L'Aisne avec DSK

20 mars 2009

Pierre Arnould.

Bonsoir à toutes et à tous.

C'est son gendre, que je connaissais bien, qui m'a prévenu dans la journée: Pierre Arnould est décédé. Il était très âgé, mais c'est toujours un choc d'apprendre une disparition. J'ai à vous raconter, à propos de Pierre, figure historique du Parti socialiste saint-quentinois, ce qui est plus qu'une anecdote, pour moi en tout cas:

En 1998, à la suite d'une séparation, je décidais de venir m'installer à Saint-Quentin, où je travaillais depuis quatre ans. A la recherche d'un logement, je choisissais une location tout près de mon lycée, au 5 rue des Frères Desains précisément. C'est le hasard qui m'a conduit là: une affichette à la fenêtre indiquait la proposition. Le hasard dit-on fait bien les choses. Je ne sais pas, mais ce jour-là, je devenais locataire de la fille de Pierre et j'emménageais, loin de m'en douter, dans la maison d'un ancien maire socialiste de Saint-Quentin.

Très vite, j'ai appris qui étaient mes propriétaires, qui sont devenus depuis des amis, et dans quel cadre éminemment politique je venais de m'installer. Je suis resté huit ans dans ces murs. Allez savoir s'ils ne m'ont pas inspiré! En tout cas, j'aimais beaucoup Pierre. C'était un socialiste, mais aussi un laïque et un républicain. Je me reconnaissais dans son socialisme modéré. Il était très proche d'Odette Grzegrzulka. Il avait tant connu de députés communistes ou gaullistes à Saint-Quentin. Avec Odette, enfin une socialiste devenait députée! Cela faisait son bonheur, sa joie.

Mais Pierre, c'était surtout son père, Henri, le dernier maire socialiste de Saint-Quentin, qu'il aimait, qu'il admirait. Odette avait instauré, il y a quelques années, une tradition dans la section socialiste: aller fleurir chaque 11 novembre la tombe de son père, lui rendre hommage, pour redonner du sens à notre action. C'est Pierre bien sûr qui se chargeait du discours. Son épouse, sa fille Catherine, ses petits-enfants étaient souvent présents, et quelques militants socialistes. Un moment très émouvant, auquel nous avions voulu donner une certaine solennité, une profondeur politique, en invitant la presse.

Pierre racontait alors la même histoire, qui m'a marqué: son père était une victime de la guerre 1914-1918, avec un bras amputé. Malgré ce lourd handicap, Henri parvenait à craquer une allumette, et Pierre, alors enfant, en était tout émerveillé. Devenu âgé, il nous racontait ça avec malice, devant la tombe, sous le ciel gris et triste de novembre. Parfois il pleuvait, mais Pierre apportait cet humour et cette gentillesse qui font tout oublier, le ciel gris, la pluie et même la mort.

Pierre lui-même a été maire-adjoint, chargé de l'éducation, dans les années 70. Comme lui, nous devrions tous être habités par la figure de son père, c'est à dire par l'image du dernier maire socialiste de Saint-Quentin. Qu'est-ce qui justifie aujourd'hui notre action? C'est que demain il y ai à nouveau un maire socialiste à Saint-Quentin. Le passé n'a de sens que s'il ensemence l'avenir. La mort n'est supportable que si elle annonce la vie. Pierre Arnould, dans le culte qu'il vouait à son père, nous transmettait cet espoir-là: qu'un jour un nouvel Arnould devienne maire de Saint-Quentin. A l'instant de sa disparition, retenons de lui ce qui le rend en nous encore vivant.


Bonne soirée,
bonne nuit.