Le spectateur engagé.

Bonsoir à toutes et à tous.

Depuis une dizaine d'années, j'ai observé de nombreuses "salles" socialistes, lors de réunions politiques. A chaque fois, c'est une petite expérience de sociologie pratique. La "salle" d'hier, à Matisse, n'était pas socialiste. C'était physiquement perceptible, quelques secondes après être entré. Politiquement, le PCF et l'extrême gauche dominaient, largement. Sociologiquement, on retrouvait la base sociale, vieillissante, du PCF, et la fraction radicale de la fonction publique, notamment parmi les enseignants. Chez les socialistes, c'était le retour de la génération qui s'était alliée à Le Meur dans les années 80 et 90.

La liste proposée (dont je me suis abstenu de parler avant qu'elle ne soit rendue publique) est le reflet de cette réalité politique et sociale:

- La génération socialiste qu'Odette Grzegzulka avait suscitée autour d'elle à partir de 1997 a disparu. On saute une génération, mais par un saut en arrière d'une quinzaine d'années.

- Les enseignants sont très présents, alors qu'il aurait fallu s'ouvrir aussi à d'autres couches sociales progressistes, les classes moyennes et les classes populaires. Je suis enseignant, je le dis donc d'autant plus librement. Etre social-démocrate, c'est rechercher l'alliance et la représentation des classes populaires, ouvriers et employés (contrairement à l'image droitière, caricaturale et fausse, que l'on colle souvent à la social-démocratie).

- Le plus terrible, et c'est mon désaccord fondamental, c'est que les socialistes sont minoritaires sur une liste qui sera pourtant très majoritairement choisie par des électeurs socialistes. Mathématiquement, si nous faisons un pronostic raisonnable, nous aurons 3 élus, alors que nous en avions eu 4 en 2001. Ce qui est terrible, c'est que même en cas de bon score, jamais à exclure totalement, nous perdrions, puiqu'il y aura plus de non socialistes que de socialistes.

Mon impression et ma tristesse, c'est que nous régressons, comme si la campagne de Ségolène Royal n'avait pas existé. Celle-ci, à sa façon, nous a conduit sur la voie de la modernisation. Sa popularité vient de là. L'élan qu'a donné Ségolène Royal à notre Parti, sa contestation des pratiques d'appareil, sa rénovation de notre doctrine, son rapprochement avec le MoDem, tout cela semble ne pas avoir touché Saint-Quentin. Il le faudra pourtant bien un jour. Si ce n'est pour les municipales, ce sera pour notre prochain congrès.

En attendant, et puisque cette liste est hélas devenue depuis hier soir la liste officielle du Parti socialiste, je m'abstiendrai d'en parler, sinon de façon factuelle et neutre, mais je ne ferai plus aucun commentaire sur une entreprise dont j'avais espéré qu'elle serait invalidée par la fédération de l'Aisne, qui pourtant n'a rien de "gauchiste". Je respecterai les règles de mon Parti, comme je l'ai toujours fait, contrairement à ceux qui aujourd'hui conduisent ou inspirent cette liste. Au soir du premier tour, nous tirerons les leçons de ce "mini-laboratoire" qu'est devenue pour la gauche notre ville. Dans ces quatre semaines qui nous séparent du premier tour, je tiendrai une chronique journalière des élections municipales, à la façon d'un spectateur, puisque je n'ai pas pu être l'acteur des événements. Mais un spectateur qui réfléchit, qui propose et qui prépare l'avenir. Raymond Aron a donné à l'un de ses ouvrages un titre que je pourrais ce soir reprendre à mon compte: "Le spectateur engagé."


Bonne soirée.