L'Aisne avec DSK

28 mars 2011

Crise d'identité.

Bonsoir à toutes et à tous,


Au lendemain de ces élections cantonales où la gauche en général et le Parti socialiste en particulier ne s'en sont pas trop mal sortis malgré l'abstention massive et la poussée d'extrême droite, c'est à la situation saint-quentinoise, à rebours de la tendance nationale, que revient ma réflexion. Tout le monde convient que nous avons vécu un "21 avril" local, aussi traumatisant que celui qui a vu en 2 002 Lionel Jospin éliminé par l'extrême droite. Le PS s'en est-il depuis relevé ? Oui. Il n'y a donc pas de raison pour que nous ne surmontions pas le traumatisme, si les conditions d'une réflexion sérieuse et honnête sont réunies et si des décisions en résultent.

Essentiellement, il ne faut pas réduire notre défaite à un accident, un phénomène conjoncturel, des circonstances malheureuses mais extérieures, qui nous exonéreraient en quelque sorte de toute responsabilité. Si nous avons à ce point perdu, c'est que quelque chose ne va pas. Mais quoi ? Les personnes non plus ne sont pas en cause ; le problème est structurel : nous sommes confrontés à une crise d'identité, nous avons perdu nos marques, il faut nous retrouver. La reconstruction sera longue et difficile, nous ne pourrons compter que sur nous-mêmes. Mais l'espoir n'est pas nul si la volonté de changer est là.

Le premier signe de cette crise d'identité est dans le constat sans doute le plus surprenant et le plus douloureux du second tour : Le Front national a progressé en grande partie grâce à des voix de gauche ! Jusqu'à présent, nous connaissions des électeurs qui votaient extrême droite au premier tour pour se défouler, protester radicalement, et qui au second tour rejoignaient leur famille d'origine, la gauche. C'était déjà singulier et très contestable. Nous avons assisté hier à Saint-Quentin au phénomène inverse, beaucoup plus inquiétant : des sympathisants socialistes, nullement attirés par le FN puisqu'ils ne le soutiennent pas au premier tour, rallient sans complexe l'extrême droite lorsqu'il n'y a plus qu'elle et l'UMP.

A la rigueur, l'abstention ou le vote blanc pourraient être admis, même si le meilleur positionnement demeure pour moi le vote républicain. Mais qu'un électeur socialiste ose voter Front national, non, c'est l'expression d'une confusion idéologique totale, d'un non sens politique absolu, d'un reniement de notre héritage. La crise d'identité, voilà son premier effet. J'en perçois aussi un deuxième, vis-à-vis de l'extrême gauche cette fois : ce que nous retiendrons amèrement de ces cantonales 2 011, c'est que le canton nord, qu'une occasion historique mettait à notre portée, nous a échappés parce que l'extrême gauche nous a privés d'une présence au second tour.

Non pas que ce courant politique, en l'occurrence lambertiste, n'ait pas le droit de concourir, le problème n'étant pas là. Mais parce que le courant en question est notre incohérent allié dans l'opposition municipale, au détriment de notre identité réformiste. Nous payons au prix fort, dans les urnes, les conséquences de cette alliance contre-nature, qui ne profite qu'à ceux qui en ont été dès le début les initiateurs, Parti des travailleurs il y a trois ans, devenu Parti ouvrier indépendant depuis.

Je n'ai rien contre lui, j'ai même de l'estime pour la rigueur et la ténacité de ses militants, mais je redirai autant de fois qu'il le faudra que leur univers idéologique n'est pas le nôtre, socialistes réformistes. La tradition lambertiste, depuis toujours, à FO ou ailleurs, n'est nullement gênée par ce type de compagnonnage, qu'elle cultive pour en récolter quelque avantage en matière d'influence. C'est son droit, même si cette pratique n'est pas banale. Mais un Parti socialiste affaibli ne peut que perdre à ce jeu.

Le troisième signe d'une crise d'identité est social, et pas du tout propre à la gauche saint-quentinoise, même si dans une ville pauvre, ouvrière, de tradition communiste, ce signe est particulièrement frappant : notre représentation des milieux populaires, vers lesquels nous devrions naturellement être tournés, est quasi inexistante. Nous évoluons dans une sociologie restreinte, les classes moyennes de la Fonction publique, dans ou autour du monde de l'Education nationale. Ce n'est nullement déshonorant mais c'est à l'évidence très insuffisant, et surtout en décalage avec les fondements historiques de notre idéologie.

Au canton nord, le candidat du FN était un chômeur sans ambition politique particulière, dans lequel hélas certains de nos électeurs ont pu se reconnaître. La politique n'est pas qu'un étalage de grandes idées ; elle fonctionne à l'identification personnelle. Avons-nous fait assez pour que celle-ci opère efficacement ? Je ne demande évidemment pas à ce qu'on chasse tous les enseignants de nos rangs, mais je pense que notre crise d'identité est aussi une crise de la représentation, qu'il faut absolument ouvrir nos cercles restreints, élargir notre sociologie à d'autres catégories de la population.

Comme il y a un lien étroit entre politique et idéologie, il y a un lien tout aussi étroit entre politique et sociologie. C'est pourquoi, avant même le résultat des cantonales, j'ai rédigé plusieurs billets pour recommander une réorientation vers les classes populaires et ne plus se préoccuper trop exclusivement des classes moyennes (ce qui m'a d'ailleurs valu, de façon très significative, des commentaires acerbes et attendues puisque les lecteurs de ce blog sont pour l'essentiel issus de ces classes moyennes).

Crise d'identité politique (des votes PS qui se transforment en votes FN), crise d'identité idéologique (des réformistes qui s'allient avec des lambertistes), crise d'identité sociale (des classes moyennes parlant à la place des classes populaires), voilà la triple crise d'identité que nous traversons, qui n'est sans doute pas propre à la gauche saint-quentinoise, mais qui chez elle a pris une tournure particulièrement aiguë, puisque l'élimination au premier tour des candidats PS a été dans ce scrutin cantonal une exception plus qu'une règle.

Sachons regarder la vérité en face et prendre cette crise par l'opportunité qu'elle peut présenter pour nous : reconstruire une identité réformiste pour la gauche locale, pas avec n'importe qui mais avec tous ceux qui se reconnaîtront dans cette démarche.


Bonne soirée.

23 Comments:

  • Et ça y est, ça recommence.

    Emmanuel, vous devriez vous renseigner sur la proportion d'enseignants votant encore à gauche au niveau national.

    Vous dites vouloir tirer les leçons de 2002 : savez-vous que le nombre de voix qui ont manqué à Jospin en 2002 (les fameux 0,6% des suffrages...) est exactement le même que le nombre de voix d'enseignants qui se sont détournés du P.S. ?

    Continuez à cracher sur les classes moyennes en croyant faire ainsi plaisir aux classes populaires, et non seulement vous ne gagnerez pas les secondes, mais vous perdrez les premières.

    Chacun ses lubies, mais enfin vous viendrez encore vous plaindre après, et vous ferez l'étonné triste alors que tout était prévisible.

    By Anonymous Citoyen, at 10:18 PM  

  • Ni crachat (ce n'est pas mon genre), ni postillon, pas même une goutte d'eau. Vous, en revanche, c'est une grosse larme, tout ça parce que j'ose dire que la situation des classes populaires est moins enviables, beaucoup moins enviables que celle des classes moyennes. Etre incapable d'accepter cette vérité, oui là voilà, notre crise d'identité quand on se prétend socialiste !

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 10:54 PM  

  • A vous lire
    on pourrait croire que vous ignorez que des camarades ont quitté le PS quand vous êtes devenus 1er local et qu'ils votent FN depuis.

    Certains électeurs de gauche haïssent plus la social démocratie qu'ils ne haïssent l'extrême droite.
    C'est triste mais c'est ainsi.

    By Anonymous Anonyme, at 11:03 PM  

  • "Vous, en revanche, c'est une grosse larme, tout ça parce que j'ose dire que la situation des classes populaires est moins enviables, beaucoup moins enviables que celle des classes moyennes. Etre incapable d'accepter cette vérité, oui là voilà, notre crise d'identité quand on se prétend socialiste !"

    Je ne pleure pas, moi. Et pourtant, il y a de quoi, au vu de la situation actuelle.

    Si vous dites juste que "la situation des classes populaires est moins enviable que celle des classes moyennes", je ne vois même pas pourquoi je taperais trois mots de plus. A cela, je n'ai que "oui" à dire, et puis c'est tout.

    Mais si vous dites que le PS doit se rapprocher de son électorat populaire en délaissant les problèmes que rencontrent les classes moyennes, là je ne peux pas vous suivre. Le PS a besoin des techniciens et des cadres autant que des ouvriers et des chômeurs, et les techniciens et cadres ont autant besoin du PS que les ouvriers et les chômeurs.

    By Anonymous Citoyen, at 11:14 PM  

  • Au moins, ce "21 avril", le PS ne le mettra pas sur le dos de Chevènement !

    L.E.

    By Anonymous Anonyme, at 12:06 AM  

  • A 11:03 :

    Si je vous comprends bien, les gros scores du FN, c'est de ma faute ! Et la catastrophe au Japon ? Il y a au moins une chose qui n'est pas de ma faute : votre connerie.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 12:16 AM  

  • A 11:14 :

    Le problème, c'est qu'il y a des cadres ou assimilés au PS et pas beaucoup d'ouvriers.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 12:18 AM  

  • Laurent,

    Quoique ... indirectement, il y a l'ex-MRC Ribeiro qui a joué son méchant petit rôle. Mais bon, Chevènement n'y est pour rien en effet.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 12:20 AM  

  • tu a raison emmanuel de t inquiètè pour les prochaines municipales , tu a souvent critiquè l ex mrc et candidat de la gauche moderne qui a obtenue presque 3% SUR LE CANTON NORD ce qui et un score honorable pour une premiere candidature,avec le soutien des milliers de portugais residents a st quentin ,les prochaines municipale s annonce tres compliquè pour le ps locale

    By Anonymous Anonyme, at 1:36 PM  

  • Merci Antonio pour ce commentaire.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 2:32 PM  

  • De votre responsabilité en tant qu'invidu à peine,
    de votre responsabilité de SD totalement.

    Votre fanatisme social démocrate vous aveugle et vous empêche de comprendre qu'à gauche beaucoup n'en veulent pas.

    By Anonymous Anonyme, at 3:31 PM  

  • Ne pas vouloir de la social-démocratie n'oblige pas à voter FN. Ou alors nous revenons aux années 1920-1930 en Allemagne ! Où sont les fanatiques ?

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 4:24 PM  

  • non emmanuel c est pas antonio,mais un membre influent de la communnautè portugaise

    By Anonymous Anonyme, at 5:16 PM  

  • Monsieur

    De nouveau je reviens sur votre cite pour démentir des propos que vous m'attribué, pour votre information je signe toujours mes commentaires
    IL FAUT RENDRE A VOTRE ANONYME CE QUI LUI APPARTIENS.

    MERCI LAURENT

    By Anonymous Anonyme, at 5:50 PM  

  • Bonjour Antonio,

    Ne me dis pas merci vu que je n'ai rien fait. De plus, en rejoignant GM, tu as plutôt laissé tomber les valeurs du MRC. Mais bon, c'est la vie.

    Emmanuel,

    Comme tu le dis si bien, c'est "ex-MRC". Mais il me semble, vu que j'ai participé aux négocations, que de toutes façons, les deux courants locaux voulaient y aller tout seul. Si il y a echec du PS localement, c'est peut être, tout simplement, la faute de certains socialistes.

    Les "petits alliés" du PS ne peuvent pas grand chose sans le PS, mais l'inverse est de plus en plus vrai, sachant que le canton nord était gagnable.

    Je te laisse y réfléchir.

    L.E.

    By Anonymous Anonyme, at 12:18 AM  

  • Peut etre que ce sont eux les fanatiques en tout cas ils existent que comptez vous faire contre ?

    By Anonymous Anonyme, at 1:01 AM  

  • Précise ta pensée sur "certains socialistes".

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 7:20 AM  

  • A 7:20 :

    Les convaincre de ne plus voter FN.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 7:21 AM  

  • Ceux qui privilégient plutôt les courants au détriment des combats politiques, y espérant se faire un nom, par exemple.

    Voilà, j'ai carché ce que j'avais en travers la gorge, maintenant, passons à autre chose... peut être.

    L.E.

    By Anonymous Anonyme, at 4:07 PM  

  • Il a des problèmes d'orthographe, le Monsieur de la Gauche Moderne...

    Ca ne l'a pas empêché de voler des voix à la VRAIE gauche au premier tour, mais c'est assez affolant qu'un politique qui prétend être responsable d'un canton ne maîtrise pas les bases de l'orthographe française.

    La gauche moderne écrit le français comme au Moyen-Âge, les beautés de la langue en moins.

    By Anonymous Citoyen, at 12:22 AM  

  • vous avez raison citoyen! regardèz autour de vous tous nos politologues sont de brillant écoliers et ils ne font pas de faute d ortographe! mais par contre ça ne les empêche pas d être des magouilleurs,aussi bien a gauche et a droite.RESULTAT LES ELECTEURS VOTENT FN CHER CITOYEN

    By Anonymous Anonyme, at 1:02 PM  

  • Emmanuel, j'ai pensé à vous en lisant Libé mardi.

    Voilà ce que dit Jean Chiche, chercheur à l'IEP de Paris (Cévipof) :
    "Cette abstention touche toutes les classes sociales et n'est pas colorée politiquement. Ce qu'il manque à la gauche, c'est une capacité d'attirer les classes populaires. Sa fragmentation, les querelles de personnes et la non-visibilité des programmes brouillent son message politique. [...] Le souvenir des cohabitations et, notamment, la période 2002-2002 où la gauche a donné l'impression de ne plus faire de différence entre une politique libérale et une politique sociale, a aussi semé le trouble dans la représentation politique des classes populaires."

    On partage donc tous les trois le même avis, mais vous remarquerez que Chiche ne dit en rien qu'il faut se détourner pour autant des classes moyennes. L'idée de Chiche (et la mienne aussi), c'est que la gauche doit se différencier bien davantage de la droite. Autrement dit, favoriser les riches et rétablir l'ordre moral sont les deux écueils dont la gauche doit se garder. Pas sûr qu'elle en soit vraiment consciente.

    By Anonymous Citoyen, at 8:29 PM  

  • C'est gentil de penser à moi. Comme nous sommes d'accord, je n'en dis pas plus.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 9:33 PM  

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