L'Aisne avec DSK

30 janvier 2011

Strauss, Boubou et Martine2012.

Bonsoir à toutes et à tous.


Vendredi soir, en rentrant vers 23h00 de Soissons, fatigué après une conférence-débat et la journée de travail, j'allume quand même mon ordi, au cas où ... Et puis j'ai toujours une petite pensée pour vous, ami(e)s lecteurs, nombreux et fidèles. Je n'ai pas été déçu. Au début, j'ai cru à un gag, une imposture, un canular, une sorte de hoax, assez fréquent sur le net. Mais comme l'information venait d'Orange, ça pouvait tout aussi bien être sérieux. Pourtant, je n'avais rien entendu à la radio.

Bon, j'arrête de faire mon mystérieux et je vous explique sur quoi je suis tombé : un site intitulé "Martine2012", lancé par six maires de petites villes, en soutien à la candidature de Martine Aubry à la présidentielle. J'ai d'abord trouvé ça bizarre. Généralement, ce n'est pas à ce niveau, plutôt modeste pour une initiative nationale, que ce genre d'opération se met en place. Et puis, cette façon d'interpeller Aubry par son prénom, j'ai pensé à Royal, "Ségolène" comme on l'a très vite appelée à partir de 2006. Vous imaginez des strauss-kahniens à la tête d'un site "Dominique2012" ? Impensable, léger, pas sérieux.

Bon, ce n'était encore que des détails, une vague impression qui pouvait être trompeuse. Sauf qu'en parcourant la liste des signataires (nous étions vendredi soir), je suis tombé des nues et j'ai cru comprendre la blague. En effet, il y avait les noms de Brigitte Bardot "actrice retraitée", Ségolène Royal "humoriste" et Nicolas Sarkozy "président de la République" (évidemment), au milieu de quelques patronymes inconnus. Mais pas tous. Et là quelle surprise ! Parmi les six maires, je repère mon "Boubou" !

Excusez la familiarité, c'est le nom que nous donnons dans l'intimité à Michel Boulogne, maire socialiste de Roisel, pas très loin de Saint-Quentin, et conseiller général de la Somme. Mais que faisait-il dans cette drôle de galère ? Sa présence accréditait au contraire le sérieux de l'entreprise. A moins qu'on ne se soit servi de son nom ? Tout est possible sur internet, et on a vu pire. Je me suis couché avec l'énigme dans la tête.

Au réveil, j'avais les idées plus claires et, de retour sur Martine2012.net, je constatais que Bardot, Royal et Sarkozy avaient disparu, mais que d'autres étaient apparus, et que je connais bien, eux aussi : Simon Dubois Yassa et Corinne Vibes, responsables syndicaux axonais, et mon copain rénovateur Sylvain Logerot, secrétaire de la section de Château-Thierry. Avec, cerise sur le gâteau, Michel Pennetier, de Saint-Amand-Montrond (ma ville natale, pour les nouveaux venus sur ce blog). Et bin si je m'attendais !

J'ai donc repris le texte, avec une lecture plus attentive et crayon à la main. La rhétorique est tout de suite identifiable : c'est celle de l'aile gauche, dont Aubry n'a pourtant jamais fait partie. Rien qui ne me fâche là-dedans : il y a plusieurs sensibilités au PS, c'est ce qui fait sa richesse et c'est très bien comme ça. Chacune a son style, son vocabulaire, ses thématiques. Et chacune a le droit de s'exprimer publiquement. Jusque là, tout va bien. Mais ça ne va plus quand je lis ceci :

"Le candidat de toute la gauche ne peut pas être celui qui a dirigé la principale institution financière de la planète".

Vous avez compris ? Pas la peine de faire un dessin : c'est Strauss (nous, chez les strauss-kahniens, c'est comme ça qu'on l'appelle) qui est visé. Voilà qui est très mal joué : je conçois parfaitement qu'on ne souhaite pas que DSK soit notre candidat, je respecte toutes les opinions. Mais décréter que celui qui est aujourd'hui le mieux placé pour battre Sarkozy "ne peut pas être le candidat de toute la gauche", c'est une exclusion très dommageable. Et si finalement c'était lui qui démocratiquement était choisi par notre Parti, les signataires auraient bonne mine ! Que feraient-ils alors ? Rejoindre peut-être Mélenchon que dans leur tête ils n'ont probablement jamais quitté ?

Et que font-ils de l'accord tacite, de notoriété publique, que Strauss et Aubry ont passé afin de ne pas s'affronter mutuellement ? Qu'en pensent-ils ? En ce qui me concerne, j'ai mon candidat préféré mais jamais je n'exclurais aucun autre, Ségo, Hollande, Aubry, Montebourg, Aubry ou je-ne-sais-qui, et même si Hamon était notre candidat, je ne l'écarterais pas par principe, et je le soutiendrais s'il était choisi. Je n'accepte donc pas qu'on stigmatise ainsi DSK.

Je lis aussi ceci dans l'appel de Martine2012.net : "Pour couper court à toute zizanie, c'est la première secrétaire du Parti qui doit conduire la bataille". Ah bon ? C'est nouveau, ça vient de sortir ? Et les primaires, chargées de donner la parole à notre électorat pour désigner notre candidat, qu'en font-ils ? A moins que la "zizanie" à éviter, ce soient elles, les primaires ? Pourtant, notre Parti a massivement adopté cette procédure, non ? Alors on fait quoi ? On passe par dessus le vote des militants, comme en 2005 avec le référendum sur le Traité constitutionnel européen ? La culture d'appareil, la voilà : on ne vote pas, on désigne. Rien n'impose pourtant, statutairement, que notre première secrétaire fédérale soit notre candidate.

Réfléchissons. Les grandes et les petites manoeuvres en vue de la présidentielle ont commencé. Martine2012.net signifie quoi ? Un ballon d'essai pour voir comment réagit le Parti ? Une torpille en direction de DSK ? Une boule qu'on lance pour voir si elle fait boule de neige ? Tout ça à la fois peut-être, mais de toute façon une mauvaise action. Suivons d'ailleurs attentivement si l'aile gauche, notamment saint-quentinoise, s'agrègera à ce qui ressemble à un coup fourré, et on verra.

Pour le reste, demeurons fidèles aux principes et calendrier collectivement arrêtés : ce sont les primaires qui trancheront, toutes candidatures socialistes sont admissibles, aucune ne doit subir l'opprobre. Montrer aujourd'hui d'un doigt accusateur un candidat putatif, c'est mal, très mal préparer le nécessaire rassemblement à l'issue des primaires, quel que soit celui ou celle qui en sortira vainqueur. Un peu de retenue et d'anticipation, cher(e)s camarades ! Il y a des anti-DSK à l'extérieur du Parti (voir billet de mercredi), je n'aimerais pas les voir prospérer à l'intérieur. C'est tout le Parti qui en pâtirait.


Bonne soirée.