L'Aisne avec DSK

16 mars 2011

Le rire du prolétaire.

Bonsoir à toutes et à tous,


Pour poursuivre ma réflexion sur les classes moyennes et leur idéologie désormais dominante, je voudrais montrer combien celle-ci a des effets négatifs sur la vision du travail partagée par tous aujourd'hui, mais au détriment des classes populaires. Trois nouveaux concepts, trois chevaux de bataille influencent l'opinion :

1- Le stress. Il fait l'objet de toute une campagne, il préoccupe les autorités. C'est pendant l'instauration des 35 heures que ce thème est apparu, avec cette idée fausse que la réduction du temps de travail accélérait les cadences (si c'était vrai, toute baisse du temps de travail serait négative et jamais demandée par personne). Ce qu'il faut surtout remarquer, c'est que la dénonciation du stress consiste à retenir des difficultés au travail que leur dimension psychologique, étrangère aux classes populaires qui demeurent pour une large part dans la difficulté physique qu'occasionne pour elles le travail.

2- La pénibilité. Sa critique suppose qu'un travail pourrait ou devrait ne pas être pénible, ce qu'ignorent les classes populaires, dont les emplois ne sont guère valorisants et encore moins divertissants. L'idée qu'un travail doit être plaisant est typiquement une réaction "classes moyennes". L'ouvrier sait d'expérience que la vie le conduit plutôt à faire les sales boulots, mais qu'il faut bien gagner sa vie. La réflexion sur la pénibilité relève d'une culture de bureau, pas d'usine. Pour le monde ouvrier, travailler c'est travailler dur.

3- Le harcèlement. Il a remplacé subrepticement la bonne vieille contestation de l'exploitation, qui revenait à rejeter la globalité du système économique et social. Le harcèlement est un méfait purement individuel qu'on règle individuellement, avec une tonalité morale. La dimension politique qui présidait à la critique de l'exploitation a disparu. L'ouvrier peut rejeter l'autorité des petits chefs, des contremaîtres, qui est très différente du harcèlement. Celui-ci inscrit les difficultés au travail dans un registre plus intime, plus subjectif, presque privé, qu'ignore la vie collective de l'ouvrier.

Stress, pénibilité, harcèlement, je ne nie pas que ces problèmes existent, encore moins qu'il faille les traiter, mais ce sont les souffrances des classes moyennes, érigées aujourd'hui en problèmes pour tous, alors que les classes populaires ne les vivent pas ainsi : ce n'est pas le stress mais l'effort physique, ce n'est pas la pénibilité mais les faibles salaires, ce n'est pas le harcèlement mais l'exploitation. Pour l'ouvrier qui se lève tôt le matin pour gagner un salaire de misère en déchargeant des camions mais qui ne s'en laisse pas compter, qui sait se défendre quand il le faut, l'évocation pleureuse du stress, de la pénibilité et du harcèlement le soulève d'un immense éclat de rire, le rire du prolétaire contre l'idéologie moyenne.


Bonne soirée.

2 Comments:

  • on se suicide davantage dans la classe moyenne que dans la classe populaire.
    le niveau d'education, de culture, l'amour des arts et des voyages rendent plus insupportable un quotidien fade et ordinaire.

    By Anonymous Anonyme, at 7:41 AM  

  • Au contraire, la culture est un moyen de surmonter la fadeur de l'existence. C'est la pauvreté, sous toutes ses formes, qui pousse au suicide, pas le confort matériel et moral.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 12:45 PM  

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