Nous sommes tous ...
Bonsoir à toutes et tous.
La France est un pays formidable : nous sommes de moins en moins une grande puissance industrielle et commerciale et nous rêvons de redevenir une grande puissance agricole comme il y a quelques siècles. Preuve en est le colossal succès ce week-end des Champs-Elysées recouverts d'herbes et de produits de la terre, comme il y a vingt ans au même endroit l'immense champ de blés. Pour marquer l'importance de l'événement, le président et madame sont allés faire un tour.
Il fallait aussi une parole officielle et éternelle, bref une formule historique. C'est bien sûr le ministre de l'agriculture qui s'est sacrifié : "Nous sommes tous des agriculteurs" a lancé Bruno Le Maire. Tous ? Non, pas moi. Je ne suis pas, je ne me sens pas, je ne veux pas être agriculteur. Du mépris ? Pas du tout, je viens du Berry profond, rural. Mais je m'inscris dans le cours de l'Histoire et du progrès social qui nous viennent des deux derniers siècles : un paysan est quelqu'un qui veut rejoindre la ville et qui, devenu ouvrier, souhaite que ses enfants s'intègrent aux classes moyennes, dans les professions de bureau, les métiers intellectuels. Le travail de la terre est un enfer, notre société qui perd la mémoire a aussi oublié ça. La nostalgie, non merci.
Vous me direz peut-être que le ridicule "Nous sommes tous des agriculteurs" est un geste légitime de solidarité. Je veux bien mon cousin ! Mais pourquoi les ministres ne s'exclament-ils jamais "Nous sommes tous des chômeurs" ? A tout prendre, s'il y avait une solidarité à exercer, je choisirais les sans emploi. Car je ne vois pas pourquoi il faudrait privilégier, dans notre compassion, les agriculteurs. De toute façon, Le Maire aurait mieux fait de se taire : le "Nous sommes tous ..." est une resucée qui a perdu son sens à force d'être réutilisée.
La première fois, c'était en Mai 68, "Nous sommes tous des juifs allemands", après que Marchais ait dit une connerie plus grosse que lui. Dans les années 80, je me souviens avoir gueulé le slogan qui sonnait juste à l'époque et encore aujourd'hui : "Première, deuxième, troisième génération, nous sommes tous des enfants d'immigrés". Et puis il y a eu le 11 septembre 2 001, et Colombani dans Le Monde qui écrit : "Nous sommes tous américains". Oui, jusque là j'adhère, mais le mot de Le Maire aujourd'hui, c'est la goutte de trop. Nous sommes tous ... nous-mêmes et rien d'autres, voilà tout, et ne détournons plus jamais ce slogan devenu ridicule.
Bonne soirée.
La France est un pays formidable : nous sommes de moins en moins une grande puissance industrielle et commerciale et nous rêvons de redevenir une grande puissance agricole comme il y a quelques siècles. Preuve en est le colossal succès ce week-end des Champs-Elysées recouverts d'herbes et de produits de la terre, comme il y a vingt ans au même endroit l'immense champ de blés. Pour marquer l'importance de l'événement, le président et madame sont allés faire un tour.
Il fallait aussi une parole officielle et éternelle, bref une formule historique. C'est bien sûr le ministre de l'agriculture qui s'est sacrifié : "Nous sommes tous des agriculteurs" a lancé Bruno Le Maire. Tous ? Non, pas moi. Je ne suis pas, je ne me sens pas, je ne veux pas être agriculteur. Du mépris ? Pas du tout, je viens du Berry profond, rural. Mais je m'inscris dans le cours de l'Histoire et du progrès social qui nous viennent des deux derniers siècles : un paysan est quelqu'un qui veut rejoindre la ville et qui, devenu ouvrier, souhaite que ses enfants s'intègrent aux classes moyennes, dans les professions de bureau, les métiers intellectuels. Le travail de la terre est un enfer, notre société qui perd la mémoire a aussi oublié ça. La nostalgie, non merci.
Vous me direz peut-être que le ridicule "Nous sommes tous des agriculteurs" est un geste légitime de solidarité. Je veux bien mon cousin ! Mais pourquoi les ministres ne s'exclament-ils jamais "Nous sommes tous des chômeurs" ? A tout prendre, s'il y avait une solidarité à exercer, je choisirais les sans emploi. Car je ne vois pas pourquoi il faudrait privilégier, dans notre compassion, les agriculteurs. De toute façon, Le Maire aurait mieux fait de se taire : le "Nous sommes tous ..." est une resucée qui a perdu son sens à force d'être réutilisée.
La première fois, c'était en Mai 68, "Nous sommes tous des juifs allemands", après que Marchais ait dit une connerie plus grosse que lui. Dans les années 80, je me souviens avoir gueulé le slogan qui sonnait juste à l'époque et encore aujourd'hui : "Première, deuxième, troisième génération, nous sommes tous des enfants d'immigrés". Et puis il y a eu le 11 septembre 2 001, et Colombani dans Le Monde qui écrit : "Nous sommes tous américains". Oui, jusque là j'adhère, mais le mot de Le Maire aujourd'hui, c'est la goutte de trop. Nous sommes tous ... nous-mêmes et rien d'autres, voilà tout, et ne détournons plus jamais ce slogan devenu ridicule.
Bonne soirée.
posted by Emmanuel Mousset at
7:54 PM
4 Comments:
il a voulu dire :nous sommes tous des subventionnés ?
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Anonyme, at 9:02 PM
nous sommes tous philosophes ? non ? toi qui aime aspire à démocratiser, à populariser la philosophie ?
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Anonyme, at 10:51 PM
Au sens strict du mot, non nous ne sommes pas tous "philosophes". Et puis beaucoup détestent la philosophie. "Nous sommes tous des êtres humains", c'est la seule généralisation admissible et vraie.
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Emmanuel Mousset, at 8:47 AM
"un paysan est quelqu'un qui veut rejoindre la ville et qui, devenu ouvrier, souhaite que ses enfants s'intègrent aux classes moyennes, dans les professions de bureau, les métiers intellectuels. Le travail de la terre est un enfer".
A te lire, Emmanuel, on comprend aujourd'hui qu'un paysan, pour toi, ne fait pas partie de la République, c'est une sorte de diable qui vit dans les enfers. Même pas la reconnaissance du ventre : tu te nourris de quoi Emmanuel ? De rapports du FMI, de morceaux de bitumes des parkings de la grande distribution, de ferrailles et des déchets de nos friches industriels ? Le vin et le maroilles poussent peut-être dans les rayons des super-marchés ?
Quand je pense que tu as animé récemment un débat sur le film de Corine Serreau "Solutions locales pour un désordre local", je me demande si pendant la projection tu n'étais pas dans les chiottes à relire Gala ou Voici. Je comprends qu'on n'ait pas pensé à toi pour la projection à Vervins, le 1er juin, du film "Le temps des grâces" (voir mon blog pour ceux que ça interesse).
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Ane-Vert, at 4:45 PM
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