Changer le monde.

Bonjour à toutes et à tous.

La crise financière, qui a fait se soulever la France jeudi dernier, est-elle conjoncturelle ou structurelle? Je ne suis pas assez économiste pour répondre sérieusement. A la limite, je m'en moque: en tant que socialistes, il me suffit d'en mesurer les dégâts, de constater que les victimes du capitalisme sont toujours les mêmes, de les défendre et de proposer une issue politique. Et puis, les économistes peuvent-ils eux-mêmes répondre sérieusement, tellement ils se sont par le passé divisés et trompés?

Pourtant, il y a un homme qui répond, à travers un article remarquable, dans Les Echos du 26 janvier. Cet homme est fascinant, l'un des plus fascinants de France. C'est un adversaire de classe, mais de grands talents. Il aurait été maoïste, lambertiste ou communiste dans sa jeunesse, on ne sait pas très bien. Ami de Strauss-Kahn, il est devenu agrégé d'économie, a suivi des études de philosophie et a commencé à travailler au CNRS. Un intellectuel donc, mais qui accède dans les années 90 au poste de vice-président du CNPF, qu'il veut doter d'une véritable idéologie patronale, sous le nom de "refondation sociale". Cet homme fascinant s'appelle Denis Kessler.

Dans Les Echos, il nous livre sa vision quasi hégélienne de la crise, "historique", "globale", "structurelle", qui ouvre sur "une nouvelle ère économique". C'est la première crise économique mondiale dans l'histoire du monde: "C'est la conséquence de l'intégration réalisée depuis vingt ans de tous les pays dans l'Economie Monde, de l'élargissement et de l'interconnexion de tous les marchés des produits, des services, des capitaux".

Kessler remarque que les gouvernements et les organismes financiers n'ont rien vu venir (le pouvaient-ils?), et leurs réponses keynésiennes peuvent être perverses puisque la crise n'est pas keynésienne (je dirais quant à moi que ces réponses sont conjoncturelles, à l'image du plan de relance proposé par le PS, mais elles ne peuvent pas être structurelles. Keynes ne peut tout de même plus être l'alpha et l'oméga d'une pensée économique de gauche moderne!).

Le problème de fond, c'est que ces réponses gouvernementales sont surtout nationales, alors que la crise est mondiale. Kessler a cette formule intéressante: "Il faut que ce que nous sommes arrivés à faire avec la construction européenne s'applique désormais au monde", c'est-à-dire inventer de véritables "institutions" au niveau mondial, de "nouvelles règles du jeu", des "instances de régulation", qui passent par "des abandons de souveraineté dans tous les domaines".

Finalement, cet homme de droite, ce représentant des intérêts du patronat, qui veut que les banques restent privées, qui est très prudent quant à l'interdiction des bonus et dividendes pharamineux, a gardé quelque chose de sa jeunesse révolutionnaire. D'abord parce qu'il est toujours, au bon sens du terme, un idéologue. Ensuite parce qu'il conserve un certain sens de l'Histoire. Enfin parce qu'il veut changer le monde.

Prenez un peu de votre dimanche pour lire et méditer cet article, vous ne le regretterez pas. La gauche a longtemps voulu changer la société. Puis elle a voulu, dans les années 70, changer la vie. Il lui faut maintenant changer le monde. Sinon, d'autres le feront, Denis Kessler en tête. Son ancien copain Strauss-Kahn, à la direction du FMI, s'est inscrit dans cette perspective de longue haleine. C'est pourquoi il demeure pour la France un homme d'avenir.


Bonne matinée.