8 mai 1945.
Bonjour à toutes et à tous.
Quand j'ai dit ce matin à mon voisin que j'allais à la cérémonie du 8 mai 1945, il m'a cité Brassens : "La musique qui marche au pas, cela ne me regarde pas". Il y a dix ans, j'aurais sûrement dit la même chose que lui. Et puis, devenant secrétaire de la section socialiste de Saint-Quentin, et le restant quatre ans, je me suis fait un devoir quasi protocolaire de participer aux défilés patriotiques. Y ai-je pris goût ? Je n'ai pas cessé depuis.
J'ai une prédilection pour le 8 mai. Ce n'est pas une commémoration comme une autre, parce que cette guerre n'a pas été comme les autres. 54 millions de morts et un génocide, c'est sans doute, dans un laps de temps aussi court, du jamais vu dans l'histoire de l'humanité. D'autant que le foyer de cette barbarie était une nation hautement civilisée, fort avancée dans les lettres, les arts et les sciences.
On ne va pas célébrer le 8 mai 1945 comme on accomplirait une formalité. C'est un objet de méditation sur ce que peut être, en pleine modernité, un terrible recul de civilisation. A méditer pour comprendre ... ou ne pas comprendre. Pour qu'en tout cas jamais cela ne se reproduise plus.
La cérémonie en elle-même est belle. Les enfants des écoles sont présents, robe blanche pour les filles, noeud papillon pour les garçons. Parmi les parents, deux dames maghrébines regardent avec fierté leurs fils agiter le drapeau tricolore. C'est ça la République ! C'est ça que le nazisme a voulu gommer de la surface de la Terre !
Le moment le plus émouvant, c'est quand monte de l'assistance le Chant des Partisans, interprété cette année par les jeunes de l'EPIDE, établissement public d'insertion de la Défense. D'autant que son auteur, Maurice Druon, nous a quittés il y a peu de temps. C'est un chant de résistance, de liberté, c'est une très belle musique, mais ce sont surtout d'extraordinaires paroles, dont je me demande comment elles sont aujourd'hui perçues par ceux qui les prononcent:
"Ohé, les tueurs à la balle et au couteau, tuez vite !"
Réfléchit-on en les clamant ? Je ne crois pas, hélas. Notre société contemporaine, qu'un rien offense, qu'un mot de trop choque, qu'un simple geste scandalise, devrait être horrifiée par de tels propos. Et pourtant, ce sont des paroles de vérité : il est des moments où un homme doit tuer un autre homme, pour se défendre, pour lutter pour la liberté, le bien, les autres. Combien d'entre nous, aujourd'hui, seraient prêts à donner leur vie ? Certains sont fatigués, lassés, sceptiques à l'idée de distribuer un tract ou de manifester ...
Eh puis, en voyant la tête du cortège, juste derrière les portes-drapeaux, les élus, les notables, les représentants de quelque chose, je me dis que ce genre de cérémonie avait déjà lieu dans la France pétainiste de 1940-1944, avec certes une toute autre signification, mais peut-être avec les mêmes élus, les mêmes notables, les mêmes représentants de quelque chose (pas les personnes bien sûr, mais les titres et fonctions).
Et là, je donne un peu raison à mon voisin et à Brassens. Notre pays aura beau célébrer pour l'éternité le 8 mai 1945, il ne pourra jamais faire oublier que nos élites et nos institutions ont largement collaboré avec l'ennemi nazi, au moins jusqu'en 1942, que les résistants n'étaient au départ qu'une poignée. Mais les cérémonies sont sans doute faites aussi pour cela : conjurer, exorciser le passé.
Bonne journée.
Quand j'ai dit ce matin à mon voisin que j'allais à la cérémonie du 8 mai 1945, il m'a cité Brassens : "La musique qui marche au pas, cela ne me regarde pas". Il y a dix ans, j'aurais sûrement dit la même chose que lui. Et puis, devenant secrétaire de la section socialiste de Saint-Quentin, et le restant quatre ans, je me suis fait un devoir quasi protocolaire de participer aux défilés patriotiques. Y ai-je pris goût ? Je n'ai pas cessé depuis.
J'ai une prédilection pour le 8 mai. Ce n'est pas une commémoration comme une autre, parce que cette guerre n'a pas été comme les autres. 54 millions de morts et un génocide, c'est sans doute, dans un laps de temps aussi court, du jamais vu dans l'histoire de l'humanité. D'autant que le foyer de cette barbarie était une nation hautement civilisée, fort avancée dans les lettres, les arts et les sciences.
On ne va pas célébrer le 8 mai 1945 comme on accomplirait une formalité. C'est un objet de méditation sur ce que peut être, en pleine modernité, un terrible recul de civilisation. A méditer pour comprendre ... ou ne pas comprendre. Pour qu'en tout cas jamais cela ne se reproduise plus.
La cérémonie en elle-même est belle. Les enfants des écoles sont présents, robe blanche pour les filles, noeud papillon pour les garçons. Parmi les parents, deux dames maghrébines regardent avec fierté leurs fils agiter le drapeau tricolore. C'est ça la République ! C'est ça que le nazisme a voulu gommer de la surface de la Terre !
Le moment le plus émouvant, c'est quand monte de l'assistance le Chant des Partisans, interprété cette année par les jeunes de l'EPIDE, établissement public d'insertion de la Défense. D'autant que son auteur, Maurice Druon, nous a quittés il y a peu de temps. C'est un chant de résistance, de liberté, c'est une très belle musique, mais ce sont surtout d'extraordinaires paroles, dont je me demande comment elles sont aujourd'hui perçues par ceux qui les prononcent:
"Ohé, les tueurs à la balle et au couteau, tuez vite !"
Réfléchit-on en les clamant ? Je ne crois pas, hélas. Notre société contemporaine, qu'un rien offense, qu'un mot de trop choque, qu'un simple geste scandalise, devrait être horrifiée par de tels propos. Et pourtant, ce sont des paroles de vérité : il est des moments où un homme doit tuer un autre homme, pour se défendre, pour lutter pour la liberté, le bien, les autres. Combien d'entre nous, aujourd'hui, seraient prêts à donner leur vie ? Certains sont fatigués, lassés, sceptiques à l'idée de distribuer un tract ou de manifester ...
Eh puis, en voyant la tête du cortège, juste derrière les portes-drapeaux, les élus, les notables, les représentants de quelque chose, je me dis que ce genre de cérémonie avait déjà lieu dans la France pétainiste de 1940-1944, avec certes une toute autre signification, mais peut-être avec les mêmes élus, les mêmes notables, les mêmes représentants de quelque chose (pas les personnes bien sûr, mais les titres et fonctions).
Et là, je donne un peu raison à mon voisin et à Brassens. Notre pays aura beau célébrer pour l'éternité le 8 mai 1945, il ne pourra jamais faire oublier que nos élites et nos institutions ont largement collaboré avec l'ennemi nazi, au moins jusqu'en 1942, que les résistants n'étaient au départ qu'une poignée. Mais les cérémonies sont sans doute faites aussi pour cela : conjurer, exorciser le passé.
Bonne journée.
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