L'Aisne avec DSK

10 novembre 2010

Villepin le redoutable.

J'écoute à peu près chaque matin la chronique d'Alain Duhamel sur RTL. Je ne suis pas toujours d'accord avec lui, ses propos ne sont pas follement originaux mais ses analyses ont le mérite de la clarté. C'était le cas ce matin, à propos de Dominique de Villepin, qu'on croit à tort politiquement fini, ce dont Duhamel s'est brillamment chargé de contester, en cinq points :

1- "Il n'y a pas besoin d'être puissant pour être redoutable" : c'est un axiome politique majeur, qu'ignorent ou feignent d'ignorer ceux qui ne raisonnent qu'en termes de rapports de forces. Certes, Villepin n'a pas de moyens, pas de mandat, on le dit "seul", comme on dit toujours quand quelqu'un est dangereux et qu'on veut l'exclure sans prendre la peine de débattre avec lui. C'est ce qui se passe avec Villepin, qui frappe là où ça fait mal.

"Il n'y a pas besoin d'être puissant pour être redoutable" : à l'inverse, la puissance peut fort bien être inoffensive et ne servir à rien. On a connu des majorités qui, faute de volonté, se laissaient défaire par la minorité. Mitterrand, qui en savait long en matière de prise de pouvoir, croyait en l'action de quelques hommes déterminés et pas en la réussite d'une masse amorphe, aussi massive soit-elle. Villepin est lui aussi dans cette logique-là.

2- Villepin, toujours selon Duhamel, "est de ces joueurs qui, si la partie ne leur est pas favorable, renverse la table sans hésiter un instant". L'appartenance à un parti exige d'adopter son langage, sa culture. Villepin s'en moque, il veut imposer dans le débat à droite ses propres critères, d'où la stupéfaction que provoquent ses déclarations. C'est un "chasseur", un "snipper", fier de l'être, qui sait que la bête est paralysée une fois qu'on a tiré dans les jambes, que la bataille de Stalingrad a été au final ainsi gagnée, quartier par quartier, par des tireurs isolés.

3- Dans notre démocratie médiatique, qui ne communique pas, n'occupe pas les médias est mort, se retrouve en statue de cire dans le musée Grévin de la politique. Or, l'image de rebelle à son propre camp, de victime de Sarkozy (voir l'affaire Clearstream) est toujours médiatiquement très bien portée. Villepin saura en user et en abuser jusqu'en 2012.

4- Mais pour parvenir à quel résultat ? En politique, toutes les voix comptent quand on veut gagner. Villepin n'a sans doute pas la prétention de vouloir gagner, mais il peut faire perdre Sarkozy, et je crois que c'est sa volonté, son désir profond, qui lui donne encore un impact politique, aussi terrible et dangereux que l'impact d'une balle, puisqu'il peut politiquement tuer le président. C'est pourquoi Duhamel a ce mot juste : Villepin est "quelqu'un qui ne peut pas gagner mais qui peut très bien faire trébucher".

5- Pour parvenir à une telle fin, il faut être animé d'une psychologie singulière, qu'Alain Duhamel a bien cernée : "Il est gouverné beaucoup plus par ses passions que par ses ambitions". Toute la clé de Villepin est là-dedans : quelque part il se moque du pouvoir, il n'est mu que par ses passions. Lesquelles ? Le désir de vengeance, qui est un moteur humain extrêmement puissant, et la volonté de jouer coûte que coûte un rôle sur la scène politique. Que la droite ne sourit pas, elle a chez elle, avec lui, un adversaire redoutable. Car s'il y a de petites ambitions, il n'y a que de grandes passions. Comme tous les passionnés, Villepin ira jusqu'au bout, librement.


Bonne nuit.

12 Comments:

  • Comme un fou ...

    By Anonymous Anonyme, at 9:43 PM  

  • Non, Villepin n'est pas fou. Quand les staliniens voulaient disqualifier un adversaire, ils utilisaient les deux mêmes reproches : la solitude et la folie.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 9:45 PM  

  • Et sa dissolution une réussite !!

    By Anonymous Anonyme, at 9:50 PM  

  • Le seul responsable est Chirac.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 9:54 PM  

  • C'est un rebelle de pacotille qui ne se présentera pas en 2012 car on lui en empêchera.

    By Blogger Arthur Nouaillat, at 10:28 PM  

  • La pacotille est un peu partout en politique. Le problème, c'est qu'une élection, surtout présidentielle, se joue souvent à 50/50, et que Villepin peut faire perdre son camp de quelques points seulement. Sarkozy ferait mieux de l'amadouer au lieu de vouloir le marginaliser.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 10:40 PM  

  • à vous lire , on est déjà en 2012 .. Ensuite on s'étonne que la réforme des retraites passe en l'état ...

    à parler en permanence des élections passées , en cours et à venir ... on perd le sens des affaires et on se plante de plus en plus ...


    COMME si les élections étaient une finalité , alors qu'elles ne sont qu'un moyen et une étape ... un indicateur ... jamais exploité comme tel !!

    By Anonymous Anonyme, at 11:30 PM  

  • La gauche ne manque pas non plus de kamikazes bien disposés à la faire perdre!

    By Anonymous Lormont, at 10:14 AM  

  • Si la gauche est forte et unie, les kamikazes n'auront aucun impact.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 11:31 AM  

  • A 11.30 :

    Je suis d'accord, mais on peut à la fois parler du fond et des élections.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 11:32 AM  

  • EM 11 32

    Oui bien entendu les deux font la paire mais pour les élections ça devient une drogue alors que les doses sont à prescrire en fonction de la situation de la nation ...

    By Anonymous Anonyme, at 7:32 PM  

  • Je crois qu'un grand politique ne se préoccupe guère des élections. Il travaille bien avant et pour après. Les petits politiques, au contraire, s'excitent au moment du scrutin, mais on ne les voit ni avant ni après.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 8:41 PM  

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