Débat entre camarades.

Bonjour à toutes et à tous,


Les sections socialistes discutent en ce moment de notre projet, qui sera l'objet d'un vote le 19 mai. Le fait que la direction unanime du Parti l'ait validé ne limite pas le débat : des amendements peuvent être apportés, des interprétations différentes peuvent faire l'objet de discussions. Pour exemple, cet échange que j'ai eu avec un camarade il y a quelques jours, à la sortie d'une réunion (c'est souvent à cet instant que la réflexion devient intéressante, parce qu'elle échappe aux postures, aux figures obligées) :

Ce camarade me dit qu'il approuve la politique salariale défendue par le texte, mais qu'il faut en même temps être prudent avec l'augmentation des bas salaires, qui resserre l'écart des rémunérations et produit chez certains un sentiment de "déclassement", en se voyant rejoint, sur l'échelle des rémunérations, par des catégories pourtant inférieures. Du coup, mon camarade préfère insister sur la notion de "pouvoir d'achat", privilégiant une action sur les prix (à la baisse) que sur les salaires (à la hausse).

Tout le débat est là ! Vous vous en doutez, si vous êtes un fidèle lecteur de ce blog : je ne partage pas le point de vue, au demeurant fort légitime, de mon camarade, qui à mes yeux est l'expression même des classes moyennes (ce qui n'a rien non plus de déshonorant). Je crois, quant à moi, que la priorité des socialistes doit aller à l'augmentation des bas salaires.

Le "déclassement", je ne sais pas ce que ça signifie, c'est un sentiment très subjectif, comme parfois le sentiment d'insécurité. Des gens mal payés, j'en connais, j'en rencontre. Mais des "déclassés", jamais. Et puis, qu'un ouvrier qui travaille dur puisse gagner presque autant que moi qui suis diplômé, ça ne me dérange pas, je trouve même que ce n'est que justice. Normalement, n'est-ce pas ça être socialiste ?

De même, je ne me fixe pas trop sur le "pouvoir d'achat", notion éminemment sarkozienne ("Je suis le candidat du pouvoir d'achat", disait-il en 2 007). Mais c'est quoi ce sacro-saint pouvoir d'achat ? La capacité à consommer, à faire fonctionner le système. Que la droite s'en serve pour défendre les mécanismes de l'économie libérale (qui transforme le citoyen en consommateur), je comprends. Mais que la gauche puisse le reprendre à son compte, non.

En vérité, les classes populaires demandent des augmentations de salaires et les classes moyennes du pouvoir d'achat, c'est-à-dire des biens qu'elles puissent s'approprier, qui constituent les symboles de sa condition sociale, de sa réussite de classe : partir en vacances à l'étranger, s'acheter un appartement ou une résidence secondaire, avoir un deuxième ou troisième véhicule, offrir des études supérieures à ses enfants, etc. Les classes populaires sont confrontées à de tout autres difficultés : trouver du travail, payer le loyer, faire garder les enfants, se soigner correctement, etc.

Tout intérêt de classe est légitime, y compris ceux de la grande bourgeoisie et du patronat. C'est la vie ! Mais la gauche, si elle veut rester la gauche, si elle veut remporter les prochaines élections, si elle veut réduire l'influence de l'extrême droite, doit à tout prix faire des classes populaires son socle sociologique et électoral. Le projet socialiste actuellement débattu va dans ce sens, mais la preuve est faite que plusieurs interprétations sont possibles.


Bonne journée, camarade.