L'Aisne avec DSK

02 mai 2009

Le socialisme est une foi.

Bonjour à toutes et à tous.

J'ai lu pendant ces vacances André Frossard. Il faut expliquer aux jeunes lecteurs, et peut-être aussi aux moins jeunes, qui était cet homme. Dans les années 70, je l'ai connu dans les émissions de Philippe Bouvard. Entre Thierry Le Luron et Jacques Chazot, il nous parlait de ... Dieu, de sa belle voix grave, un fume cigarette aux lèvres, ironique, distant, désinvolte, à la façon d'Alice Sapritch et de Philippe Sollers, eux-aussi adeptes du fume cigarette. Frossard, c'était pour moi, adolescent, un personnage intriguant, un mondain qui parlait du Ciel. Ça l'est resté.

La semaine dernière, je vous expliquais que Jean Ferrat donnait envie de devenir communiste. Frossard donnait envie de devenir ou redevenir chrétien. Il y a des laïcs qui font plus pour leur religion et la conversion que bien des clercs. Ainsi Maurice Clavel et Gabriel Matzneff pour le christianisme, tout comme Frossard. Si je vous parle ce matin de tout ça, c'est que la foi me semble une dimension essentielle de l'être humain, hors de tout contexte religieux. Et je vous en parle ce matin parce que nous sommes au lendemain de ce Noël de la gauche qu'est le Premier Mai.

Le socialisme est une philosophie, une politique, une analyse économique, une morale. Mais c'est aussi, c'est peut-être surtout une foi. C'est ce que j'ai ressenti, une fois de plus, en relisant André Frossard. Les mots-clefs du christianisme peuvent être transplantés sans difficulté dans le socialisme. Je vous en propose cinq, auxquels j'ai mis une majuscule, pour bien en montrer la solennité :

1- La Transcendance. Être socialiste, c'est se référer à quelque chose, une histoire, des personnages, des valeurs, qui nous dépassent, qui nous surplombent. Hier, j'ai défilé. Mais j'aurais tout aussi bien pu rester chez moi. Défiler ne m'apporte rien, ne satisfait aucun intérêt personnel. Il faut donc qu'une forme de transcendance nous porte, nous élève, nous fasse agir, quand on fait de la politique. Sinon on se contente de soi et de sa petite vie.

2- La Vérité. Être socialiste, c'est croire en une vérité, et tellement qu'on est prêt à se battre, pacifiquement en démocratie, pour elle. Le socialisme n'est pas une opinion comme une autre. Pour un militant, c'est un point de vue qui est porteur de vérité. Quiconque n'en est pas persuadé ne se battra jamais pour le socialisme.

3- La Parole. Qu'est-ce qui distingue un militant socialiste d'un simple électeur de gauche? C'est la parole. Un socialiste, c'est celui qui annonce qu'il est socialiste, publiquement, tranquillement mais assurément, c'est un témoin (qui n'a pas besoin d'aller jusqu'au martyr !). Ce n'est pas exposer une théorie compliquée, c'est parler. Un socialiste muet n'est pas un socialiste. Si chaque socialiste déclinait son identité politique, défendait son Parti à chaque fois qu'il est attaqué (et même quand il ne l'est pas !), le PS se porterait beaucoup mieux. Par exemple, quand la droite lâche les chiens contre les 35 heures, il suffit de marteler l'évidence : face au chômage de masse, il faut partager le travail et non pas multiplier les heures supplémentaires. Et ça suffit. Croyez-vous que Jésus argumentait savamment contre ceux qui mettaient en doute son message ? Non. La politique, c'est d'abord des mots, pas des idées, des paroles, pas des théories.

4- La Vie. Le socialisme, ce ne sont pas des discours mille fois entendus, répétés à satiété, des références usées à force d'avoir servi, des propos convenus, de pauvres clichés, des formules qui tournent à vide, des fiches qu'on récite, des connaissances qu'on fait semblant d'avoir. Non, le socialisme, c'est la vie. Des discours, j'en ai entendus et j'en entendrai encore beaucoup. C'est souvent un supplice, c'est parfois un bonheur. Car certains sont habités par la vie. Ils exhalent une énergie, une force, un dynamisme qui prouvent suffisamment la vérité du socialisme. En revanche, les robinets d'eau tiède, les radotages destructurés, les discours tellement fleuves qu'on s'y noie signent sa mort.

5- L'Eternité. Être socialiste, c'est ne jamais douter du socialisme, c'est croire en son éternité. Prenez Saint-Quentin (j'ai choisi volontairement une situation âpre, ingrate pour la gauche) : ne pensez-vous pas que sans la foi un militant socialiste normalement constitué, pas plus fou qu'un autre, pourrait tenir, pourrait espérer ? Et les plus lucides savent bien que la victoire, sauf miracle, n'est pas pour demain. J'ai la foi, mais je ne suis pas superstitieux. Les miracles, très peu pour moi. Mais l'espoir a besoin de l'éternité pour se voir un jour réalisé. Ce qui ne signifie pas qu'il faudra attendre ad vitam aeternam pour que la municipalité devienne socialiste. Simplement, le présent ne doit pas être notre seul horizon. Quand on partage cette foi, on peut déplacer des montagnes, celles qui ont pour nom Pierre André et Xavier Bertrand.

Si le socialisme est une foi, le PS est une église avec ses clercs que sont les élus, avec les bons et les mauvais côtés de toute église. Certains prêtres ont perdu la foi, ils psalmodient et ça se voit. Certains fidèles ont conservé une foi très vive et réactivent le message, à l'instar de Frossard, Clavel et Matzneff pour le christianisme. Si je n'avais pas la foi, je ne serais pas socialiste, car la réflexion n'y suffit pas. Je prie pour ne pas la perdre, pour ne pas être rongé par le doute, pour continuer à croire malgré tout.


Bonne matinée.

4 Comments:

  • Le Socialisme n'est finalement qu'une religion et un endoctrinement comme les autres.

    By Blogger grandourscharmant, at 12:03 PM  

  • 1- Une religion n'est pas nécessairement un endoctrinement. Ca peut être une adhésion libre et volontaire.

    2- Mon socialisme n'est pas une religion, c'est une foi. La religion est un phénomène collectif, avec ses rites et ses cérémonies. Il en faut sûrement, mais ce n'est pas de cela dont j'ai voulu parler, uniquement de la foi, qui est un élan personnel, un arrachement à la vie ordinaire et à son train-train.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 12:46 PM  

  • Comment pouvez-vous mettre votre confiance absolue dans le socialisme ?

    By Blogger grandourscharmant, at 1:43 PM  

  • Comme je mets ma confiance absolue dans l'amour, l'amitié, la joie, l'intelligence, la culture et toutes les choses bonnes en ce monde.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 7:05 PM  

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