La première liberté.

Bonsoir à toutes et à tous.


Si vous me demandiez à brûle-pourpoint pourquoi je ne suis pas de droite, je vous répondrais tout de go : à cause du tract distribué ce matin par les jeunes Pop' (ce n'est pas un groupe rock, ce sont les jeunes de l'UMP) sur le marché de Saint-Quentin. Tout dans ce papier me hérisse, me révulse. On y voit des policiers de dos et des caméras de vidéo-surveillance pointées vers nous, le tout sur fond bleu uniforme. Le mot "sécurité" est répété onze fois (et j'en ai peut-être oublié !). Il n'est question que de "tranquillité" et "protection", comme si la Picardie était à feu et à sang, comme si notre région avait les dimensions d'un immense Bronx (je connais, j'y suis allé, ça n'a rien à voir !).

Ce tract veut faire peur, en même temps qu'il se présente comme un remède à la peur. C'est l'histoire de l'empoisonneur qui administre un sérum ou du pompier pyromane. Et puis il y a ce slogan, ce mensonge : "La sécurité est notre première liberté !" (vous remarquez le point d'exclamation). Non Madame Cayeux, la sécurité n'est ni notre première, ni notre dernière liberté, c'est simplement le cadre normal de la République, assuré par les forces de l'ordre, qui ne devrait pas se transformer en trop facile et très démagogique argument électoral. Que l'UMP se méfie : elle chasse sur des terres qui sont aussi celles du Front National, exceptés le nationalisme et la xénophobie.

La première des libertés, Madame Cayeux, c'est le travail. Je n'en connais pas d'autres quand on vit en société. Pas de boulot, pas de liberté, voilà la vérité, que n'importe quel citoyen peut comprendre, dont beaucoup hélas souffrent lorsqu'ils sont au chômage ou craignent de l'être. La pleine liberté, c'est d'avoir un emploi stable, intéressant et correctement payé.

J'ai personnellement la chance d'exercer une profession qui, là où je suis, satisfait aux deux premiers critères, même si je pense que les enseignants, étant donné leur niveau d'études, leurs conditions de travail et leur utilité sociale, sont médiocrement rémunérés et pas toujours très bien considérés. En ce qui me concerne, je ne me plains pas. Mais je pense à ces millions de Français qui ont un bas salaire, un travail précaire et un emploi qu'ils n'ont pas choisi, qui n'est pas particulièrement épanouissant, qui est parfois un sale boulot : non Madame Cayeux, pour eux, la sécurité n'est pas la première liberté ! (moi aussi je sais mettre un point d'exclamation)

Voilà fondamentalement pourquoi je ne suis pas de droite : parce que je me refuse à jouer avec la peur et la sécurité de nos concitoyens. Le maintien de l'ordre, la lutte contre la délinquance et la tranquillité des citoyens sont à la charge de la Police et de la Justice, autour desquelles un consensus de toutes les forces politiques républicaines devrait se réaliser. C'est sur les questions proprement politiques, c'est-à-dire économiques et sociales, que nous devons débattre et nous opposer, pas en matière d'ordre public et d'application de la loi.

Je ne pardonne pas à la droite d'avoir brisé ce consensus, d'avoir politisé ce qui ne devrait pas l'être, d'avoir récupéré un thème propre à l'extrême droite, de faire des voix en brandissant l'insécurité. Rien que pour ça, le 14 mars, ne votez pas UMP ! (encore un point d'exclamation, comme dans le tract de Madame Cayeux)


Bonne soirée.