosophe, dont j'apprécie fort les ouvrages et la pensée, et qui ne s'est pas reconnu vraiment dans l'usage que le chef de la droite faisait de son expression, lui qui est un homme de gauche.
Ceci dit, j'ai ma propre interprétation du détournement de formule opéré par Nicolas Sarkozy: c'est une antiphrase. La "politique de civilisation" qu'il préconise, c'est exactement le contraire de la politique qu'il pratique. La belle expression (même pas de lui!) sert à cacher la triste réalité (qui, là, lui est imputable). Démonstration:
1- La civilisation consiste à aménager dans la vie et la société des espaces et des temps de gratuité, des activités qui échappent au besoin, au gain, à l'argent. Ainsi la civilisation a engendré l'art et la spiritualité. La politique de Sarkozy, au contraire, tend à montrer que tout a un prix. Depuis trois jours, un malade, qui n'a pourtant pas choisi d'être malade, doit payer une partie de ses médicaments. Une jolie formule (encore une, mais empruntée cette fois au monde de l'assurance) est chargée de cacher cette triste dérive de civilisation: les "franchises médicales".
2- La civilisation consiste à atténuer la fatigue des hommes, principalement à travers la lente et historique réduction du temps de travail. Au lieu se s'en féliciter, de conforter ce mouvement, Sarkozy l'entrave, au nom d'une formule grossière et barbare (travaillez plus, et ainsi vous gagnerez plus). Alors que deux millions de français ne jouissent pas de la dignité de l'emploi.
3- La civilisation est un mouvement d'ouverture à l'autre, le rayonnement d'une société sur le monde. Sarkozy, c'est le repli grotesque avec son ministère de l'identité nationale, anti-civilisation par excellence, la chasse aux immigrés clandestins, l'attestation de la filiation par voie de tests ADN, expression de la barbarie biologique, quand la famille est réduite au sang, quand les liens de l'esprit cessent de prévaloir.
4- La civilisation porte son attention aux plus faibles, elle s'efforce de soulager les plus pauvres. Sarkozy, c'est l'inverse: sa politique économique repose sur le soutien aux plus riches ("paquet fiscal" et exonérations en tout genre), ce qui correspond à la tradition de droite, à laquelle il ajoute, et ça s'est nouveau, la culpabilisation des pauvres, qui sont, à l'américaine, montrés du doigt et rendus fautifs et de leur sort, et de l'état de la France.
5- La civilisation repose sur une conception de la justice qui protège les enfants de la loi qui frappe ordinairement les adultes. Elle laisse le soin aux magistrats de fixer le niveau des peines. Sarkozy contrevient à ces deux principes, en contestant les ordonnances de 1945 et en instaurant des peines planchers. De plus, il songe à traduire les fous devant les tribunaux, alors que la civilisation incline à livrer à la médecine le malade mental.
6- La civilisation s'efforce d'accroitre les pouvoirs intellectuels et moraux de l'être humain. Sarkozy se donne pour objectif de développer un seul pouvoir, le pouvoir d'achat. Il réduit l'homme au consommateur, celui qui achète, pas l'homme qui travaille, qui lutte, qui crée. L'homme selon Sarkozy, c'est un pousseur de caddie sur un parking de supermarché. Je vous promets, l'humanité a fait mieux dans son histoire en matière de civilisation. Et ce n'est pas parce qu'elle a fait pire aussi qu'il faut se satisfaire médiocrement de ce que propose Sarkozy.
Bonne soirée.
Nicolas Sarkozy a joué au poseur d'énigmes le soir du réveillon, en parlant dans son discours à la nation de "nouvelle Renaissance" et de "politique de civilisation". Ces expressions perturbent parce qu'elles ne ressemblent pas à celui qui les a prononcées, qui se défend d'être un "intellectuel" et se vante de viser le "concret". Du coup, ses conseillers sont obligés, depuis trois jours, d'expliquer le sens de la prose présidentielle. En gros, il faut comprendre que Sarkozy a fait des emprunts géniaux, l'un auprès de Georges Pompidou (c'est la "nouvelle Renaissance"), l'autre auprès d'Edgar Morin (c'est la "politique de civilisation"). Je laisse à Pompidou ce qui lui revient mais je commente la formule du sociologue et philosophe, dont j'apprécie fort les ouvrages et la pensée, et qui ne s'est pas reconnu vraiment dans l'usage que le chef de la droite faisait de son expression, lui qui est un homme de gauche.
Ceci dit, j'ai ma propre interprétation du détournement de formule opéré par Nicolas Sarkozy: c'est une antiphrase. La "politique de civilisation" qu'il préconise, c'est exactement le contraire de la politique qu'il pratique. La belle expression (même pas de lui!) sert à cacher la triste réalité (qui, là, lui est imputable). Démonstration:
1- La civilisation consiste à aménager dans la vie et la société des espaces et des temps de gratuité, des activités qui échappent au besoin, au gain, à l'argent. Ainsi la civilisation a engendré l'art et la spiritualité. La politique de Sarkozy, au contraire, tend à montrer que tout a un prix. Depuis trois jours, un malade, qui n'a pourtant pas choisi d'être malade, doit payer une partie de ses médicaments. Une jolie formule (encore une, mais empruntée cette fois au monde de l'assurance) est chargée de cacher cette triste dérive de civilisation: les "franchises médicales".
2- La civilisation consiste à atténuer la fatigue des hommes, principalement à travers la lente et historique réduction du temps de travail. Au lieu se s'en féliciter, de conforter ce mouvement, Sarkozy l'entrave, au nom d'une formule grossière et barbare (travaillez plus, et ainsi vous gagnerez plus). Alors que deux millions de français ne jouissent pas de la dignité de l'emploi.
3- La civilisation est un mouvement d'ouverture à l'autre, le rayonnement d'une société sur le monde. Sarkozy, c'est le repli grotesque avec son ministère de l'identité nationale, anti-civilisation par excellence, la chasse aux immigrés clandestins, l'attestation de la filiation par voie de tests ADN, expression de la barbarie biologique, quand la famille est réduite au sang, quand les liens de l'esprit cessent de prévaloir.
4- La civilisation porte son attention aux plus faibles, elle s'efforce de soulager les plus pauvres. Sarkozy, c'est l'inverse: sa politique économique repose sur le soutien aux plus riches ("paquet fiscal" et exonérations en tout genre), ce qui correspond à la tradition de droite, à laquelle il ajoute, et ça s'est nouveau, la culpabilisation des pauvres, qui sont, à l'américaine, montrés du doigt et rendus fautifs et de leur sort, et de l'état de la France.
5- La civilisation repose sur une conception de la justice qui protège les enfants de la loi qui frappe ordinairement les adultes. Elle laisse le soin aux magistrats de fixer le niveau des peines. Sarkozy contrevient à ces deux principes, en contestant les ordonnances de 1945 et en instaurant des peines planchers. De plus, il songe à traduire les fous devant les tribunaux, alors que la civilisation incline à livrer à la médecine le malade mental.
6- La civilisation s'efforce d'accroitre les pouvoirs intellectuels et moraux de l'être humain. Sarkozy se donne pour objectif de développer un seul pouvoir, le pouvoir d'achat. Il réduit l'homme au consommateur, celui qui achète, pas l'homme qui travaille, qui lutte, qui crée. L'homme selon Sarkozy, c'est un pousseur de caddie sur un parking de supermarché. Je vous promets, l'humanité a fait mieux dans son histoire en matière de civilisation. Et ce n'est pas parce qu'elle a fait pire aussi qu'il faut se satisfaire médiocrement de ce que propose Sarkozy.
Bonne soirée.
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