L'Aisne avec DSK

29 janvier 2009

Ségobama?

Pour en revenir à la page "Rebonds" de Libération du 21 janvier consacrée à Barack Obama, l'analyse du strauss-kahnien Olivier Ferrand était accompagnée d'une autre, celle du ségoléniste Benoît Thieulin, ancien responsable de la Net-Campagne de Royal. Les deux se recoupent très largement. Chez Thieulin, j'ai retenu ceci, également profitable pour notre PS:

1- Le tractage dans la rue est devenu obsolète. A la rigueur pour la photo dans la presse du lendemain ou pour montrer aux électeurs que les socialistes sont là... Mais ce n'est plus cette méthode qui "fait" des voix. Solution préférée? Le contact direct, l'appel téléphonique, le porte-à-porte (mais dans son quartier).

2- Les militants ne peuvent plus être recrutés parmi les bonnes volontés, ensuite lâchés en pleine nature politique, qui est comme chacun sait une jungle inhospitalière. Combien de fois ai-je vu des militants qui doutaient d'eux-mêmes, qui ne savaient pas vraiment répliquer aux attaques de la droite, qui redoutaient finalement la confrontation avec l'adversaire et la conversion des hésitants? La solution, c'est la formation, solide, et son suivi.

3- Le militantisme à la carte et affinitaire: fini le militant qui faisait n'importe quoi, qui prenait ce qu'on lui donnait à faire, sans aucun souci d'efficacité et de résultat. En vérité, il faudrait procéder à une inversion: le modèle, ça ne peut plus être le militant pur et dur, en voie de disparition, mais le sympathisant dont l'engagement est ponctuel, provisoire mais performant.

4- La préparation très en amont: la campagne d'Obama a été mise en place quatre ans avant. Je trouve totalement ahurissant qu'une campagne, par exemple locale (nationale, c'est sans doute plus compliqué), se décide, dans le meilleur des cas, dans les derniers mois. C'est carrément se condamner à la défaite! Le mal français, en la matière, c'est une sorte d'amateurisme sous couvert de fausse démocratie.

Sinon, faut-il que je m'engage à mon tour dans la petite polémique de la semaine dernière (j'aime bien laisser aux polémiques le temps de se refroidir, pour les étudier plus sereinement)? Ségolène a-t-elle inspiré Barack, au regard des méthodes que j'ai exposées dans ce billet et dans le précédent? Franchement non. L'écart entre les deux est important, nous sommes dans des dimensions incomparables. La campagne participative et électronique de Ségolène n'est qu'un pâle reflet de l'expérience américaine. Surtout, celle-ci s'enracine dans une tradition démocratique locale très forte qui n'a pas d'équivalent en France.

Hormis la forme, le contenu de campagne est lui aussi très différent. Ségolène a joué sur la corde victimaire (qu'elle reprend dans l'ouvrage paru cette semaine), alors qu'Obama était dans une stratégie beaucoup plus conquérante. Ségolène doit une partie de sa popularité à sa paradoxale critique du Parti socialiste, à son positionnement en dehors de celui-ci, tandis qu'Obama colle totalement à l'appareil démocrate. Le seul rapprochement, mais ce n'est pas rien, est dans la ligne politique, celle d'une gauche très modérée, qui parfois réutilise des thématiques conservatrices, notamment sur les questions sociétales.


Bon après-midi.