L'Aisne avec DSK

27 février 2011

Sarkozy rencontre l'Histoire.

Bonsoir à toutes et à tous,


Je vous livre mes impressions et mes réflexions, juste après l'intervention du président de la République, il y a deux minutes à peine. Sur le fond, il n'y a guère à redire : ce genre d'exercice est millimétré, chaque mot a été soupesé, le texte lu ne laisse place à aucune surprise. C'est un discours présidentiel dans lequel, par définition, tout le monde peut se reconnaître. Sur la forme, je retiendrais cette leçon, à l'adresse de ceux, nombreux, qui croient que faire long c'est faire bien : en six minutes seulement, on peut exprimer beaucoup d'idées fondamentales.

Ce qui retient mon attention, c'est plutôt le moment de cette intervention, au beau milieu d'événements qui secouent des pays méditerranéens et que Nicolas Sarkozy a qualifié d' "historiques". Un président qui rencontre l'Histoire, ça n'arrive pas tous les jours. Aussi éminente soit-elle, la magistrature suprême est faite essentiellement de décisions techniques, de suivi politique, de gestion ordinaire, d'arbitrages ponctuels qui ne relèvent pas de l'Histoire, que la mémoire collective aura vite oubliés. Ce n'est que par hyperbole qu'on qualifie souvent d' "historiques" des choix ou des déclarations qui ne le sont pas en réalité. Là, en revanche, on sent bien qu'un souffle anime des peuples, que des régimes s'effondrent, que quelque chose de nouveau se prépare : c'est cela qu'on appelle l'Histoire, et ce n'est pas si fréquent.

Mais l'Histoire est un fleuve indocile, imprévisible, qui peut porter comme il peut noyer, dont on ne sait pas très bien où il nous conduit. L'homme d'Etat a du mal à y maintenir sa barque, à lui donner une direction. Louis XVI n'avait pas compris que le 14 juillet 1789 était une révolution, De Gaulle avait conscience que son appel du 18 juin 1940, bien que marginal, avait une dimension historique. Quoi qu'il en soit, il est difficile de saisir l'événement à l'instant même où il se passe, quand le sens nous en échappe largement, comme lorsque nous sommes ballottés au milieu du gué. Et pourtant, l'homme d'Etat doit parler, se décider, donner du sens à ce qui est encore un chaos.

On se souvient des reproches qu'on avait faits à François Mitterrand en 1989, devant la chute du mur de Berlin, dont l'attitude avait été prudente, avisée, pragmatique, diplomatique. Mais l'opinion attendait semble-t-il quelque chose de prophétique. Nicolas Sarkozy a voulu ce soir accompagner, peut-être même devancer l'Histoire, à défaut de la faire, tâche qui paraît désormais dévolue aux peuples plus qu'aux dirigeants. C'est la première fois depuis le début de son mandat qu'il est confronté à de telles circonstances. La crise financière, parce que financière et pas politique, n'était pas vraiment un événement historique. L'Histoire est une affaire d'hommes, pas de flux monétaires ou de cours de la bourse.

Le problème avec l'Histoire, c'est qu'elle décide d'à peu près tout, qu'elle déborde le rôle des Etats. "Puisque ces événements nous échappent, feignons de les organiser", disait Jean Cocteau. C'est ce à quoi l'homme d'Etat est contraint, au risque de se tromper. Car c'est l'Histoire seule, c'est-à-dire l'avenir, qui dira si l'événement est historique ou pas, parfois bien longtemps après qu'il se soit produit. Rencontrer l'Histoire n'est pas de tout repos. Le paradoxe, c'est qu'il faut être à la hauteur d'un événement qui pourtant nous dépasse !


Bonne soirée historique.

5 Comments:

  • on fait comment pour suivre une allocution sans la télé ?

    By Anonymous Anonyme, at 9:07 PM  

  • On l'écoute à la radio.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 9:28 PM  

  • Pour un Strauss donc technophile
    c ringard.

    By Anonymous Anonyme, at 9:36 PM  

  • Relisez-moi : j'ai écrit que la technophilie était le seul point que je ne partageais pas dans le strauss-kahnisme.

    Quant à prétendre que la radio serait ringarde, je vous en laisse la responsabilité.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 9:46 PM  

  • Et si la Méditerranée devenait le renouveau historique comme au temps des civilisations grecque et romaine ( la Tunisie était aussi un haut lieu de civilisation ... ) face à l' hyper modernisme débridé des états unis et de la CHINE !!!

    By Anonymous Anonyme, at 10:15 PM  

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