L'Aisne avec DSK

13 avril 2010

Une histoire d'honneur.


Bonjour à toutes et à tous.


Saint-Amand-Montrond, ma ville natale où je passe quelques jours de vacances, est une cité tranquille, un coin du Berry qui n'a jamais vraiment rencontré l'Histoire. Les rues sont coquettes, la crise économique est moins visible qu'ailleurs, je me demande par moment si, ici, nous ne serions par hors du temps. La seule fierté est géographique : cette petite ville est considérée comme le centre de la France. C'est peut-être pour ça qu'elle est en dehors de l'Histoire : le centre est un lieu immobile, c'est le reste qui bouge, et parfois très vite.

Mais ces considérations sont théoriques : en réalité, l'Histoire nous rattrape plus rapidement qu'on ne le croit, et aucun territoire de France n'en est exempt. Ce qui laisse croire le contraire, c'est l'oubli ou le refoulement des événements. Pourquoi vous raconter tout ça ? Parce que le hasard de ma venue à Saint-Amand a coïncidé avec la réunion du conseil municipal, où le maire, Thierry Vinçon, a tenu des propos qu'on peut qualifier d'historiques au niveau de la ville, à propos de l'un de ses prédécesseurs, dont le nom vous dira j'en suis sûr quelque chose : Maurice Papon.

Car Saint-Amand a sinistrement croisé l'Histoire avec ce personnage. C'était en juin 1968, la France avait échappé de peu à une révolution, le parti de l'Ordre, l'UDR, envoyait ses hommes se présenter aux élections législatives pour combattre la "chienlit". Dans la circonscription de Saint-Amand, cet homme que nous ne connaissions ni d'Eve ni d'Adam s'appelait Papon, et il en est devenu le député. Pourquoi ? Parce que la France avait peur et que Papon était un "monsieur", portant beau, parlant bien, venant de Paris, ce qui est synonyme de notoriété et de subventions, dont le Berry un peu perdu a bien besoin.

En 1971, le "monsieur", air très digne, costume impeccable et cheveux blancs, est devenu Monsieur le Maire, jusqu'en 1983. Et, comble du bonheur, Maurice Papon, sous Giscard, est nommé ministre du Budget ! Imaginez un peu : cette petite ville de 11 000 habitants, oubliée par l'Histoire, avait désormais "son" ministre, et par n'importe lequel : celui qui gère la cassette de la France !

Saint-Amand aurait pu se féliciter d'avoir ainsi adopté "sa" personnalité, au lieu de remettre son destin comme auparavant entre les mains d'un notable du cru, pharmacien gaulliste au instituteur socialiste. Sauf que ma ville a joué de malchance, elle a rencontré l'Histoire par son très mauvais côté : il a été découvert que Maurice Papon, grand serviteur de l'Etat, l'avait été si bien, si consciencieusement, si servilement qu'il avait participé à la déportation des juifs pendant la guerre et à la répression des algériens au début des années 60.

Ainsi Saint-Amand entrait dans l'Histoire, faisait parler d'elle, apparaissait dans les journaux nationaux ou à la télévision. Mais d'une façon dont tout le monde se serait volontiers passé : de quoi vous faire regretter de ne pas rester délaissé par l'Histoire ! Certes, en 1983, Papon a laissé sa place, mais à son dauphin, Serge Vinçon, qui, pas ingrat, le soutiendra jusqu'à sa disparition, il y a environ deux ans.

Thierry Vinçon, le frère, a pris la relève et est à son tour devenu maire. Lui aussi est un "monsieur", mais qui est né d'une famille modeste dans une ferme du Berry. Il a fait Saint-Cyr et, comme Papon, il est devenu préfet, dans le Tarn. Aujourd'hui, il est à l'Elysée conseiller technique à la sécurité intérieure. Un "monsieur", je vous dis, mais qui a commencé petit. Et à la différence de Papon, Vinçon Thierry est un homme d'honneur : ce qu'il a fait vendredi en conseil municipal, ce qu'il a dit dans le Berry Républicain d'hier resteront en mémoire.

En effet, le maire de notre ville a lavé et levé l'affront, l'indignité de la période Papon, par des paroles définitives et jamais prononcées avant lui : "Il est temps d'honorer celle et ceux qui se sont conduits comme des héros (...) Il faut montrer que pendant la guerre, les gens ont eu le choix de combattre la lâcheté (...) Le passé de Maurice Papon a assombri l'histoire de la ville (...) Nous n'avons pas à assumer le poids de ce qu'a fait ce monsieur [Maurice Papon]".

Joignant les paroles aux actes, Thierry Vinçon a annoncé la création à Saint-Amand d'une esplanade des Justes, qui sera inaugurée le 5 mai prochain, en présence de la télévision israélienne. Saint-Amand renoue avec l'Histoire, cette fois dans la lumière et non plus dans l'ombre. Le plus stupéfiant, c'est que jamais ma ville n'avait quitté l'Histoire : le 6 juin 1944, elle s'est libérée toute seule, sans l'aide des Alliés. Ici, chez moi, la Résistance a été extrêmement active, exemplaire, glorieuse, un livre de l'historien Todorov, "Une tragédie française", lui a même été consacrée. Un nom, un seul nom, Papon, a suffi à tout faire oublier. Un homme, un seul homme, Thierry Vinçon, a suffi à tout ramener, tout racheter. Un homme d'honneur qui a sauvé l'honneur d'une ville.


Bonne journée.

9 Comments:

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    censure ???



    *

    By Anonymous Anonyme, at 12:10 PM  

  • *



    SEGO Présidente
















    *

    By Anonymous Anonyme, at 12:11 PM  

  • *



    déclinaison pas latines ...

    Qui sera candidat? Il y a les déclarés, comme l'ex-patron du PS

    François Hollande

    ou le député

    Manuel Valls.

    La patronne du parti

    Martine Aubry

    et sa rivale


    Ségolène Royal,


    victorieuse en 2007 de primaires alors réservées aux seuls militants du PS, devraient également l'être.

    Selon les sondages, le meilleur candidat socialiste reste cependant


    Dominique Strauss-Kahn,


    mais ce calendrier des primaires l'obligerait à démissionner prématurément du FMI.


    MAIS aussi

    Montebourg


    Peillon de MAXIME


    Et sans doute encore une demi douzaine d'éléphants ou de jeunes loups ....


    à vos marques , préts ; bourrez ....


    à suivre ....



    *

    By Anonymous Anonyme, at 5:56 PM  

  • Quelques petites précisions : T Vinçon est sous-préfet, pas préfet. Il n'est pas né dans une ferme, mais dans une famille d'ouvriers. Il n'a pas pleinement fait Saint-Cyr, juste une formation à Saint-Cyr

    By Anonymous Saint-Amandois, at 9:04 PM  

  • AAH Là là que ce blog ressemble à un foutu bêtisier

    By Anonymous Anonyme, at 9:21 PM  

  • Belle idée cette esplanade des "Justes parmi les nations". Et une belle coïncidence, je prépare un papier pour mon blog sur une de ces "justes" qui fut longtemps mon amie : Alice Fraysse, mère aubergiste à Saint-Antonin Noble Val qui cacha, dans son moulin de Saleth, des enfants juifs au temps des rafles et de la déportation. Rappeler la mémoire de ces résistants du quotidien que furent ces "justes" est essentiel en ce temps beaucoup d'étrangers, dans notre pays, craignent toujours "l'heure du laitier".

    By Blogger Ane-Vert, at 4:00 PM  

  • Saint-Amandois,

    Merci pour les rectificatifs (mes sources sont la presse locale et mes souvenirs personnels, mais je veux bien vous croire). Ceci dit, ça ne change rien quand au fond : Thierry Vinçon est issu d'une famille modeste et s'est socialement élevé.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 11:28 AM  

  • *





    toujours des citations sur la vie privée , quel triste sire ....




    ****

    By Anonymous Anonyme, at 11:35 AM  

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    SEGO Présidente













    ******************

    By Anonymous Anonyme, at 11:36 AM  

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