L'Aisne avec DSK

03 mars 2011

Les racines et le bouclier.

Bonsoir à toutes et à tous,


La politique, ce sont des décisions techniques et un suivi gestionnaire, mais ce sont surtout des mots et des images. L'électorat est marqué par ceux-ci, pas par ceux-là. C'est pourquoi l'homme politique doit toujours faire attention à ce qu'il dit. C'est un pédagogue qui s'adresse, au niveau national, à des millions de personnes. La métaphore est chez lui, pour se faire comprendre, une figure de style tentante et quasi obligée. Son choix est délicat, périlleux. L'actualité nous en donne deux exemples :

Au Puy-en-Velay, Nicolas Sarkozy a vanté les "racines chrétiennes" de la France, en prenant soin, pour ne pas se voir reprocher une nouvelle atteinte à la laïcité, de citer d'autres "racines", juives ou philosophiques (l'apport du siècle des Lumières). Qui peut contester cette évidence historique : l'héritage national est à la croisée de multiples influences, parfois anciennes et contradictoires. C'est ce qui fait la richesse et le génie de notre pays.

Où est alors le problème ? Dans le fait que Nicolas Sarkozy n'est pas professeur d'histoire mais président de la République, qu'il ne fait pas un cours mais lance un message, qu'il ne s'adresse pas à une classe mais à un peuple. L'image des "racines", je la récuse, elle est à l'évidence dangereuse, même si on la croit inoffensive, de quelques "racines" qu'il s'agisse, chrétiennes ou pas. Pourquoi ? Parce que les "racines" renvoient au passé, alors que la République, normalement, se préoccupe de l'avenir.

Surtout parce que "les" racines nous divisent, alors que la République souligne ce qui nous rassemble. Chrétiens ou musulmans, athées ou croyants, droite ou gauche, nous nous reconnaissons tous dans la formule républicaine "liberté-égalité-fraternité". C'est cela, et rien que cela, qu'un président de la République, parce qu'il est président de la République, doit célébrer. La démocratie est un cadre avec des principes et des lois, pas un arbre avec des branches et des racines.

Seconde métaphore du jour, si malheureuse qu'elle s'est retournée contre elle-même : le "bouclier" fiscal, dont François Fillon a annoncé la fin, avouant ainsi un échec gouvernemental, puisque le fameux "bouclier" était une mesure-phare de la campagne électorale de 2 007 de Nicolas Sarkozy. L'image était pourtant juste, tellement juste qu'elle a provoqué de nombreuses réticences et protestations.

De quoi s'agit-il ? De protéger les gros contribuables, en stoppant la progressivité de l'impôt sur le revenu quand la taxation est trop forte, "confiscatoire" disent ceux qui se posent en victimes. Le vocabulaire est riche de mots pour travestir la réalité ! Ce "bouclier" portait si bien son nom qu'il se condamnait à disparaître, tellement l'image était criante de vérité : défendre les plus riches, les soustraire à l'imposition fiscale à son plus haut niveau. Si l'UMP avait choisi un autre terme, je ne sais pas si le destin de cette réforme aurait été différent. Mais elle aurait sûrement été perçue autrement.


Bonne soirée.

1 Comments:

  • Bien sûr qu'il y a de la roublardise chez Sarkozy à se mettre en scène sur ces racines et ces paysages. Fini le temps des Rolex on entre en campagnes électorales. Roublardise d'ailleurs complètement décalée à un moment où les arbres de la liberté surgissent avec tant de force au sud de la méditerranée.

    Mais quand même la question des racines me paraît plus complexe, parce que les plus profondes nous relient à l'ensemble du vivant et même au mystère (pour moi qui ne suis pas scientifique) du passage du minéral au vivant.

    La République, dis-tu, "n'est pas un arbre avec des branches et des racines". Pourtant les hommes de 89, comme ceux de 1848, ont planté partout en France des arbres de la liberté. Saint-Louis rendait la justice, dit-on, sous un chêne et Georges Brassens a vécu heureux au pied de son arbre. S'il suffisait de refouler notre histoire (qui ne commence pas aux "Lumières") pour éclairer l'avenir cela ferait longtemps que nous aurions atteint les rives heureuses de l'île d'Utopie.

    Réduire, comme tu le suggères, le discours politique légitime à Liberté-Egalité-Fraternité est bien réducteur aussi. Parce que chacun sent bien qu'il ne suffit pas de l'avoir écrit au fronton de nos édifices publics, et que c'est moins un acquis qu'une promesse encore non tenue dont l'avenir reste à écrire.

    Et que nous avons besoin d'arbres non seulement pour nous chauffer ou nous meubler, mais surtout pour grandir sans oublier que les arbres ne montent jamais jusqu'au ciel et que la vie est un rhizome et une maladie mortelle.
    Un bonne réplique au théâtre sarkozyste pourrait être une grande campagne de plantation d'arbres de la liberté. Cela mettrait un peu de joie dans la campagne électorale qui va s'ouvrir.

    Autre petite suggestion sur la question du bouclier. Tu fais un contresens complet en écrivant qu'il vise à stopper la progressivité de l'impôt sur le revenu. Il faut regarder les choses en face et la défiscalisation des plus riches s'est faite en plusieurs temps : baisse du taux d'imposition des tranches les plus élevées, baisse de la fiscalité sur les héritages, création de l'ISF et enfin le bouclier fiscal. Si ce dernier a eu une certaine popularité hors le cercle des grandes fortunes c'est parce qu'il compensait en partie une certaine abberation de l'ISF qui imposait des citoyens disposant d'un patrimoine indépendamment du fait de savoir si leur revenu permettait de payer cet impôt Bien entendu ce sont les très riches qui en ont le plus profité mais le problème existe pour ceux dont le patrimoine est leur habitation et ont des revenus moyens ou faibles. Une réforme simple aurait été de sortir la résidence principale de l'ISF. Pour tous ceux qui avancent masqués faire compliqué est souvent plus avantageux de que de faire simple en matière législative.

    By Blogger Ane-Vert, at 1:33 PM  

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