L'Aisne avec DSK

31 mars 2011

Pourquoi il faut un front républicain.

Bonsoir à toutes et à tous,


Gontran Lefebvre, délégué de la 2e circonscription UMP de l'Aisne, donne une tribune à L'Aisne Nouvelle d'aujourd'hui intitulée : "Pourquoi il ne fallait pas un front républicain". C'est clair et net, mais c'est étrange : depuis les résultats des élections cantonales, nous comprenons qu'il y a à Saint-Quentin un douloureux problème avec le Front national, qui s'est hissé à la tête de l'opposition, ce qui est une anomalie en démocratie, ce qui nuit bien sûr à la gauche éliminée mais aussi à la droite affaiblie. Au contraire, droite et gauche républicaines devraient s'unir dans un même rejet de l'extrême droite. Une telle attitude aurait une valeur exemplaire auprès des citoyens. L'UMPS, ça ne me dérange pas quand il s'agit de défendre la République !

Mais Gontran Lefebvre développe deux arguments pour refuser ce front républicain. Il souligne que le FN est un parti légal, qui se plie aux règles électorales, est financé par l'Etat, et qu'aucun gouvernement, même de gauche, n'a tenté de l'interdire. Cet argument est purement de droit, juridique, en ce sens incontestable. Mais un militant, y compris Gontran Lefebvre, doit faire de la politique, pas du droit.

Que le FN soit reconnu, admis, autorisé, c'est un fait : Marianne est bonne fille, elle garantit la libre expression de ceux qui contestent ses principes. Mais est-ce une raison pour accepter les extrémistes de droite, pour ne pas lutter contre eux, pour ne pas penser qu'un front républicain les excluant est un choix politique pertinent ? Bien sûr que non ! Le FN a le droit d'exister et le front républicain a le droit de le combattre. Aucune règle de la République n'empêche ça ou ne le décourage.

Gontran Lefebvre, dans un second argument, entre tout de même dans des considérations purement politiques, avec le raisonnement suivant : sommes-nous bien disposés à lutter contre l'extrême droite puisqu'il existe une extrême gauche tout aussi radicale, virulente et finalement contestable ? Sa réponse est évidemment non. Il renvoie en quelque sorte dos à dos les deux pôles de l'échiquier politique, afin de justifier son refus du front républicain.

Je ne partage pas ce point de vue. A Saint-Quentin, personne ne peut me soupçonner de faiblesse, d'indulgence ou de compromission avec l'extrême gauche, puisque je souhaite depuis trois ans que le PS rompe les alliances qu'il a passées avec celle-ci, au nom de l'élémentaire cohérence politique. Mais je ne charge pas injustement l'extrême gauche, surtout je ne la mets pas au même rang que l'extrême droite. Celle-ci est antirépublicaine, celle-là est républicaine, voilà la différence idéologique fondamentale. J'ai beaucoup de désaccords avec les positions économiques et sociales de LO, du NPA et du POI, mais jamais je n'ai vu dans leurs programmes une mesure qui menace les principes de la République ; au FN, oui.

Je ne doute pas que Gontran Lefebvre soit républicain. Mais son refus du front républicain n'est pas la bonne méthode pour faire reculer le Front national. Quant à croire que le débat démocratique autour des idées économiques et sociales du FN permettra de réduire son influence, c'est une illusion : les extrémistes sortent toujours vainqueurs de ce genre de confrontations qui tournent facilement à leur avantage, qui banalisent leur présence, qui leur apportent une forme de légitimité.

Je ne veux pas croire que Gontran Lefebvre joue la politique du pire (qui est toujours la pire des politiques) en espérant que le FN reste durablement la force d'opposition devant le PS, interdisant à celui-ci toute possibilité de victoire locale. La droite saint-quentinoise se grandirait d'avoir face à elle une gauche forte, crédible, sérieuse. Elle perdrait beaucoup, peut-être même son âme, dans des victoires à la Pyrrhus contre le seul FN. Et puis, la vie politique locale a besoin d'une gauche vivante, dynamique, force de propositions, pas d'un FN fantôme, absent, purement contestataire en périodes électorales. Voilà pourquoi il faut un front républicain, à Saint-Quentin comme partout ailleurs.


Bonne soirée.

16 Comments:

  • Je crois que l'idée d'un "front républicain" renforce l'idée que la classe politique est divisée en deux : d'un côté l'"UMPS" (pro-européens) et de l'autre le FN (souverainiste).

    A quand un grand parti "Républicain" unique (socio-démocrates + UMP + centristes) , face à un parti nationaliste d'égale envergure, qui se retrouveraient systématiquement au 2nd tour de chaque élection ?
    Ce n'est pas ce que je souhaite, évidemment. D'où mes réserves sur l'Union Républicaine.

    By Anonymous Thierry D, at 9:53 PM  

  • D'autre part, peux-tu m'expliquer en quoi le FN n'est pas républicain ?

    Si j'en crois la définition du mot "république" (qui s'oppose à la monarchie et à la dictature), le FN entre dans ce cadre : leur programme ne remet pas en question l'existence de partis ni d'élections...
    Alors... ?

    Je crois que le FN doit plutôt être contesté du côté de ses arguments souverainistes : quels en seraient les tenants et les aboutissants ? Peut-on retourner dans les années 1950 ?

    Bonne soirée Emmanuel !

    By Anonymous Thierry D, at 9:58 PM  

  • Thierry,

    Le front républicain n'est pas un parti mais une tactique électorale : empêcher l'extrême droite de se faire élire.

    Le FN n'est pas républicain parce qu'il est clairement xénophobe.

    Bonne soirée à toi.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 10:23 PM  

  • <<< Le FN n'est pas républicain parce qu'il est clairement xénophobe. >>>

    La démocratie et la république , c 'est le vote ...

    Si le FN respecte le vote ou les votes de tous ordres ... Comment lui retirer le qualificatif ... De républicain ??

    By Anonymous Anonyme, at 10:32 PM  

  • Emmanuel, je ne suis pas convaincu :

    1) il y a des tactiques électorales qui finissent en parti (exemple : RPR + centristes mutent en UMP)

    2) la définition de "république" ne fait état d'aucun critère moral ou philosophique. Tout état dont le pouvoir n'est pas héréditaire, est une république... point.
    Ne confonds-tu pas "républicain" et "humaniste" ?

    By Blogger tdkn, at 10:34 PM  

  • Si on suit ta définition, un Etat totalitaire serait aussi une république ! Non, pour moi, la République, c'est aussi un état d'esprit, qu'on peut en effet qualifier d'humaniste.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 10:56 PM  

  • A 10:32 :

    Hitler aussi était pour le vote. Il s'est même présenté aux élections et fait élire. Est-ce que ça en faisait un démocrate et un républicain pour autant ?

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 10:57 PM  

  • <<< Non, pour moi, la République, c'est aussi un état d'esprit, qu'on peut en effet qualifier d'humaniste. >>>

    Mais non pas du tout ; la république c 'est la saine gestion de la chose publique ... donc l' efficacité en dehors de toute recherche partisane , et pour le faire peut être faut il un état d 'esprit comme vous le dites ... mais si l'action est mal conçue ... Le pire arrive comme en ce moment où bien souvent les élus ne sont pas les vrais décideurs mais ils ne font que valider celles des cabinets de l' administration ou privés ...

    By Anonymous Anonyme, at 11:18 PM  

  • l'extreme droite et l'extreme gauche ont un point commun : le fanatisme

    Il n y en a pas un moins dangereux que l'autre.

    l extreme droite a donné hitler, l extreme gauche Mussolini ,Staline, Pinochet, Castro...
    Les extremes aboutissent toujours à des sociétés totalitaires qui menent au chaos.

    le danger se mesure aux résultats obtenus dans les urnes mais pas à la couleur politique.

    ne distinguons pas le fn des autres partis extremistes
    Ils pronent tous un renversement du systeme qui ne peut etre réalisé que dans la violence, la force et la terreur.
    il y a des fachos de gauche et je pense qu ils étaient nombreux à passer du npa au fn à ces cantonales, puisque le npa lui était le grand absent .

    Quand le ps fait alliance avec l'extreme gauche , je pense qu il ne respecte pas ses valeurs et oublie les lecons tragiques de l'histoire. C est inadmissible et dans ce cas je vote differemment

    By Anonymous Anonyme, at 12:07 AM  

  • Ce qu'il faut bien voir c'est qu'en s'emparant du thème souverainiste l'extrême droite est en train de se doter d'une base militante qui n'est plus seulement protestataire mais de conviction. C'est ce que j'observe dans mon village. C'est cruel à dire mais le plan B promis par Fabius au moment du référendum européen est en train d'advenir sous la forme d'une récupération populiste du non à l'Europe et à la mondialisation qui ouvre la voie à une certaine banalisation de l'extrême droite. Comme un peu partout en Europe la tentation existe désormais clairement en France d'une récupération pouvant aller jusqu'à des alliances de deuxième tour. Ça oausera à la droite libérale des problèmes symétriques à ceux de la gauche mais c'est une illusion de faire du Front Républicain un programme de réponse à ces défis. Choisir le moins pire est souvent hélas la seule forme de liberté du citoyen dans les logiques de deuxième tour et le front républicain peut-être un principe utile dans ces circonstances mais ça ne peut tenir lieu de programme. Il serait peut-être temps de passer à autre chose.
    Ecrire comme tu le fais "Quant à croire que le débat démocratique autour des idées économiques et sociales du FN permettra de réduire son influence, c'est une illusion.."
    m'apparaît comme un message de démission par rapport aux urgences politiques du moment. Il n'y a pas d'autre choix que ce débat démocratique et d'opinion. Quant à la renaissance d'une gauche "forte crédible sérieuse" à Saint-Quentin il ne me semble pas qu'elle puisse advenir d'une sorte de bienveillance de l'UMP locale. Elle dépendra beaucoup de sa capacité à investir les problèmes bien concrets auxquels sont confrontés les citoyens. Son silence sur le petit pavé que j'ai lancé dans le marigot à propos de ce qui se trame autour de la gare de Saint-Quentin, ne me semble pas de bon augure.

    By Blogger Ane-Vert, at 11:59 AM  

  • Bien d'accord avec Thierry, on ne peut pas éviter le débat avec le souverainisme et ce qu'aurait de désastreux un repli sur soi nationaliste. Depuis l'agonie du communisme réel seule l'écologie politique a su assumer une militance active (bien qu'encore très embryonnaire) au niveau européen et pour une autre mondialisation positive. En dehors de cette sphère l'idée même que le visage de la construction européenne comme d'un nouvel ordre mondial soit l'objet d'un combat politique soit l'objet d'un combat politique et résulte de rapports de forec politiques est presque illisible pour les citoyens. La reconstruction d'une militance internationaliste dégagée des clubs de grands notables (genre PSE) et de la haute technocratie où se complaisent la plupart des organismes internationaux est certainement une urgence face à la montée des populismes-nationalismes.
    L'écologie politique et les ONG qui travaillent sur ce terrain ont besoin d'alliés à gauche qui ne désertent pas ces combats.

    By Anonymous Claude, at 12:32 PM  

  • Pardonnez-moi, mais qui est Gontran Lefebvre, à part le porteur d'un prénom homophone à celui d'un canard horripilant et chanceux dans les aventures de Donald Duck ?

    By Anonymous Citoyen, at 10:27 PM  

  • "Hitler aussi était pour le vote. Il s'est même présenté aux élections et fait élire."

    Renseignez-vous : il a perdu les élections de 1932.

    Hitler a été nommé.

    By Anonymous Citoyen, at 10:28 PM  

  • Citoyen,

    Les hommes influents sont ceux qu'on ne connait pas.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 10:57 PM  

  • Alors dites-nous qui il est. Figurez-vous qu'il est, selon l'UMP elle-même, inaccessible au commun des mortels :
    "Gontran Lefebvre
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    Rechercher
    La fiche de cette personnalité est temporairement inaccessible."
    http://www.lemouvementpopulaire.fr/personnalites/Gontran-Lefebvre-1310.html
    Alors, tel Prométhée, aidez-nous à savoir.

    Au passage, je suis bien d'accord avec votre phrase sur les hommes influents.

    By Anonymous Citoyen, at 12:50 AM  

  • Ce n'est pas un dieu, ce n'est pas un diable, mais une éminence grise. "Très grise", disait je ne sais plus qui à propos du cardinal de Richelieu.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 9:28 AM  

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