L'Aisne avec DSK

01 septembre 2007

Aimer le pouvoir.

Bonjour à toutes et à tous.

En cette rentrée des socialistes à La Rochelle, alors que les appels à la rénovation fusent de toute part, et à la suite de mon dernier message d'hier soir, je veux rappeler que cette rénovation ne pourra être que fondamentale, c'est-à-dire ne pas concerner seulement les structures et le projet, mais aussi la culture, les mentalités, pratiques et comportements du PS. Et là, croyez-moi, ce ne sera pas facile! Mais il faut absolument s'engager dans cette voie.

Commençons par notre rapport au pouvoir. Il y a chez beaucoup de socialistes un complexe à l'égard du pouvoir, considéré comme fondamentalement mauvais, comme si tout pouvoir était de droite, même occupé par la gauche. Il y a encore des camarades qui grimacent lorsque je leur dis que le PS est "un parti de gouvernement" et que c'est très bien ainsi (ou alors, libres à eux de rejoindre la LCR ou la Fédération anarchiste, ce que bien sûr il ne feront jamais). Ce préjugé négatif envers le pouvoir est ancien, profondément ancré dans notre culture puisqu'on le trouve théorisé chez Léon Blum, qui distingue l'exercice du pouvoir de sa possession. Pour résumer, un socialiste est au pouvoir mais n'a pas vraiment le pouvoir. Il le pratique faute de mieux mais ne le détient pas vraiment. A partir de là s'est installée l'idée, désastreuse, que les socialistes ne seraient pas des "hommes de pouvoir" et que, conséquemment, la droite en serait le dépositaire naturel, le légataire universel.

Ce complexe se double d'un mensonge et d'une hypocrisie. Combien de fois n'ai-je pas entendu des élus socialistes, détenteurs de mandats importants, me dire avec une moue de dégoût qu'ils "n'aimaient pas le pouvoir". Pour un peu, ils se plaindraient de détenir un peu de pouvoir! Pourtant, quand je les entends et les vois discourir, s'adresser aux militants, s'installer dans leur voiture de fonction, pas de doute, le pouvoir, ils aiment ça! Et j'ajoute: ils ont bien raison. Un homme au pouvoir qui n'aimerait pas le pouvoir, ce serait absurde et inquiétant. Pour ma part, moi qui n'ai pas le pouvoir, je l'aime. Pourquoi? Parce que le pouvoir, c'est le pouvoir de faire, d'agir. J'aurai beau avoir les meilleures idées du monde, tant que je n'aurai pas la moindre parcelle de pouvoir pour les appliquer, elles ne servent strictement à rien, ou alors seulement à me faire plaisir (ce qui est pire qu'aimer le pouvoir, faire de la politique pour s'aimer soi!).

Autre objet d'irritation de ma part, autre comportement qu'il faudrait changer: généralement, quand un socialiste est candidat à un quelconque pouvoir, local ou national, il ne le dit jamais ouvertement mais use d'une coquetterie verbale qui ne trompe personne: "je ne suis pas candidat mais je suis disponible, je ne m'interdis rien". Quand j'entends ça, je rigole doucement: toi mon gaillard, tu crèves d'envie d'être candidat!
Pourtant, il serait tellement plus simple, plus sain et plus démocratique de dévoiler ses intentions, d'exposer ses raisons, pour que le débat collectif s'engage et que les adhérents fassent leur choix en toute connaissance de cause. J'ai pour principe d'appliquer à moi-même les idées que je professe. Pour les élections municipales, j'ai dit que je serai candidat. Mieux vaut cela que se taire, laisser courir les rumeurs ou pire, et je l'ai souvent vu au PS, se déclarer candidat à la dernière minute, à la grande surprise de tous.

Ce mot de pouvoir, je sais bien qu'il n'est pas très joli, qu'il est de mauvaise réputation. Je préfèrerai qu'on le remplace par un terme plus clair, plus juste, plus précis: celui de responsabilité. Aimer la politique, faire de la politique, c'est se sentir responsable, c'est rechercher et assumer des responsabilités. Dis comme ça, je crois que l'idée passe mieux. Après tout, on peut avoir du pouvoir et ne rien en faire. Je parlais avant hier de la "gauche paresseuse", mais il y a toute une tradition française de "rois fainéants", les derniers mérovingiens. Beaucoup d'élus, de droite ou de gauche, vivent leur mandat comme une activité de représentation ou d'inauguration, pas comme une action, un pouvoir au sens effectif du terme. Ils ne font pas, ils font semblant de faire, ils appliquent ce que les techniciens ou l'administration ont déjà décidé. Autant vous dire que ce n'est pas ma conception du pouvoir car elle n'est pas démocratique.

Faire ou feindre, voilà l'alternative quand on occupe le pouvoir, et je choisis totalement la première solution. Je terminerai en parodiant une formule: le pouvoir, quand on le détient, il faut l'aimer ou le quitter, le laisser à d'autres.


Bonne matinée.

5 Comments:

  • Peut'on faire de la politique sans s'aimer soi et sans aimer les autres ? Je ne suis pas candidat à quoi que ce soit, mais je suis très intéressé à être député européen pour pousser le projet Schuman-Kanfen ;-)
    Hier sois j'étais salle de l'Oratoire, et c'était vachement bien. Un des discours qui m'a le plus touché est venu d'une personnalité que l'on néglige au PS, Catherine Trautmann. A coté d'elle Ségolène Royal est une sole meunière. Du coeur, de l'intelligence, une parole qui touche, et profondément humaine. Si elle avait été candidate, elle serait actuellement présidente. Quel gâchis au PS. Rocard aussi a été longuement applaudis. Baumel a fait une très belle présentation. DSK était parmi nous par l'esprit. J'ai fais la rencontre in the real live de Frédéric Laval, j'ai serré la pince à Moscovici et Cambadélis a fait l'ouverture. On a distribué le « Manifeste pour un socialisme nouveau », et ça a été un grand moment. A l'Encan, on trouve un peu de tout, des ségolâtres attardés qui parait-il applaudissent dès que Ségo ouvre la bouche, une sorte de claque automatique, Pavlov en quelque sorte, rien dans la tête tout en réflexe conditionné. Par contre SD, la crème de la crème, la parole, la pensée, le respect de l'autre, c'est là que je me sens bien. Autrement on tourne définitivement la page concernant Karl, sa critique n'est plus d'actualité, c'était un pétard mouillé.

    By Blogger jpbb, at 10:02 AM  

  • je comprends la géne à utiliser le mot "pouvoir" dans un environnement socialiste. en effet , le mot "pouvoir" fait un lien avec notre mémoire quelque part dans notre cerveau reptilien ( une partie méconnue de notre matière grise). ce mot est souvent rapproché de tyrannie et déspotisme qui à l'origine n'avaient aucune connotation péjorative. ce mot a subi le darwinisme sémantique. eh bien , personnellement j'aime bien le mot pouvoir car je l'utilise dans sa forme originelle. la crainte vient surtout de la détention du pouvoir entre les mains d'un seul individu. là encore, la PEUR, mal du siécle ou des siécles. et cette peur est totalement crétine car il n'y a rien de plus fragile que le potentat. d'autre part, avoir le pouvoir est un véritable acte d'amour: donner et recevoir pour protéger la fragilité de cet objet rare. car user et abuser de quelque chose en détruit la substance... VAL

    By Anonymous Anonyme, at 10:56 AM  

  • - Merci à jpb pour ce résumé qui me fait regretter de n'avoir pas pu être présent à la réunion strauss-kahnienne. Mais je continue à réfléchir dans mon petit coin...

    - A VAL, je soumets cette pensée de Valéry ou d'Alain, je ne sais plus: "un chef, c'est quelqu'un qui a besoin des autres". Ce qui me fait songer aussi que ma volonté de réussite politique est peut-être compromise parce que j'aime beaucoup la solitude et je ne sens pas en moi un besoin inné des autres (je remarque souvent à quel point les hommes politiques ont besoin d'être entourés et aimés, une faiblesse à mes yeux).

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 12:09 PM  

  • une réflexion : connais toi toi même, c'est de la daube. " aime toi , toi même". peut être y a t-il eu pb de traduction? moi j'aime , c'est usant mais tellement bon!!! . VAL

    By Anonymous Anonyme, at 1:36 PM  

  • Qu'est-ce qu'il peut y avoir de usant à s'aimer? Personnellement, je m'aime sans faire trop d'effort. Se connaitre, c'est beaucoup plus difficile, depuis Socrate jusqu'à Freud. Jésus, qui était plus malin qu'on ne croit, a peut-être trouvé une astuce: "Aime ton prochain comme toi même" ( holà, la rentrée, c'est la semaine prochaine, je ne vais pas commencer à débiter mes cours maintenant!).

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 2:32 PM  

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