L'Aisne avec DSK

21 mai 2007

Défiscaliser.

Bonjour à toutes et à tous.

La première mesure du gouvernement Sarkozy a été annoncée ce week-end par le ministre du travail: la défiscalisation des heures de travail des étudiants. A première vue, rien d'extraordinaire ni de très méchant. Au contraire, dispenser d'impôt les étudiants obligés de travailler pour payer leurs études ou tout simplement vivre, n'est-ce pas une mesure "sociale" comme le ministre Xavier Bertrand les aime, lui qui se définit comme appartenant à la "droite sociale"?

Voyons cela d'un peu plus près. D'abord, pour être étudiant et payer des impôts, il faut recevoir un salaire correct. Je rappelle que la moitié des foyers fiscaux ne sont pas imposables, faute de revenus suffisants. En général, un étudiant travaille quelques heures mais pas assez, ni avec un salaire assez élevé, pour payer des impôts. Bref, l'étudiant de milieu modeste qui travaille le week-end dans une grande surface pour faire face aux dépenses courantes, celui-là ne va pas bénéficier de la défiscalisation. En revanche, l'étudiant qui, par ses relations familiales et sociales, a trouvé un bon job, bien rémunéré , avec emploi du temps adapté à ses études, celui-là est un privilégié qui va recevoir un privilège supplémentaire, l'exonération fiscale.

S'il a urgence sociale en matière de travail étudiant, c'est dans une autre direction que la défiscalisation qu'il faut se tourner. Il n'est pas normal, il est difficile de mener de front des études et d'être obligé de travailler pour les financer. Je ne parle pas ici du petit boulot qu'on effectue pour l'argent de poche ou les vacances, je parle de l'argent nécessaire pour vivre. Etudier, c'est travailler. Ce choix ne devrait pas entrainer une obligation, le double travail pour ceux qui ne peuvent pas compter sur le soutien de parents aisés. Augmentation du montant et du nombre des bourses, création d'un "salaire" étudiant, voilà des pistes de réflexion vraiment sociales, pas la défiscalisation.

La vraie question sociale à propos du travail des étudiants est fondamentalement ailleurs. C'est de savoir si des emplois seront disponibles après plusieurs années d'études difficiles, et des emplois conformes au niveau atteint et aux diplômes obtenus. Or, beaucoup d'étudiants ont du mal à trouver un emploi, et quand ils en trouvent un, il n'est pas toujours en rapport avec leur formation. Voilà le vrai problème, et pas la fausse solution de la défiscalisation.

Ce que la droite veut nous faire oublier, c'est que l'imposition fiscale est un signe de bonne santé sociale. Pendant des années, lorsque justement j'étudiais à la Sorbonne, je travaillais dans le gardiennage de nuit. J'étais smicard et je ne payais pas d'impôt. Aujourd'hui, devenu enseignant, je paie pas mal d'impôt et j'en suis très heureux. Non par masochisme mais parce que c'est la preuve que socialement je vis mieux.

Il n'est pas anodin que la première mesure du gouvernement soit cette défiscalisation faussement généreuse. En vérité, elle nous donne la logique du sarkozysme et son mot d'ordre: défiscaliser, non seulement le travail étudiant mais aussi les heures supplémentaires des salariés, les droits de succession des héritiers, réduire également de quatre points les prélèvements obligatoires et protéger les plus riches des hausses d'impôts grâce au "bouclier fiscal". Défiscaliser, et ainsi les services publics auront moins de recettes pour fonctionner et se moderniser.

Bonne fin d'après-midi.