Marx est Marx!

Bonjour à toutes et à tous.

"Ce soir (ou jamais)", l'émission de Taddeï sur France 3, portait hier sur "la gauche de la gauche", avec un Olivier Ferrand", strauss-kahnien, bien seul face au NPA, PCF et Parti de Gauche. Ce que m'a inspiré ce débat, c'est qu'il est urgent, pour la social-démocratie, d'arracher Marx à l'extrême gauche et d'en (re)faire l'une de nos références. La gauche de la gauche, comme elle se fait désormais pudiquement appeler, a fossilisé la pensée de cet immense philosophe que nous devons réactualiser.

Le marxisme, c'est quoi? Un système idéologique, un corps de doctrine que chacun s'ingénie à démembrer, alors qu'il faudrait l'envisager dans sa globalité, en se questionnant sur son fondement, qui n'est rien d'autre qu'une philosophie de l'Histoire, inspirée de Hegel, mais dans une version économique et sociale. Tout le marxisme est dans cette première phrase du Manifeste du Parti communiste: "L'histoire de l'humanité jusqu'à nos jours est l'histoire de la lutte des classes". J'en reste là, je n'en bouge pas, telle est mon orthodoxie marxiste.

Ce qui signifie que je ne suis pas d'accord avec Bensaïd de la LCR quand il définit le marxisme comme l'abolition de la propriété privée ou la collectivisation des grands moyens d'échange et de production. Certes, Marx a prôné ces deux mesures, qui ne sont que politiques, conjoncturelles, qui sont donc secondaires et non pas essentielles au marxisme. De même pour la révolution: avant et après la Commune, Marx ne s'en fait pas la même idée.

Marx était-il anticapitaliste? J'ose dire que non, puisque dans Le Capital, il explique que ce mode de production était nécessaire au développement de l'humanité, mais qu'il n'en est qu'une étape. Marx était-il communiste? J'ose encore nier, du moins communiste tel qu'on l'entend aujourd'hui, l'adhésion à un projet de société portant ce nom. Dans l'oeuvre du philosophe, il n'y a pas plus d'une dizaine de pages consacrées au communisme, dont il ne trace que les grands principes, comme si cela ne l'intéressait pas, comme si son propos se situait ailleurs.

Notons aussi que Marx critiquait violemment les "gauchistes" de son temps, qu'il traitait d'idéalistes, lui se voulant matérialiste et scientifique. Les communautés utopistes ou les groupes conspirationnistes à la Blanqui, ce n'était pas son truc (il critiquait certes autant les réformateurs sociaux). Un marxisme moderne doit se libérer du gauchisme et procéder dans deux directions conjointes:

1- Faire l'analyse critique du communisme réel, car Marx nous apprend qu'il n'y a pas d'accident mais une logique de l'Histoire. Les régimes communistes se sont développés dans le monde entier tout au long du XXème siècle. Il faut impérativement dresser le bilan, tirer les leçons de ce qui n'est pas une dérive ou une expérience mais un moment, une étape de l'histoire. L'extrême gauche se refuse à cet examen indispensable.

2- Imaginer le devenir du capitalisme, car Marx nous apprend que ce mode de production n'est pas éternel, que l'histoire n'est pas finie, qu'elle est soumise au devenir, à la transformation. Etre anticapitaliste comme être communiste n'a pas pour moi grand-sens. Le capitalisme ne doit pas être jugé par rapport à un monde idéal (le communisme), il doit être étudié pour lui-même, afin de mettre en avant ses limites, ses faiblesses, ses impasses. Le capitalisme n'aura qu'un temps, le capitalisme a déjà fait, en partie, son temps.

J'ai envie de dire aux marxistes ce que Maurice Clavel disait aux chrétiens, selon le titre de l'un de ses ouvrages: "Dieu est Dieu, nom de Dieu!" Marx est Marx, nom de Marx! Relisez-le, méditez-le, actualisez-le.


Bon après-midi.