La crise sociale.

Bonsoir à toutes et à tous.

Je reprends le fil de ma réflexion entamée en début d'après-midi. Crise financière d'abord, crise économique ensuite, crise sociale enfin? C'est logique, mais qu'est-ce qui est logique dans le monde de l'économie? On ne peut être sûr de rien. En 1929, la crise est flagrante, visible, spectaculaire, on en retient quelques images: des financiers new-yorkais qui se jettent par les fenêtres, des files de chômeurs, des Allemands qui vont payer avec des brouettes pleines de billets. Mais aujourd'hui, où sont les images de la crise, dans notre civilisation de l'image? Des pavillons américains avec des pancartes "A vendre". Mais quoi d'autres?

Est-ce rassurant? Non, c'est inquiétant. Cette crise, nous le sentons bien, insaisissable, silencieuse, invisible, cache quelque chose qui nous échappe, qui n'entre pas dans les cadres classiques de l'analyse. On ne sait pas trop, on n'ose rien dire, on retient son souffle, comme si un monde allait basculer. Nous en sommes là. Avec parfois des informations surprenantes: jamais les stations de sports d'hiver n'ont fait, à Noël et pour les prochaines vacances de février, d'aussi belles affaires. Comme si la crise n'existait pas! Quelle explication apporter, quelle réflexion en tirer?

D'abord, la crise ne touche pas tout le monde. Une crise économique frappe toujours les plus fragiles, c'est-à-dire les classes populaires. Le chômage partiel concerne pour l'instant les ouvriers de l'automobile. Les classes moyennes ne sont pas encore directement affectées. Qui va en vacances de neige? Moins les ouvriers et employés que les classes moyennes et la grande bourgeoisie.

Ensuite, il y a une autre constante dans les crises de civilisation (nous y sommes peut-être): la grande bascule dans un autre monde est précédée d'une d'apogée, d'un pic, d'une sorte de défoulement avant le déclin. C'est ce qui s'est passé avec la chute de l'Empire romain ou de la monarchie français, le chant du cygne, l'étourdissement pour conjurer l'inéluctable disparition. Et si c'était aussi le cas avec nos sociétés de consommation apparues après la Seconde guerre mondiale?

Enfin, il y a une dernière leçon de l'Histoire qu'il faut avoir à l'esprit si l'on veut comprendre la crise sociale et la manifestation du 29 janvier: ce sont rarement les premières victimes qui se soulèvent, qui impulsent le mouvement, mais les classes relativement protégées, contre les classes privilégiées, qui disposent du pouvoir économique et politique, qui sont donc les responsables du désastre. En 1789, ce n'est pas le peuple qui fait la Révolution, c'est une fraction de la bourgeoisie intéressée et de l'aristocratie éclairée.

En 2009, c'est la petite bourgeoisie, la Fonction Publique, les corps intermédiaires, certaines professions libérales progressistes qui sont le vecteur du mouvement, qui ont une fonction tribunitienne à l'égard des classes populaires, moins bien disposées financièrement à se lancer dans la grève. Qu'est-ce qu'un grand bourgeois méprise et craint le plus? Un petit bourgeois (le terme lui-même est péjoratif). L'ouvrier, la droite essaie de le récupérer, comme en ce moment Bertrand, chef de l'UMP, qui veut aller dans les usines (bon courage!).

Quel que soit le devenir de la crise sociale, il faudra tenir compte de ces trois invariants. Dernière chose, plus personnelle: je suis un petit bourgeois imparfait, je ne vais jamais aux "sports d'hiver" (et pas non plus aux sports d'été, d'ailleurs).


Bonne soirée.