Le maillon faible.

Après la description des forces et l'énumération des handicaps, je veux vous exposer les atouts de la social-démocratie à Saint-Quentin. Car elle en a plusieurs, qu'il lui faut absolument exploiter, et vite. Sinon, elle sera lentement marginalisée. La nature a horreur du vide, et c'est vrai aussi en politique. Si nous ne faisons rien, ce sont d'autres qui feront à notre place. C'est la grande leçon des municipales. Nous avons payé une fois. Pas deux!

En politique, les atouts des uns procèdent souvent des handicaps des autres. Le candidat poperéniste ne s'est pas imposé par sa force (il était minoritaire) mais par notre faiblesse (espérer un retrait du candidat ou une invalidation de la fédération qui ne se sont jamais produits). Les circonstances nous ont desservis aujourd'hui, elles peuvent nous servir demain. Les circonstances sont ainsi: très capricieuses et inattendues. Quelle circonstance pourrait nous servir? La chute d'Anne Ferreira. Je ne la souhaite pas et je n'ai pas à la souhaiter. J'en reste froidement à des hypothèses, et éventuellement à des probabilités. Je m'explique:

Les poperénistes ne tiennent que parce que la députée européenne les tient. Elle partie, tout se désagrégera rapidement. Ce n'est pas propre à Saint-Quentin. C'est vrai n'importe où et pour n'importe quel courant. La politique est un jeu de dominos: quand l'un tombe, les autres s'effondrent. Plus de permanence comme plaque tournante, plus d'assistant pour accueillir les partisans, plus d'argent, moins de liens avec les instances nationales: le pouvoir fuira comme le sable entre les doigts. Les conseillers municipaux n'auront plus de soutien. Livrés à eux-mêmes, ils ne tiendront pas très longtemps. De 1995 à 2001, Jean-Pierre Lançon était dans la situation où mon hypothèse le placerait à nouveau. Sauf qu'à l'époque il était hors PS. La même situation se produira, certes moins flagrante, mais conduisant au même isolement. Sans élu national pour le soutenir et face à une section social-démocrate qui lui sera hostile, que pourra-t-il? Peu de choses, de l'agitation, de la gesticulation, ou bien se diluer dans l'extrême gauche. Tout finira alors comme tout avait commencé. A l'extrême gauche. Non sans une certaine moralité: on périt toujours par où on a péché.

Qu'est-ce qui me fait dire que ce scénario, porteur pour la social-démocratie, est possible? Les élections européennes sont un scrutin de liste, où les candidatures résultent de savantes combinaisons et d'âpres négociations. Les fabiusiens sont beaucoup moins influents qu'il y a quelques années. Leur contingent de candidats sera à coup sûr réduit. Ce ne sont pas les personnalités qui en feront les frais, mais les députés sans notoriété nationale. C'est pourquoi Anne Ferreira peut passer sous le couperet. Quand à sa vice-présidence au Conseil régional, faudrait-il encore gagner ces élections en Picardie, ce qui n'est pas donné. Xavier Bertrand est tout sauf idiot. Il a compris que le point faible de la gauche picarde, ce n'est pas le département de l'Aisne mais la Région. Il attend au coin du bois.

Bien sûr, la social-démocratie saint-quentinoise ne peut pas confier son avenir à la rupture d'un maillon faible, d'autant que celle-ci est incertaine. Mais l'hypothèse devait être évoquée, ce que j'ai fait. L'essentiel pour nous est ailleurs, dans nos atouts internes, nos forces propres. Ce que j'ai voulu vous faire partager, c'est qu'un pouvoir obtenu dans des circonstances positives peut disparaitre dans des circonstances négatives. On ne triomphe durablement que sur du solide, pas sur le sable d'un heureux hasard.


Bonne fin d'après-midi.