L'Aisne avec DSK

17 juillet 2008

Les risques du métier.

Bonjour à toutes et à tous.

J'apprends, en lisant L'Union, édition de Château-Thierry, que mon camarade Dominique Jourdain a été assigné devant les tribunaux par mon ex-camarade Jacques Krabal, pour "injures" sur son site internet. Les injures ne viennent pas de Dominique, qui tout comme moi est un socialiste poli. Non, elles proviennent de commentaires anonymes. Ca ne vous rappelle rien?

Toujours est-il que le rédacteur d'un site ou d'un blog est responsable des propos qui y sont tenus, même s'ils ne proviennent pas de lui, car il est directeur de la publication et il ne dépend que de lui de supprimer les messages litigieux. Résultat des courses: Dominique est condamné à verser 2000 euros à Jacques, plus 1000 euros de dommages et intérêts. Ce n'est pas une paille! De quoi calmer les ardeurs éditoriales...

Quels étaient les objets du délit? Deux termes jugés "méprisants" et "injurieux" par le tribunal: Krabal avait été traité de "citoyen abject" et de "fou du canton". Pas très gentil, en effet. Mais n'est-ce pas ça aussi la politique, se faire injurier en souriant? Trêve de plaisanterie, il y a de quoi être inquiet. Je ne voudrais pas donner de mauvais idées à mes lecteurs mal intentionnés à mon égard, qu'ils soient de droite ou de gauche, mais je crois qu'en cherchant bien ils trouveraient dans les commentaires de ce blog de quoi m'embêter devant la Justice, avec des termes pas très éloignés de ceux infligés à Krabal.

Ce qui m'inquiéte, c'est le recours devenu fréquent à la Justice pour régler nos différends, y compris et surtout en politique. L'appel à la procédure, le repli sur les règles et statuts à la moindre broutille, c'est la négation même de la politique. Pourquoi? Parce que la politique, c'est le conflit, c'est le combat. On peut ne pas aimer: alors n'en faites pas! La politique en démocratie, c'est l'opposition parfois violente des convictions. Quelquefois, quand je m'exprime en public, certains me reprochent mon "ton", qu'ils jugent agressif. Je les emmerde, je parle comme je veux! La démocratie, c'est la liberté, y compris de "ton".

Vous me direz peut-être que ça ne justifie pas les injures. Vous avez raison, il vaut mieux être poli qu'impoli. Mais au-dessus de la politesse, il y a la liberté, qui est sacrée, alors que la politesse est simplement utile et recommandable. Et puis, un homme politique est un personnage public, qui a choisi de s'exposer, de se montrer, avec une part de narcissisme nécessaire au métier. Il doit en assumer aussi les inconvénients, dont l'insulte publique fait partie. Je n'en dirais pas de même, bien évidemment, pour la diffamation et la calomnie, qui sont des outrages à la vérité. Liberté et vérité, c'est sacré, il ne faut pas y toucher. Mais nos petites personnes, la mienne autant que celle du président de la République, n'ont rien de sacré.

Sur ce blog, j'ai été quelquefois injurié, traité de "fou" ou de "con". Je ne m'en offusque pas, ça fait partie du jeu, ce sont les petits risques du métier. J'ai choisi moi aussi de me montrer, de m'adresser aux journalistes, d'avoir des activités publiques. On voit ma binette régulièrement dans la presse, depuis des années. Il est normal, il est démocratiquement sain que cette exposition publique soit contrebalancée par l'entière liberté des citoyens de me traiter comme ils l'entendent, éventuellement par l'injure ou des mots désagréables à mes chastes oreilles.

Ce n'est pas un appel que je vous lance, et ne vous croyez pas obligé de m'injurier. Mais sachez qu'aucune censure ne s'abattra sur vos commentaires, quel que soit le jugement que vous portiez sur moi. Je ne me vois vraiment pas aller en Justice parce que vous m'auriez traité de "citoyen abject" ou de "fou du canton". Maintenant, si vous soutenez que vous m'avez vu voler à Auchan, que j'ai abusé de l'une de mes élèves ou que je me promène chez moi en uniforme nazi, je ne vous dis pas que je ne lancerai pas une procédure judiciaire...

Etre libéral, au beau sens du mot, au sens fort de ce terme, c'est laisser à l'autre la liberté entière de s'exprimer, ce qui ne signifie pas l'autorisation de dire n'importe quoi. Savez-vous à quelle période de notre histoire la République a-t-elle été la plus puissante, la vie parlementaire la plus riche? Sous la IIIème République. L'injure était fréquente, et d'une violence inimaginable aujourd'hui. C'était pourtant la belle et grande époque du parlementarisme. Qui oserait en 2008 qualifier son adversaire politique de "vipère lubrique"? C'était courant en ce temps-là, personne ne s'en formalisait. Les discours étaient hauts en couleurs, denses en contenu, les orateurs s'exprimaient souvent sans note, avec lyrisme. Je ne dis pas que je veux revenir à cette époque-là, mais je regrette un peu qu'elle ait disparu. L'humour était cruel, la critique excessive, les oppositions très tranchées, mais c'était tellement plus vivant qu'aujourd'hui!


Bonne matinée,
et merde à tous ceux que je n'aime pas!

5 Comments:

  • Il y a meme une certaine injustice dans le droit français,
    quand bien meme pourrions nous prouver que les faits dénoncés seraient avérés.
    Nous pourrions quand meme etre condamné.
    Dans ces affaires là, la loi peut condamner celui qui dit la vérité.

    C'est quelque part terriblement révélateur de la façon dont la société française fonctionne.
    Ce n'est pas ce qui est fait ou qui n'est pas fait qui pose probleme, mais le fait qu'on ose en parler voir meme le dénoncer.

    D'ailleurs n'est ce pas en partie pour cela qu'on vous a fait des reproches sur le contenu de votre blog.

    By Blogger grandourscharmant, at 11:56 AM  

  • On peut très bien à partir de son propre blog faire une campagne de dénigrement d'autrui systématique, en postant sous couvert anonyme n'importe quelles insulte et calomnie. Étant donné que la responsabilité du blog appartient à son propriétaire, c'est donc à lui de ne pas être complice de propos anonymes diffamatoires. C'est très facile de supprimer un message vil qui ne respecte pas autrui. Il n'y a pas de liberté quand la parole vise à détruire autrui. La liberté, c'est d'abord le respect du cadre dans laquelle elle s'exprime, et donc une obligation de mesure des discours tenus. Tous le monde n'est pas obligé d'accepter de se faire dénigrer par de quelconques anonymes médiocres et lâches.

    La liberté, ce n'est pas laisser faire n'importe quoi par de louches personnalités perverses, c'est d'abord poser des limites afin que tous puissent en bénéficier.

    Les députés, dans leurs discours sont eux parfaitement identifiés.

    On pourrait relier l'existentialisme à ce propos, qui oublie qu’entre l'être et le néant, il y a le cadre qui fatalement les contient tous les deux.

    By Blogger jpbb, at 12:57 PM  

  • J'ai tendance à penser que la liberté ne se divise pas. Mon point de vue est plutôt radicale: liberté d'expression totale ou pas de liberté. Comment juger si un commentaire est "acceptable" ou pas? Bien difficile... C'est aux lecteurs de juger, pas à celui qui publie le message. Je n'ai jamais rien censuré sur ce blog parce que je laisse les lecteurs juges.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 6:08 PM  

  • Pour mon blog, c'est très simple, je supprime tous les commentaires qui ne me plaisent pas. C'est mon droit, et j'y tiens.

    J'aime autant te dire que les anonymes vaseux n'y font pas long feu.

    Non mais, se faire emmerder, et puis quoi encore ?

    By Blogger jpbb, at 8:08 PM  

  • Pour ma part, j'ai plaisir à voir les anonymes vaseux s'enfoncer d'eux-mêmes dans leur propre vase.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 8:23 PM  

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