Lisons Siné-Hebdo.
Etes-vous de la gauche Siné ou de la gauche Val? C'était le petit jeu (instructif) de cet été. Je suis bien sûr à 100% derrière le social-démocrate Val, contre l'anarchiste Siné, et je ne reviens pas sur la polémique estivale. Mais j'ai acheté cette semaine Siné-Hebdo, dont je vous recommande la lecture: c'est très bien fait, avec de belles plumes, le gratin de la gauche radicale, que je lis, apprécie et réprouve.
Sous le titre, d'abord, cette formule, de quelqu'un qui n'est pourtant pas un révolutionnaire, Alfred Jarry: "L'indiscipline aveugle et de tous les instants fait la force principale des hommes libres". Bien sûr que non. La liberté se cultive, se maîtrise dans la discipline éclairée, pas dans "l'indiscipline aveugle".
Le premier éditorial, page 2, signé Martin, ne m'agrée pas plus: "Tu sais très bien qu'on ne changera rien, Siné, que l'humanité va vers l'abîme. Aussi sûrement qu'une locomotive à vapeur fonce dans un mur et dans le fourneau de laquelle on balance encore plus de charbon, encore plus de pognon". Voilà bien l'esprit de la gauche radicale, qu'on retrouve autour de soi: pessimisme, désespoir, catastrophisme, pure protestation sans issue, pour tout dire nihilisme. Tout sauf mes valeurs...
A côté, l'édito de Siné a le mérite de la franchise, il annonce clairement la couleur, son journal se réclame de "la gauche, pas le PS, la vraie" et il se fait très précis: "situationnistes, trotskistes, anarchistes, altermondialistes, etc, tous les marginaux de mon coeur". Vous noterez l'absence des communistes et des écologistes.
Page 5, mon collègue Michel Onfray affirme que "le libéralisme, c'est le mal" et dénonce les "crétins utiles", notamment l'aile droite du PS (ce qui signifie sûrement pour lui la majorité du Parti). Toujours page 5, l'excellent Raoul Vaneigem, dans sa belle écriture, assène une formule bien troussée: "Tolérance pour les idées, intolérance pour tout acte inhumain". Mais bien rédiger n'exclut pas de mal penser: il y a des idées intolérables qui provoquent des actes inhumains, ceux-ci se déchaînant rarement d'eux-mêmes. Tant pis pour Raoul: je pense que certaines pensées sont condamnables et n'ont pas le droit de s'exprimer (je ne fais d'ailleurs que reprendre notre jurisprudence).
Page 6, l'anti-socialisme continue de plus belle, sous la plume de Denis Robert, à propos de la corruption en France: "Si le parti socialiste n'est plus crédible, c'est parce qu'il a perdu le combat de la justice". Bin voyons! Page 9, je tombe sur... un camarade du PS (dans un journal anti-socialiste, ça fait drôle!), Gérard Filoche, qui veut unir tant bien que mal notre aile gauche en vue du congrès. Je vous conseille de lire et de garder son article, consacré à la loi Bertrand sur les 35 heures, avec ses conséquences néfastes sur les salariés et les cadres. C'est clair, concis, très militant, et pour une fois je suis d'accord...
Page 11, Michel Warschawski prend la défense de la cause palestinienne (un axe fort de la gauche radicale) en des termes que je ne peux, là aussi, que réprouver: "Ce qui semble de plus en plus évident, c'est la nécessité pour le peuple palestinien de se débarrasser de l'illusion d'un processus de paix et de mettre en place une stratégie de résistance à long terme". Oui, vous avez bien lu: mieux vaut la lutte (armée?) que la solution pacifique...
En bas de la même page, Normand Baillargeon se présente comme un "professeur d'anarchie" et nous administre une petite leçon. Page 13, un autre anarchiste s'exprime, entarteur cette fois-ci, Noël Godin, qui ridiculise les personnalités en leur lançant des tartes à la crème. Le sommet de la radicalité, allez savoir...
L'impression que me donne la lecture de Siné-Hebdo? Le plaisir de redécouvrir une famille de pensée qui n'est pas du tout la mienne mais qui n'est pas non plus déshonorante, le sentiment d'une gauche qui se regarde dans le miroir jouer les protestataires, la gêne devant un journal qui ne me semble pas en phase avec le monde et ses souffrances: rien sur la Chine qui opprime le Tibet, rien sur la mascarade totalitaire des Jeux Olympiques, rien sur l'impérialisme russe en Géorgie.
Amis socialistes, lisez Siné-Hebdo, que j'achèterai peut-être chaque semaine si j'ai assez de sous. Vous passerez un bon moment intelligent. Mais si vous adhérez à son contenu, si vous partagez ses combats, je vous préviens tout de suite: c'est que vous vous êtes trompés d'engagement politique, car cet hebdo pourrait se donne comme adage, à la place de la citation de Jarry: "Journal anti-socialiste".
Bonne fin d'après-midi.
Sous le titre, d'abord, cette formule, de quelqu'un qui n'est pourtant pas un révolutionnaire, Alfred Jarry: "L'indiscipline aveugle et de tous les instants fait la force principale des hommes libres". Bien sûr que non. La liberté se cultive, se maîtrise dans la discipline éclairée, pas dans "l'indiscipline aveugle".
Le premier éditorial, page 2, signé Martin, ne m'agrée pas plus: "Tu sais très bien qu'on ne changera rien, Siné, que l'humanité va vers l'abîme. Aussi sûrement qu'une locomotive à vapeur fonce dans un mur et dans le fourneau de laquelle on balance encore plus de charbon, encore plus de pognon". Voilà bien l'esprit de la gauche radicale, qu'on retrouve autour de soi: pessimisme, désespoir, catastrophisme, pure protestation sans issue, pour tout dire nihilisme. Tout sauf mes valeurs...
A côté, l'édito de Siné a le mérite de la franchise, il annonce clairement la couleur, son journal se réclame de "la gauche, pas le PS, la vraie" et il se fait très précis: "situationnistes, trotskistes, anarchistes, altermondialistes, etc, tous les marginaux de mon coeur". Vous noterez l'absence des communistes et des écologistes.
Page 5, mon collègue Michel Onfray affirme que "le libéralisme, c'est le mal" et dénonce les "crétins utiles", notamment l'aile droite du PS (ce qui signifie sûrement pour lui la majorité du Parti). Toujours page 5, l'excellent Raoul Vaneigem, dans sa belle écriture, assène une formule bien troussée: "Tolérance pour les idées, intolérance pour tout acte inhumain". Mais bien rédiger n'exclut pas de mal penser: il y a des idées intolérables qui provoquent des actes inhumains, ceux-ci se déchaînant rarement d'eux-mêmes. Tant pis pour Raoul: je pense que certaines pensées sont condamnables et n'ont pas le droit de s'exprimer (je ne fais d'ailleurs que reprendre notre jurisprudence).
Page 6, l'anti-socialisme continue de plus belle, sous la plume de Denis Robert, à propos de la corruption en France: "Si le parti socialiste n'est plus crédible, c'est parce qu'il a perdu le combat de la justice". Bin voyons! Page 9, je tombe sur... un camarade du PS (dans un journal anti-socialiste, ça fait drôle!), Gérard Filoche, qui veut unir tant bien que mal notre aile gauche en vue du congrès. Je vous conseille de lire et de garder son article, consacré à la loi Bertrand sur les 35 heures, avec ses conséquences néfastes sur les salariés et les cadres. C'est clair, concis, très militant, et pour une fois je suis d'accord...
Page 11, Michel Warschawski prend la défense de la cause palestinienne (un axe fort de la gauche radicale) en des termes que je ne peux, là aussi, que réprouver: "Ce qui semble de plus en plus évident, c'est la nécessité pour le peuple palestinien de se débarrasser de l'illusion d'un processus de paix et de mettre en place une stratégie de résistance à long terme". Oui, vous avez bien lu: mieux vaut la lutte (armée?) que la solution pacifique...
En bas de la même page, Normand Baillargeon se présente comme un "professeur d'anarchie" et nous administre une petite leçon. Page 13, un autre anarchiste s'exprime, entarteur cette fois-ci, Noël Godin, qui ridiculise les personnalités en leur lançant des tartes à la crème. Le sommet de la radicalité, allez savoir...
L'impression que me donne la lecture de Siné-Hebdo? Le plaisir de redécouvrir une famille de pensée qui n'est pas du tout la mienne mais qui n'est pas non plus déshonorante, le sentiment d'une gauche qui se regarde dans le miroir jouer les protestataires, la gêne devant un journal qui ne me semble pas en phase avec le monde et ses souffrances: rien sur la Chine qui opprime le Tibet, rien sur la mascarade totalitaire des Jeux Olympiques, rien sur l'impérialisme russe en Géorgie.
Amis socialistes, lisez Siné-Hebdo, que j'achèterai peut-être chaque semaine si j'ai assez de sous. Vous passerez un bon moment intelligent. Mais si vous adhérez à son contenu, si vous partagez ses combats, je vous préviens tout de suite: c'est que vous vous êtes trompés d'engagement politique, car cet hebdo pourrait se donne comme adage, à la place de la citation de Jarry: "Journal anti-socialiste".
Bonne fin d'après-midi.
4 Comments:
Je jetterai un coup d'oeil desssus quand il me tombera sous la main, l'acheter, non.
By jpbb, at 9:57 PM
Ne le vole pas!
By Emmanuel Mousset, at 10:13 PM
je vais m'abonner....
By Anonyme, at 7:38 PM
Mouarf, sacrément coincé ton article, l'ami!...
"Il ne parle même pas de la Chine et du Tibet"... Il me semble que c'est précisément la vocation de Siné-Hebdo: ruer dans les brancards là où on ne l'attend pas, et non pas suivre la meute hurlante des medias mous du genou...
Cultivons l'indiscipline, parbleu, la formule est belle et l'idée aussi, en ces temps où les politiques, de droite à gauche, n'ont que le mot "ordre" à la bouche!
Et en passant, l'Hebdo va en se bonifiant au fil des semaines, n'hésitez pas à vous abonner.
By Anonyme, at 12:06 AM
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