L'Aisne avec DSK

21 janvier 2007

- 20%.

Bonjour à toutes et à tous.

Des dizaines de milliers d'enseignants dans les rues de Paris hier, une manifestation très réussie, à l'initiative pourtant de la seule FSU, et dans le même temps, une étude qui montre que les professeurs du second degré ont perdu 20% de leur pouvoir d'achat entre 1981 et 2004. 20%! Connaissez-vous une profession qui ait subi une telle perte? Moi pas.

C'est d'autant plus surprenant que le monde enseignant est réputé fort syndiqué et volontiers gréviste. Comment alors expliquer une telle dégradation sociale d'un métier pourtant souvent au coeur du débat politique? Je vois trois explications:

1- le syndicalisme enseignant, notamment le SNES, s'est concentré sur la défense des "moyens": l'emploi, les conditions de travail, l'allègement des classes, le renforcement de l'encadrement, etc. C'est logique pour un syndicat. De fait, le budget de l'Education nationale n'a cessé d'augmenter, ce que la droite a beau jeu de rappeler en réponse aux revendications syndicales. Mais l'accroissement des "moyens" n'a pas toujours eu des effets perceptibles dans la vie professionnelle des enseignants.

Surtout, cette priorité a mis au second plan les revendications purement salariales. Pour une raison qui est également psychologique, et je parle en tant qu'enseignant et syndicaliste: un prof manifeste aisément pour la réduction des effectifs par classe car l'objectif est pédagogique et d'intérêt national. En revanche, il a quelque scrupule à exiger une augmentation de salaire, tellement on lui a répété que cette démarche était "corporatiste", qu'il était un "privilégié" disposant de fréquentes vacances et de la sécurité de l'emploi. La pression de l'opinion conjuguée à la conscience professionnelle ont fait que les enseignants se sont peu mobilisé sur la revalorisation de leurs rémunérations.

2- la querelle entre les "anciens" et les "modernes", les partisans de l'instruction et de la transmission des connaissances opposés aux tenants de la pédagogie et de l'éducation, aussi intéressante soit-elle intellectuellement, a stérilisé les forces, dévoyé les énergies, suscité des passions destructrices et conduit finalement à une impasse. Ce combat interne a relativisé le combat externe, certes plus prosaïque, pour le pouvoir d'achat.

Le "pédagogisme" a exagérement été présenté comme un danger mortel, créant ainsi un catastrophisme très artificiel négligeant du coup la véritable menace. La seule question qui vaille est pourtant simple: comment adapter les lycées et collèges à un enseignement qui a cessé de s'adresser à l'élite pour devenir, et c'est heureux, un enseignement de masse?

3- l'éclatement du syndicalisme enseignant, la fin de la "puissante FEN", la rivalité entre organisations ont accentué les différences et divergences au détriment du front commun sur la question des salaires, sur quoi chacun s'accorde facilement.

Prochaine mobilisation enseignante, le 8 février.


Bon dimanche.

2 Comments:

  • En temps que prof et syndicaliste également, je tiens à préciser également que le salaire des profs ne se décide pas au niveau du seul ministère de l'éducation nationale mais avec le ministère de la fonction publique.

    On augmente pas les profs mais les fonctionnaires.

    Après, il est vrai que les profs sont des fonctionnaires qui bénéficient de peu voire de pas de primes et que sur ce sujet les négociations sont internes à l'Education Nationale.

    En revanche, je suis tout à fait d'accord sur l'analyse que tu fais à propos des réticences des salles des profs à manifester pour des raisons salariales.

    Sylvain

    By Anonymous Anonyme, at 9:21 PM  

  • Bonjour Sylvain.

    Certes, ce n'est pas l'Education Nationale qui augmente les profs mais la Fonction Publique. Mais tous les fonctionnaires n'ont pas subi une telle érosion de leurs rémunérations. Il faut donc aller chercher dans les ministères de tutelle les responsabilités.

    A l'intérieur même du corps enseignant, il y a des disparités. Ainsi, les instituteurs ont vu leur pouvoir d'achat diminuer de "seulement" 9%, parce qu'ils ont bénéficié d'une revalorisation en 1989, par la création du corps de professeur des écoles, voulue par le Ministre de l'Education Nationale de l'époque, un certain... Lionel Jospin.

    Pour me résumer et reprendre ta formule tout en la complétant, on n'augmente pas les profs mais les fonctionnaires; cependant l'organisation spécifique des carrières fait que la baisse des rémunérations n'est pas homogène dans toute la Fonction Publique.

    A bientôt Sylvain.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 11:52 PM  

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