L'Aisne avec DSK

22 décembre 2008

Marie de Hennezel.

Bonsoir à toutes et à tous.

Mes deux gros sujets de réflexion de ces vacances, ce sont, vous le savez, la vidéo-surveillance et l'euthanasie, des sujets politiques l'un et l'autre. L'euthanasie, je vous l'ai déjà dit, est discréditée par l'idéologie de la fin de vie, dont Marie de Hennezel est une militante très médiatique et très influente. L'un de ses ouvrages a été préfacé par François Mitterrand, dont on connaissait l'intérêt pour la mort (la fascination?), et qui a donné en quelque sorte une caution progressiste à une pensée qui l'est beaucoup moins. Je veux ce soir commencer à vous en parler, car l'obstacle quasi éthique à l'euthanasie est de ce côté-là, et il faut le démonter.

Je voudrais d'abord commenter, de manière critique, les titres des ouvrages de Marie de Hennezel, car ils contiennent, très condensée, l'idéologie implicite que je veux rendre explicite et contester:

- La mort intime (1995): un titre contradictoire avec la réflexion développée, puisque l'auteur veut que la mort soit "accompagnée", qu'elle cesse d'être un événement purement personnel qui ne concerne que soi, et personne d'autre (sauf si on le souhaite). Mais je ne suis même pas certain qu'on puisse parler d'une "intimité" de la mort, car celle-ci, la mort, n'appartient qu'à mon corps et à son inéluctable déclin biologique. La véritable intimité, c'est l'intériorité, ça ne peut que concerner l'esprit.

- L'art de mourir (1997): comment cette expression ne pourrait-elle pas nous choquer? Autant je crois en un art de vivre, autant je ne crois pas en un art de mourir. L'art exige la mobilisation de nos talents et l'exercice de notre volonté. La mort, nous la subissons, nous ne la voulons pas, nous nous en passerions volontiers. La mort n'a rien d'artiste ou d'artistique. Il n'y a pas d'art de mourir (sinon sous forme d'un mauvais romantisme), mais il y a un acte de mourir, un choix de mourir, et c'est l'euthanasie.

- Mourir les yeux ouverts (2005): quelle effrayante formule! Je veux mourir les yeux fermés, parce que je n'attends rien de la mort, parce que j'ai le sentiment qu'elle ne peut rien me montrer, rien m'apprendre, rien m'apporter. La mort, c'est la nuit, où il n'y a rien à voir. Encore s'agit-il d'une métaphore inexacte (comme toutes les métaphores): la mort, c'est rien, même pas un néant, mais le rien, et pour les autres, une disparition, une absence. Les sages de l'Antiquité le savaient et le disaient: "Il y a deux choses qu'on ne peut pas regarder en face, le soleil et la mort".

- Nous ne nous sommes pas dit au revoir (2006): il n'y a pas d'au revoir dans la mort, il y a un adieu. Pourquoi Marie de Hennezel ne le dit-elle pas? L'au revoir, c'est l'espoir du christianisme, infiniment respectable, et même séducteur. Mais pourquoi n'en parle-t-elle pas? Hennezel est-elle chrétienne? Autant le dire ou le démentir, pour la clarté du débat.

Ce que je reproche finalement à Marie de Hennezel? Une sorte de sentimentalité qu'il paraît malséant de contredire, une moralité qui dissimule des présupposés philosophiques parfaitement contestables pourvu qu'on les mette à jour, comme j'ai essayé de le faire.


Bonne soirée.