L'Aisne avec DSK

11 novembre 2010

Programme ou projet.

Bonsoir à toutes et à tous.


Après Hollande, Valls et Moscovici il y a quelques jours, après Rebsamen et Collomb hier, c'est Jean-Louis Bianco, proche de Ségolène Royal, qui a émis aujourd'hui des réserves à l'égard du texte "L'égalité réelle", adopté mardi en Conseil national et désormais soumis à la réflexion des militants. La remarque est la même que celle des camarades précédents : si gouverner c'est choisir, on ne peut pas se contenter d'une longue liste de mesures non chiffrées, dont la plupart sont bonnes et quelques-unes discutables.

Les personnalités que j'ai citées ont été accusées de "postures" en vue des primaires internes. Non, le Parti socialiste est un parti démocratique dans lequel un texte proposé est un texte discuté et éventuellement critiqué. S'il est adopté, il faudra le défendre sans hésiter. Pas avant. Et les critiques qui ont été émises n'ont strictement rien à voir avec l'organisation des primaires : nous ne discutons pas des personnes mais des idées.

Le débat porte d'abord sur la méthode et il est ancien. Deux démarches s'opposent : celle du programme et celle du projet. La première raisonne en termes de propositions dont l'application est immédiate, la seconde en termes d'objectifs dans la moyenne ou longue durée. Dans les années 70, Mitterrand soutient que c'est dans les six premiers mois que le socialisme s'installera alors que Rocard étale dans le temps sa mise en oeuvre.

La notion de programme renvoie à la programmation informatique et ses listes. Elle collecte un maximum de mesures, entre dans les détails, multiplie les revendications. La quantité prévaut sur la qualité. La notion de projet est beaucoup plus globale, elle se concentre sur quelques points, avance un nombre restreint de grandes réformes, n'inclut que ce qu'elle croit réalisable. Le projet est une projection dans l'avenir. Il est d'essence politique tandis que le programme est plutôt un catalogue corporatiste, syndical ou protestataire. Bien sûr tout n'est pas aussi figé, mais ces deux tendances existent bel et bien et correspondent à des cultures politiques nettement différentes.

Historiquement, Mendès-France était l'homme du projet, qu'il appelait "contrat", en opposition à la lourdeur des pensums de la SFIO. Le Programme commun, bien nommé, est une somme de promesses qui ont plus pour finalité de mobiliser l'électorat de gauche que de constituer une politique de gouvernement. Les 110 propositions de Mitterrand en 1981 sont dans la même logique : gagner plutôt que gouverner. Avec cette idée que l'important est de s'emparer du pouvoir et qu'après on avisera. En revanche, la Lettre à tous les Français de François Mitterrand, lors de la campagne de 1988, est un projet de quelques pages qui n'a plus grand-chose à voir avec le livre entier qui contenait le Programme commun !

Programme ou projet, c'est souvent une question de circonstances, même s'il n'est pas interdit de s'inspirer de principes. On croit que le texte "L'égalité réelle" est fait pour empêcher ou rendre plus difficile une candidature DSK. Non, ce n'est pas le problème. Au contraire, si Strauss est notre candidat, la dynamique électorale en sa faveur sera si forte qu'il fera ce qu'a fait Mitterrand en 1988 : il prendra dans le programme socialiste ce qui lui convient et personne ne s'en plaindra, moi le premier évidemment. En même temps, je ne trouve pas ça politiquement satisfaisant : mieux vaudrait une meilleure adéquation entre le Parti et le candidat. Sinon à quoi bon discuter et adopter des textes ?

Si DSK n'est pas candidat, c'est là où le problème se posera. En effet, il y aura inévitablement multiplication de candidatures aux primaires, sans qu'aucune ne s'impose par elle-même, avec en plus un fâcheux brouillage des messages (on peut penser que plusieurs personnalités d'inspiration réformiste tenteront leur chance). Dans une telle configuration, la surenchère à gauche prévaudra et c'est alors que le programme l'emportera sur le candidat, les réformistes étant les grands perdants. Je ne crois pas que c'est ainsi qu'on battra Sarkozy.

Ce que je reproche à un programme, quel qu'il soit, c'est à la fois sa rigidité (il veut décider de tout, y compris de ce qui ne le regarde pas) et son laisser aller : comme il est largement inapplicable, toutes les interprétations sont possibles et imaginables. C'est une auberge espagnole, chacun est content d'y trouver ce qu'il y a amené, à boire et à manger, tout et n'importe quoi. Un programme est satisfaisant dans l'opposition et décevant quand on est au pouvoir. Je lui préfère, et de loin, un projet, où l'on sait exactement sur quoi on s'engage, qui respecte le travail collectif des militants, est parfaitement lisible à notre électorat et dresse une feuille de route gouvernementale crédible.


Bonne soirée.

15 Comments:

  • Pour le politologue Gérard Grunberg, "la gauche du parti soutenue par Martine Aubry veut écarter définitivement la candidature Strauss-Kahn, en mettant tellement le curseur à gauche qu'il lui sera très difficile de se desserrer de cette étreinte idéologico-programmatique".

    Pour lui, Benoît Hamon "pousse au maximum à cliver et à conquérir la primaire pour Martine Aubry sur une ligne de gauche pour pouvoir mieux la contrôler après".

    Hasard ou coïncidence, Anne Sinclair, épouse de Dominique Strauss-Kahn, grand absent et grand favori des sondages, a fait mercredi sur Canal+, peut-être à son insu une petite piqûre de rappel.

    Invoquant le "devoir de réserve absolu" du directeur général du FMI, son job "extrêmement lourd", elle a lâché que son mari se prononcerait sur son éventuelle candidature quand il en aurait "envie". Et soulignant au passage qu'il était bien "de gauche".

    By Anonymous Anonyme, at 9:46 PM  

  • Vous commentez les commentaires mais vous ne semblez pas avoir lu le texte.
    On peut parler de posture parce que déja dans le projet du PS sur l'éducation de Juin 2007, approuvé à l'époque par F. Hollande,les propositions étaient bien plus "irréalistes"du type: logement pour les étudiants, 17 élèves par classe, allocation d'autonomie etc..
    Le texte d'aujourd'hui ne va pas aussi loin et ne reprend pas un certain nombre de propositions "insensées" sans doute.
    C'est pourquoi, oui, les critiques d'aujourd'hui sont bien des postures.

    By Anonymous Anonyme, at 9:52 PM  

  • A 9.46 :

    Et alors ?

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 9:56 PM  

  • A 9.52 :

    1- Ne soyez malveillant ni envers moi (j'ai lu le texte) ni envers mes camarades (leurs positions ne sont pas des "postures"). Laissez-nous surtout débattre entre socialistes sans que votre mauvais esprit n'empoisonne l'atmosphère.

    2- Je n'ai pas essentiellement parlé de la valeur des propositions mais de leur nombre beaucoup trop élevé. Votre référence à un programme passé n'a donc pas de sens. Et s'il y a eu des erreurs hier, ce n'est pas une raison pour les répéter aujourd'hui.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 10:02 PM  

  • ET ALORS lire ce texte ou relire ce texte ne vous fait pas monter la moutarde ???

    RE :

    Pour le politologue Gérard Grunberg, "la gauche du parti soutenue par Martine Aubry veut écarter définitivement la candidature Strauss-Kahn, en mettant tellement le curseur à gauche qu'il lui sera très difficile de se desserrer de cette étreinte idéologico-programmatique".

    By Anonymous Anonyme, at 10:06 PM  

  • Non parce que votre moutarde c'est de la mayonnaise.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 10:11 PM  

  • Je ne pense pas être malveillant avec vous et ma remarque est socialiste.
    C'est d'ailleurs celle de Bruno Julliard dans son intervention sur la convention et surtout sur l'éducation.
    Alors évidemment si tous les socialistes sont de mauvais esprits et empoisonnent l'atmosphère......

    By Anonymous Anonyme, at 11:15 PM  

  • Si vous pensiez par vous-même au lieu de faire parler les autres, est-ce que ça ne serait pas mieux ?

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 11:33 PM  

  • ET ENCORE :

    La difficulté pour le PS est de trouver un point d’équilibre entre “les réponses nouvelles” et “innovantes” souhaitées par Martine Aubry et les réformistes réalistes qui ne veulent pas prendre le risque d’un atterrissage douloureux en cas de victoire, comme en 1983, du fait des contraintes économiques.

    Michel Sapin, proche de François Hollande estime ainsi que la méthode Hamon “revient à faire la liste des courses avant de regarder ce que l’on a dans son porte-monnaie“.


    Le fossé est encore plus profond. Il existe bel et bien un important clivage sur la place de l’Etat et la puissance publique dans l’organisation de la société. L’aile droite du PS dénonce à cet égard une vision surannée qui considère que l’Etat doit s’occuper de tout et accompagner, sinon prendre en charge, l’individu tout au long de sa vie. Derrière cette vision, les sociaux démocrates redoutent que le PS renoue avec la tentation de l’assistanat dans un contexte marqué par un Etat exsangue.

    By Anonymous Anonyme, at 9:59 AM  

  • D'accord, mais je refuse le terme d'assistanat.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 10:13 AM  

  • La vision du porte monnaie est claire ...

    La vision d'un état décentralisé et qui responsabilise les ACTEURS des dépenses par des actions à la base est claire ; on ne décrète pas tout de PARIS !!! et c'est tant mieux !!

    Si HAMON imite ROBESPIERRE , on ne va pas aller très loin ...

    By Anonymous Anonyme, at 10:23 AM  

  • Mitterrand 88
    c'était le président sortant
    il pouvait se le permettre.
    Strauss n'est qu'un aspirant.

    By Anonymous Anonyme, at 10:38 AM  

  • Vous avez raison, ce sera plus difficile pour lui. Néanmoins, si son nom finit par s'imposer, à peu près tout le monde le suivra. Dans un parti de pouvoir comme le PS, la logique de pouvoir est plus forte que tout, elle entraîne tout. Rappelez-vous Delors en 1995 : Même Emmanuelli faisait appel à lui, parce qu'il était le seul en situation de l'emporter ! Chapeau bas et tapis rouge devant celui dont on pense qu'il peut gagner et, du coup, faire gagner tout le monde, promettre un peu de pouvoir pour tous. C'est la seule morale du monde politique.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 10:55 AM  

  • A 10.23 :

    Non, Hamon est très loin de Robespierre. Le socialisme des années 70, ce n'est tout de même pas la Terreur !

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 10:57 AM  

  • Hamon n'est pas Robespierre, bien entendu mais sa place serait plus logique chez Mélenchon ou Besancenot. Pour l'instant, il nuit-involontairement sans doute- à la crédibilité du P.S.

    By Anonymous Lormont, at 2:01 PM  

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