L'histoire d'une victoire.
Bonsoir à toutes et à tous.
Martine Aubry n'a pas gagné. Je ne le dis pas ce soir par provocation. En politique, ce ne sont pas les personnes qui gagnent, mais les lignes politiques. Ce qu'on appelle la victoire d'Aubry est la victoire d'une orientation politique, dont rien ne laissait prévoir qu'elle finirait par l'emporter. Petit retour en arrière, il y a un an et demi:
Présidentielles 2007, Ségolène a perdu alors qu'elle avait été annoncée longtemps gagnante, la seule en capacité de battre Sarkozy. Voilà pourquoi DSK et Fabius n'ont pas été choisis. Et pourtant, le dit Sarkozy l'emporte, massivement, fait des ravages dans les milieux populaires. Comble de la défaite pour la gauche: le centre droit Bayrou réalise un très joli score sur des idées pas très éloignées de celles de Ségolène, ce qui a pour conséquence de nous piquer des voix. A la gauche de la gauche, Besancenot ne s'en tire pas mal du tout.
Réaction immédiate: des adversaires d'hier, strauss-kahniens et fabiusiens (la jeune génération et les intellos), décident de se rapprocher, avec quelques idées en tête:
- L'ampleur de la défaite est grande, il ne faut surtout pas se le cacher.
- La première cause est dans l'absence de projet du PS, qui depuis 10 ans ne travaille plus collectivement.
- La deuxième cause, c'est la droitisation de notre campagne présidentielle: sur certaines questions de société, nous avons rejoint des positions de droite (retour de l'autorité, suppression de la carte scolaire, usage du drapeau national, personnalisation de la politique, etc). Du coup, les électeurs n'ont plus très bien vu notre différence.
Après les réactions, les pistes de solutions:
- Dépasser les anciens clivages (d'où le rapprochement a priori baroque entre strauss-kahniens et fabiusiens).
- Privilégier le travail collectif, refuser toute forme de présidentialisation (ça tombe bien: le champion des strauss-kahniens est à Washington, le champion des fabiusiens se cantonne à un rôle de "sage actif").
- Se donner quelques années pour se doter d'un projet à la fois moderne (ce que voulait à coup sûr Ségolène) mais ancré à gauche (pour les strauss-kahniens, c'est une social-démocratie rénovée).
Ce mouvement se donne un nom: les Reconstructeurs. Certains camarades s'en moquent gentiment: pour eux, c'est l'alliance des carpes et des lapins, promise à aucun avenir. Des réunions ont lieu à Paris, je participe à quelques-unes d'entre elles, moi aussi parfois sceptique, mais discipliné et fidèle aux décisions collectives du courant strauss-kahnien. Le congrès approche, et deux poids lourds de la politique s'avancent: Delanoë et Royal, l'un et l'autre bien décidés à prendre la direction du Parti. Au milieu, les Reconstructeurs pèsent peu. Qu'importe, ce sont les idées qui comptent et qui sont influentes, pas les femmes ou les hommes!
Alors, une décision est prise: choisir Martine Aubry comme fédérateur de toutes les sensibilités qui confluent dans le mouvement des Reconstructeurs (Montebourg, Vidalies et, un temps, la Ligne Claire de Collomb). Ca ne va pas sans mal: Moscovici nous quitte, sur un malentendu et une indélicatesse (à La Rochelle). Mais on y arrive: Martine sera notre candidate! C'est très risqué: Ségolène conserve et cultive sa popularité, Delanoë est en pointe dans les sondages, Aubry traîne le poids des 35 heures. Mais elle y va quand même, et on la suit!
L'objectif est quand même de rassembler, de rallier Hamon et Delanoë. Ca ne marche pas. Alors on continue. Et arrive ce que vous savez: la motion D obtient 25%, Aubry arrive seconde derrière Royal, Hamon la soutient, Delanoë aussi, et c'est la victoire ric-rac. Personnellement, je ne peux qu'être satisfait. J'aurais pu suivre Mosco chez Delanoë, j'avais de bonnes raisons pour ça. Mais l'intuition et la discipline ont été les plus fortes, et m'ont finalement donné raison. Pardonnez ce petit plaisir, ce n'est pas tous les jours que je me retrouve dans le camp des vainqueurs.
Bonne soirée.
Martine Aubry n'a pas gagné. Je ne le dis pas ce soir par provocation. En politique, ce ne sont pas les personnes qui gagnent, mais les lignes politiques. Ce qu'on appelle la victoire d'Aubry est la victoire d'une orientation politique, dont rien ne laissait prévoir qu'elle finirait par l'emporter. Petit retour en arrière, il y a un an et demi:
Présidentielles 2007, Ségolène a perdu alors qu'elle avait été annoncée longtemps gagnante, la seule en capacité de battre Sarkozy. Voilà pourquoi DSK et Fabius n'ont pas été choisis. Et pourtant, le dit Sarkozy l'emporte, massivement, fait des ravages dans les milieux populaires. Comble de la défaite pour la gauche: le centre droit Bayrou réalise un très joli score sur des idées pas très éloignées de celles de Ségolène, ce qui a pour conséquence de nous piquer des voix. A la gauche de la gauche, Besancenot ne s'en tire pas mal du tout.
Réaction immédiate: des adversaires d'hier, strauss-kahniens et fabiusiens (la jeune génération et les intellos), décident de se rapprocher, avec quelques idées en tête:
- L'ampleur de la défaite est grande, il ne faut surtout pas se le cacher.
- La première cause est dans l'absence de projet du PS, qui depuis 10 ans ne travaille plus collectivement.
- La deuxième cause, c'est la droitisation de notre campagne présidentielle: sur certaines questions de société, nous avons rejoint des positions de droite (retour de l'autorité, suppression de la carte scolaire, usage du drapeau national, personnalisation de la politique, etc). Du coup, les électeurs n'ont plus très bien vu notre différence.
Après les réactions, les pistes de solutions:
- Dépasser les anciens clivages (d'où le rapprochement a priori baroque entre strauss-kahniens et fabiusiens).
- Privilégier le travail collectif, refuser toute forme de présidentialisation (ça tombe bien: le champion des strauss-kahniens est à Washington, le champion des fabiusiens se cantonne à un rôle de "sage actif").
- Se donner quelques années pour se doter d'un projet à la fois moderne (ce que voulait à coup sûr Ségolène) mais ancré à gauche (pour les strauss-kahniens, c'est une social-démocratie rénovée).
Ce mouvement se donne un nom: les Reconstructeurs. Certains camarades s'en moquent gentiment: pour eux, c'est l'alliance des carpes et des lapins, promise à aucun avenir. Des réunions ont lieu à Paris, je participe à quelques-unes d'entre elles, moi aussi parfois sceptique, mais discipliné et fidèle aux décisions collectives du courant strauss-kahnien. Le congrès approche, et deux poids lourds de la politique s'avancent: Delanoë et Royal, l'un et l'autre bien décidés à prendre la direction du Parti. Au milieu, les Reconstructeurs pèsent peu. Qu'importe, ce sont les idées qui comptent et qui sont influentes, pas les femmes ou les hommes!
Alors, une décision est prise: choisir Martine Aubry comme fédérateur de toutes les sensibilités qui confluent dans le mouvement des Reconstructeurs (Montebourg, Vidalies et, un temps, la Ligne Claire de Collomb). Ca ne va pas sans mal: Moscovici nous quitte, sur un malentendu et une indélicatesse (à La Rochelle). Mais on y arrive: Martine sera notre candidate! C'est très risqué: Ségolène conserve et cultive sa popularité, Delanoë est en pointe dans les sondages, Aubry traîne le poids des 35 heures. Mais elle y va quand même, et on la suit!
L'objectif est quand même de rassembler, de rallier Hamon et Delanoë. Ca ne marche pas. Alors on continue. Et arrive ce que vous savez: la motion D obtient 25%, Aubry arrive seconde derrière Royal, Hamon la soutient, Delanoë aussi, et c'est la victoire ric-rac. Personnellement, je ne peux qu'être satisfait. J'aurais pu suivre Mosco chez Delanoë, j'avais de bonnes raisons pour ça. Mais l'intuition et la discipline ont été les plus fortes, et m'ont finalement donné raison. Pardonnez ce petit plaisir, ce n'est pas tous les jours que je me retrouve dans le camp des vainqueurs.
Bonne soirée.
8 Comments:
"Au pays de ... de Candy...comme dans tous les pays, .... on s'amuse, on pleure, on rit..."
Elle est belle cette histoire. Bon, tu fais quand même alliance avec Lançon. Ca, c'est drôle !
Il y a quelques semaines, tu avais écrit face à cette perspective : "bof !". Et maintenant ?
By Anonyme, at 12:27 AM
Je ne suis pas du genre à m'amuser, rire ou pleurer, et je ne connais pas votre référence que je suppose littéraire ou poétique.
"Bof", ce n'est pas grand-chose, trois lettres seulement. Ca ne pèse pas beaucoup, c'est rien qu'un sentiment, une impression, c'est très vite balayé par une analyse politique, une cohérence personnelle et une discipline collective. Bref, je suis passé de "bof" à "c'est comme ça".
Mais vous commettez une petite inexactitude: il ne s'agit pas d'une alliance locale avec une personne (sur laquelle je ne retranche absolument rien de tout ce que j'ai écrit) mais d'un rapprochement fédéral entre deux motions, largement voulu par un rapprochement national.
By Emmanuel Mousset, at 7:25 AM
Point de mariage entre la carpe et le lapin. La ligne politique est de faire barrage à ségolène et bertrand pour permettre à fabius et dsk de rester dans la course pour 2012. Pourquoi moscovici ne faisait-il pas l'affaire? Parce qu'il se proposait de rassembler en laissant leur chance à toutes et à tous.
De commentaires relativement objectifs (il y a quelques mois) on arrive à une soupe politicarde.
Tu tournes du coté obscur de la force, jeune padawan!
Plus on parle de ligne politique moins il n'y en a...
By Anonyme, at 7:55 AM
Et pour la fédé c'est du grand art.
Mettre jean-jacques en minorité mais ne pas donner les clés à claire (faut pas déconner).
Quand je pense à jean-pierre B qui surnomme Philippe M : machiavel!
Est-ce l'hommage du vice à la vertu?
J'en ai d'autre...
By Anonyme, at 8:01 AM
A l'avant-dernier anonyme:
Le côté obscur, c'est plutôt vous qui prenez un malin plaisir à le répandre.
Quant à votre dernière remarque, elle est formidable de bêtise: si je vous comprends bien, il ne faut pas parler de ligne politique pour qu'il y ait une ligne politique! Et comme moi j'en parle, je n'en ai pas...
Avec ça, vous devriez monter un sketch. Clown est pour vous un métier d'avenir.
By Emmanuel Mousset, at 1:48 PM
Au dernier anonyme:
Les autres, gardez-les plutôt pour vous. Je me méfie de tous ceux qui rabaissent la politique, surtout quand ils sont anonymes. Au lieu d'être allusif, soyez politique. Mais en êtes-vous capable?
By Emmanuel Mousset, at 1:51 PM
je me suis mal fait comprendre.
Ou vous préférez comprendre ce qui vous arrange (comme souvent beaucoup d'autres ici)
J'aurai du dire : plus on prononce les mots "ligne politique" dans ses propos, plus on masque le manque d'argument pour détailler cette ligne politique qui est si différente des autres!
L'argument anti-alliance modem était malhonnête pour différencier les lignes politiques.
En 2012 lorque DSK aura rassemblé son camp puis toute la gauche, il devra rassembler la grande famille des démocrates pour passer de 40 à 50%.
Mais...
c'est vrai que ca fait trés saint-quentinois comme situation.
Mais...
c'est vrai que vous ne me répondez que sur les deux dernières phrases.
Beaucoup moins rénovateur du coup.
Vous perdez en crédibilité.
Il y a quelques mois encore vous rejetiez ce jeu politicard.
Désormais vous empruntez de temps à autre la mauvaise fois d'une posture.
dommage
By Anonyme, at 3:36 PM
La ligne politique Aubry existe, je la soutiens. C'est votre droit de la contester. Discutons-en, si vous le voulez.
Mais arrêtez vos remarques psychologisantes et moralisatrices dont je me fous complètement: "malhonnête", perte de "crédibilité", "jeu politicard", "mauvaise foi", ...
Les leçons de morale, puisque vous les aimez, adressez-les à vous-même. Et quand vous aurez envie de parler politique, vous reviendrez me voir. Parce que la psychologie et la morale, ça ne m'intéresse pas.
By Emmanuel Mousset, at 4:32 PM
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