L'Aisne avec DSK

19 mai 2007

Protéger.

Le slogan du PS pour les législatives est: "La gauche agit, la gauche protège". La question de la protection sociale doit être, me semble t-il, au coeur de notre réflexion sur la rénovation de la gauche. Je sais bien que Philippe Val, comme je l'ai évoqué ici il y a peu, conteste que ce thème soit devenu majeur et propre à la gauche. Sarkozy lui aussi prône, par exemple, une "sécurité professionnelle du travail". Droite et extrême droite utilisent la nation comme d'une protection et envisagent un protectionnisme économique au niveau européen.

Il n'empêche que la protection sociale ne s'inscrit pas nécessairement dans une perspective nationaliste ou étatiste. Que deviendra la gauche si elle ne propose pas de nouvelles manières de protéger les salariés, ouvriers et employés? J'entends bien aussi qu'il faille être offensif et favoriser la création d'emplois avant la protection purement défensive des emplois. Mais quand le chômage de masse menace, que la régression sociale fait peur, que l'exclusion est redoutée, que l'insécurité s'empare des esprits, que faire d'autre, d'abord, que de proposer des mécanismes de protection?

Le débat sur la protection sociale doit commencer par une clarification sur "l'assistanat". Droite et maintenant gauche condamnent celui-ci, au nom de la "valeur travail" pour les uns et de la dignité pour les autres. Je veux bien mais il faut qu'on m'explique: l'assistanat n'est ni plus ni moins que les minima sociaux, rmi et autres aides sociales. Si on veut les supprimer, qu'on le dise! Je n'entends personne faire cette proposition... Pour ma part, tant que la croissance et l'emploi ne redémarrent pas, je suis favorable à "l'assistanat" et je me refuse de jouer avec les mots.

Autre clarification nécessaire: les "acquis sociaux", que la droite fait passer pour des "privilèges" qu'elle veut bien entendu supprimer. Exemple classique, dans la ligne de mire du nouveau gouvernement: les régimes spéciaux de retraites. Un acquis social est une protection qu'une catégorie professionnelle socialement non favorisée a obtenu de haute lutte, à un moment donné de son histoire. Ainsi les cheminots avec leur régime de retraite. Un privilège est une supériorité sociale qu'on obtient par la naissance, la fortune ou une position élevée dans la société. Ainsi l'aristocratie sous l'ancien régime avec ses titres et les droits qui en découlaient. La droite confond sciemment acquis sociaux et privilèges, la gauche doit les distinguer.

Cette remarque préalable ne justifie pas que les acquis restent gravés dans le marbre. La société change, les professions évoluent, de nouveaux besoins et de nouvelles difficultés apparaissent. C'est pourquoi une réforme des régimes spéciaux ne me choque pas, à la condition qu'elle aille dans le sens du progrès social. Tout est là. La règle du "donnant-donnant" me semble sur ce point fondamentale et devrait être, d'une façon ou d'une autre, systématisée. Un acquis social ne pourrait être supprimé qu'à la condition d'y gagner quelque chose, autre chose. Renoncement ici pour obtenir un gain là. Voilà comment je comprends le donnant-donnant. Un échange de bons procédés, si vous voulez. Ou pour le dire à la manière de DSK, un "compromis social".

Face à un avenir qui parait incertain pour beaucoup, il faudrait que la protection passe d'abord par la reconnaissance des acquis sociaux et l'engagement de n'y toucher que sous deux conditions: l'accord des syndicats, le gain des salariés. Alors les salariés pourront adhérer sans crainte aux réformes nécessaires. Vous allez peut-être me rétorquer que la proposition est utopique, que rien ne changera avec un tel système. Et avec le système actuel, qu'est-ce qui change? Rien non plus. Les retraites, l'éducation nationale, la fiscalité locale, la flexibilité du travail, pour ne citer que celles là, sont toujours en attente de réformes conséquentes.

Bonne soirée.

2 Comments:

  • Sur l'expression "acquis social", beaucoup utilisée pendant les années-Miterrand : on s'est depuis rendu compte que rien n'est "acquis", puisque tout peut être remis en question à coup de réformes-couperets.
    Un ami m'a fait réaliser qu'en considérant les avancées sociales comme "acquises", elles ne sont plus valorisées. Alors, au lieu de dire "acquis sociaux", il dit "conquis sociaux" ; car ces avancées doivent être défendues sans relâche... si on veut les garder.
    Thierry D

    By Anonymous Anonyme, at 9:44 AM  

  • Voilà, Thierry, une remarque judicieuse, tant il est vrai que les mots justes sont importants en politique. Je retiens la proposition de ton ami: "conquis sociaux" (quoique, à l'oreille, on peut l'entendre "conflits sociaux"!) ou "conquêtes sociales". Car ce qui est acquis est acquis, et par définition, on ne reviens pas dessus, alors qu'une conquête peut être reprise. Et en ce dimanche matin où la fantaisie est permise, je reprendrai la formule bien connue en guise de défense des "conquis sociaux": donner c'est donner, reprendre c'est voler. Un beau slogan pour 2012?

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 10:32 AM  

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