La France à droite?

Bonsoir à toutes et à tous.

Je relis le compte rendu des ateliers de La Rochelle (plus d'une centaine de pages) et j'y découvre des réflexions fort intéressantes. L'atelier n°15 portait sur la droitisation de la société française. Le journaliste politique Eric Dupin pense que notre société (et avec elle le PS!) s'est droitisée ces dernières années. Les arguments sont bien connus (montée de l'individualisme, etc), je n'y reviens pas. Gérard Filoche, inspecteur du travail et membre de l'aile gauche du PS (mais pas fabiusien, montebourgeois ou peillonniste), tient des propos divergents et intéressants. Il récuse sociologiquement la thèse de la droitisation, en partant du salariat et de ses évolutions:

1- En 1968, il y avait 2/3 de la population active qui était salarié, en 1981 80%, aujourd'hui 92%. Les artisans et commerçants se sont réduits, les paysans se sont marginalisées.

2- En 40 ans, l'éventail des salaires (un salarié est quelqu'un qui perçoit d'un autre, son patron, un salaire) s'est considérablement resserré. En 1968, un cadre moyen gagnait 6 fois plus qu'un ouvrier, aujourd'hui 2,3 fois plus.

3- Le CDI, contrat à durée indéterminé, est devenu la norme pour une grande majorité des salariés.

Filoche en conclut que le salariat n'a jamais été aussi puissant dans la société française que de nos jours. Or, cette catégorie est censée être porteuse de valeurs et d'aspirations progressistes, de constituer le socle électoral naturel de la gauche. Je me souviens de Mitterrand, au soir du 10 mai 1981, expliquant sa victoire par le fait que la "majorité politique" avait rejoint la "majorité sociologique". Alors, pourquoi est-ce la droite, et une droite très à droite, qui emporte l'adhésion des français, et pas la gauche?

L'analyse de Filoche donne raison à Marx, qui prévoyait une extension considérable du salariat et une homogénéisation de ses conditions d'existence, les autre classes sociales rejoignant le salariat, se diluant en lui. De ce point de vue, Marx est l'anticipateur génial de la société contemporaine.
Mais son analyse se heurte aussi à une limite. Pour Marx, le salariat, c'est le prolétariat et sa grandissante paupérisation. Et là, nous sommes aujourd'hui très loin des prévisions de Marx. Et c'est ce que Gérard Filoche ne précise pas.

Pour ma part, je crois que le concept de "droitisation" de la société française n'est pas faux en apparence, quand on reste à la surface des choses, mais il n'aide absolument pas à comprendre les mouvements de fond de cette société. Nos concitoyens ne sont pas plus "à droite", mais ils sont plus "modernes". Reste maintenir à définir ce dernier terme. J'essaie quant à moi, sur ce blog, d'analyser à ma façon les nouveaux comportements de cette société "moderne". Pour refonder le socialisme, il est sans doute plus important de faire de la sociologie que de la politique.


Bonne nuit.