Pierre, Paul, Jean.
Bonsoir à toutes et à tous.
Pour Carnas, j'avais emporté des ouvrages sur les débuts du christianisme, une période qui m'intéresse pour des raisons spirituelles, théologiques (pas très éloignées de la philosophie) mais aussi politiques : qu'une secte de vagabonds conduite par un raté (finir sur une croix, ce n'est pas une réussite) engendre toute une organisation qui va vaincre l'Empire romain, ce n'est pas banal, c'est très singulier, politiquement impressionnant.
J'ai donc lu avec passion les trois ouvrages de Mordillat et Prieur sur la question (il y a une bonne dizaine d'années, leur émission Corpus Christi sur Arte m'avait enchanté). J'ai complété par un roman déjà ancien (1985) de Guy Hocquenghem, La colère de l'Agneau, consacré à saint Jean. Quand des culs bénis en parlent, ça ne m'intéresse pas, mais quand c'est un homo gauchiste qui se saisit du sujet, j'y vais. Ajoutez à ça deux essais de mon cher Matzneff (qui était d'ailleurs copain, en tout bien tout honneur, avec Hocquenghem) sur l'orthodoxie et vous avez mon panorama religieux des vacances.
Dans ces commencements tourmentés du christianisme, en dehors bien sûr de Jésus (dont on ne sait quasiment rien de certain), trois figures émergent, et quelles figures ! Pierre, Paul et Jean. Chacun est un personnage très distinct des deux autres. A bien y réfléchir (je ne parle ici que de politique, pas de leur dimension spirituelle), ils constituent des archétypes, des figures du pouvoir :
Jean, c'est l'intellectuel, l'homme d'idées. Son évangile, comparé à ceux de Luc, Marc et Matthieu, c'est du lourd. Avec lui, le christianisme se fait pensée. Sans lui, peut-être serait-il resté un moralisme ou une superstition. Paul, c'est l'organisateur, celui qui voit loin, veut convertir les payens, récolte le fric, structure l'église. C'est aussi un idéologue, et même un tantinet fanatique, qui a la rage des convertis. Pierre, c'est le successeur du Maître, donc l'homme de pouvoir par excellence, celui qui reçoit les clés de la boutique. Or quelle est sa psychologie ? Assez lamentable. Relisez les évangiles : il est faible, craintif, traître (Judas au moins y va franco dans la trahison). Jean et Paul ont des personnalités remarquables, Pierre est un minable.
Pourquoi je vous parle de tout ça, qui vous ennuie peut-être alors que j'en suis passionné ? Parce que tout ça a encore à voir avec la politique d'aujourd'hui. Il faut des idées, donc des intellos, du type de Jean, sinon la coquille est vide. Mais il faut aussi des organisateurs pour qu'il y ait une coquille, et si possible bien dure. C'est le rôle de Paul. Et puis, il faut des gars qui font marcher la boutique. On les croit puissants, glorieux, charismatiques. C'est le préjugé qui le laisse penser ou la légende qui le fait croire. En réalité, la politique est beaucoup plus constituée de larbins que de guerriers. Regardez autour de vous, vous comprendrez. Jésus avait déjà compris ça : sauf circonstances historiques exceptionnelles et grandioses, le pouvoir est généralement dévolu aux plus nuls, genre Pierre.
Je suis pessimiste ? Ce n'est pas de ma faute si l'humanité est ainsi, allez vous plaindre à Dieu si vous croyez en lui. En réalité, je ne suis pas si pessimiste que ça. Les génies au pouvoir peuvent aussi entraîner les pires catastrophes. Mieux vaut finalement un médiocre (précisément parlant, la médiocrité, c'est la moyenne basse, c'est à dire l'état de la majorité) dans lequel le grand nombre peut se reconnaître, que personne ne jalousera. Pour accéder au pouvoir, pour se faire élire quelque part, il faut être rassurant, faire preuve d'une saine médiocrité.
Le fin du fin, ce sont ces politiques très subtils qui jouent aux ballots. J'en connais quelques-uns. J'en connais aussi qui n'ont pas besoin de se forcer, c'est leur naturel. Quelqu'un qui est faible, craintif et porté à trahir est en politique quelqu'un sur qui on peut compter, quelqu'un qui vous suivra à coup sûr. Avec Pierre, Jésus a fait le bon choix. Un intello à la façon de Jean est un emmerdeur qui ne lâche pas sur ses convictions, un organisateur du type de Paul devient dangereusement indispensable et menaçant.
"Pierre, tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon église". Personne ne s'étonne que le Christ ait pu faire un jeu de mots aussi foireux, digne de l'almanach Vermot. C'est qu'il se fout de la gueule du Pierre en question, car si l'un de ses disciples n'a pas la consistance de la roche, c'est bien lui, le faible, le craintif, le traître Pierre. Amis qui faites de la politique ou qui n'en faites pas, n'oubliez pas ceci : la plupart des politiques sont plus des éponges que des rochers.
Bonne nuit.
PS : ce soir, sur TF1, à 23h10, début de la 5ème saison de Lost, regardez, c'est génial.
Pour Carnas, j'avais emporté des ouvrages sur les débuts du christianisme, une période qui m'intéresse pour des raisons spirituelles, théologiques (pas très éloignées de la philosophie) mais aussi politiques : qu'une secte de vagabonds conduite par un raté (finir sur une croix, ce n'est pas une réussite) engendre toute une organisation qui va vaincre l'Empire romain, ce n'est pas banal, c'est très singulier, politiquement impressionnant.
J'ai donc lu avec passion les trois ouvrages de Mordillat et Prieur sur la question (il y a une bonne dizaine d'années, leur émission Corpus Christi sur Arte m'avait enchanté). J'ai complété par un roman déjà ancien (1985) de Guy Hocquenghem, La colère de l'Agneau, consacré à saint Jean. Quand des culs bénis en parlent, ça ne m'intéresse pas, mais quand c'est un homo gauchiste qui se saisit du sujet, j'y vais. Ajoutez à ça deux essais de mon cher Matzneff (qui était d'ailleurs copain, en tout bien tout honneur, avec Hocquenghem) sur l'orthodoxie et vous avez mon panorama religieux des vacances.
Dans ces commencements tourmentés du christianisme, en dehors bien sûr de Jésus (dont on ne sait quasiment rien de certain), trois figures émergent, et quelles figures ! Pierre, Paul et Jean. Chacun est un personnage très distinct des deux autres. A bien y réfléchir (je ne parle ici que de politique, pas de leur dimension spirituelle), ils constituent des archétypes, des figures du pouvoir :
Jean, c'est l'intellectuel, l'homme d'idées. Son évangile, comparé à ceux de Luc, Marc et Matthieu, c'est du lourd. Avec lui, le christianisme se fait pensée. Sans lui, peut-être serait-il resté un moralisme ou une superstition. Paul, c'est l'organisateur, celui qui voit loin, veut convertir les payens, récolte le fric, structure l'église. C'est aussi un idéologue, et même un tantinet fanatique, qui a la rage des convertis. Pierre, c'est le successeur du Maître, donc l'homme de pouvoir par excellence, celui qui reçoit les clés de la boutique. Or quelle est sa psychologie ? Assez lamentable. Relisez les évangiles : il est faible, craintif, traître (Judas au moins y va franco dans la trahison). Jean et Paul ont des personnalités remarquables, Pierre est un minable.
Pourquoi je vous parle de tout ça, qui vous ennuie peut-être alors que j'en suis passionné ? Parce que tout ça a encore à voir avec la politique d'aujourd'hui. Il faut des idées, donc des intellos, du type de Jean, sinon la coquille est vide. Mais il faut aussi des organisateurs pour qu'il y ait une coquille, et si possible bien dure. C'est le rôle de Paul. Et puis, il faut des gars qui font marcher la boutique. On les croit puissants, glorieux, charismatiques. C'est le préjugé qui le laisse penser ou la légende qui le fait croire. En réalité, la politique est beaucoup plus constituée de larbins que de guerriers. Regardez autour de vous, vous comprendrez. Jésus avait déjà compris ça : sauf circonstances historiques exceptionnelles et grandioses, le pouvoir est généralement dévolu aux plus nuls, genre Pierre.
Je suis pessimiste ? Ce n'est pas de ma faute si l'humanité est ainsi, allez vous plaindre à Dieu si vous croyez en lui. En réalité, je ne suis pas si pessimiste que ça. Les génies au pouvoir peuvent aussi entraîner les pires catastrophes. Mieux vaut finalement un médiocre (précisément parlant, la médiocrité, c'est la moyenne basse, c'est à dire l'état de la majorité) dans lequel le grand nombre peut se reconnaître, que personne ne jalousera. Pour accéder au pouvoir, pour se faire élire quelque part, il faut être rassurant, faire preuve d'une saine médiocrité.
Le fin du fin, ce sont ces politiques très subtils qui jouent aux ballots. J'en connais quelques-uns. J'en connais aussi qui n'ont pas besoin de se forcer, c'est leur naturel. Quelqu'un qui est faible, craintif et porté à trahir est en politique quelqu'un sur qui on peut compter, quelqu'un qui vous suivra à coup sûr. Avec Pierre, Jésus a fait le bon choix. Un intello à la façon de Jean est un emmerdeur qui ne lâche pas sur ses convictions, un organisateur du type de Paul devient dangereusement indispensable et menaçant.
"Pierre, tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon église". Personne ne s'étonne que le Christ ait pu faire un jeu de mots aussi foireux, digne de l'almanach Vermot. C'est qu'il se fout de la gueule du Pierre en question, car si l'un de ses disciples n'a pas la consistance de la roche, c'est bien lui, le faible, le craintif, le traître Pierre. Amis qui faites de la politique ou qui n'en faites pas, n'oubliez pas ceci : la plupart des politiques sont plus des éponges que des rochers.
Bonne nuit.
PS : ce soir, sur TF1, à 23h10, début de la 5ème saison de Lost, regardez, c'est génial.
10 Comments:
France 2 mise en demeure par le CSA pour sous représentation de la majorité présidentielle.
Son temps de parole n'a été que de 19,3% quand celui de l'opposition a été de 33,5%
J'espere que vous dénoncerez et lutterez contre cette injustice
et ce manque flagrant d'équité.
By Anonyme, at 11:09 PM
Absolument pas, car je m'en fiche. L'injustice qui mérite qu'on la dénonce et qu'on lutte, elle est dans les inégalités de salaires, les faibles revenus, le chômage, le travail précaire.
By Emmanuel Mousset, at 9:56 AM
Les religions sont en fait ce que les hommes font du fait religieux, et la façon dont ils l'organisent. Après, il s'ensuit obligatoirement des guerres de religion, chacun prétendant la sienne meilleur que l'autre. Il faut donc alors trancher d'une façon politique, et c'est le gouvernement de la laïcité qui s'impose, arbitrant la vie sociale par-dessus le fait religieux.
Mais en tant que philosophe, ce qui importe, c'est la question de l'ÊTRE. Comment produire une histoire qui parte de sa solitude absolue et nécessaire à Son Identité, Il n'Est que Dieu, à la production d'une pensée et de son développement, du cadre nécessaire au fonctionnement de l'Univers et abritant tout le Bazar, Dieu compris.
On est alors à la jonction de la Philosophie et de la Science.
Se pose alors la question du développement du Bazar, de la règle de causalité qui provoque les enchaînements, et des conséquences collatérales qu'elles impliquent.
Créer le néant n'est guère difficile à Dieu, il suffit de penser à un espace vide à côté de Lui. Passer de Zéro à l'Infini, ajouter un au nombre précédent le permet. Gonfler le néant et lui donner un soutient qui l'habite conduit à l'hypothèse de la structure gélifiée de l'espace, qui permet de faire démarrer le Big-Bang, tout en offrant à sa surface la possibilité d'abriter les Cieux, et de faire émerger la matière entre ses mailles.
Ensuite on arrive assez rapidement à Darwin, à l'Homme résultant de cette Histoire, et tentant de la démystifier.
Au passage évidemment on aura eu affaire à la Mort, au Mal. Tuer un autre homme, c'est mal, bien que la mort soit une conséquence d'avoir une histoire. Dieu ne pouvait pas se dédoubler, il n'y aurait pas eu nouveauté. On peut alors intégrer la Vie comme un passage, une scène de théâtre. On suppose alors une happy end,aux Cieux, car le malheur ne peut constituer un but divin en soi. C'est la divergence avec Nietche, n'ayant pas su décoller de son propre malheur et l'ayant généralisé alors au reste de l'Univers. C'est ensuite la banale stupidité des intellos suiveurs, sans grâces et sans légèretés continuant à creuser ce sillon morbide, on peut pointer Jean-Paul Sartre, Roland Barthès, Jacques Lacan, toute la prétention franchouillarde à élaborer des chanteaux de carte qui s'évanouissent rapidement dans les brumes de l'histoire banale.
http://jeanpierre.becker.free.fr/espace/index.html
By jpbb, at 12:04 PM
1ert : il existe des écrits archéologiques relatant qu'un juif , issu d'une famille de notables, a mis en place une révolte. un rebelle prônant l'amour comme arme de destruction massive!!!!! j'adore le programme!!!!
2ent : les évangiles, sont des écrits et non des chroniques, érits par on ne sait qui et inféodé aux précepts politiques du moment .
par contre, il est extrêment intéressant de procéder à une sorte d'investigation sur cette période et de constater qu'il y a effectivement eu des mouvements sociaux à cette époque ( cf dynastie des ptolémées).
par contre PAUL est pour moi l'archétype du politicien véreux, menteur, et imposteur .
3nt : la religion n'a rien à voir avec la foi.
val
By Anonyme, at 12:53 PM
et pour info, à travers mes nombreuses, nombreuses nombreuses lectures: le rebelle Jesouah ben Yossef " jésus" a transmis à sa mère et à sa femme Marie Madeleine la mission de "continuer" l'esprit rebelle. résultat : les textes reconnus de la religion catholique ont fait de sa femme une "pute" et de sa mère "une mater doloris". or la maman était une érudite . val
By Anonyme, at 1:04 PM
Val,
Ce que tu dis est intéressant mais frise le schisme, voire l'hérésie. Attention à tes fesses ...
By Emmanuel Mousset, at 1:24 PM
peut être , mais , j'aime bien jésus et sa clique. dommage , il n'y en a plus des comme ça . martin luther king, gandhi, ché guévarra: des petits joueurs . val
By Anonyme, at 2:12 PM
D'accord avec toi.
By Emmanuel Mousset, at 2:34 PM
je ne me crois pas intelligente , je suis intelligente: cf définition Doué de la fonction mentale d'organisation du réel en pensées (chez l'homme), en actes (chez l'homme et l'animal). De la plus humble Monère jusqu'aux Insectes les mieux doués, jusqu'aux Vertébrés les plus intelligents, le progrès réalisé a été surtout un progrès du système nerveux (Bergson, Évol. créatr., 1907, p. 127) :
Ce qui fait la dignité de l'homme, c'est autant que sa vertu son intelligence. Les anges rebelles étaient des intelligents et Dieu les a honorés de sa colère (Péladan, Vice supr., 1884, p. 245).
Doué de la fonction mentale d'organisation du réel en pensées. L'être intelligent conçoit sa parole avant de produire sa pensée
Doué de l'ensemble des fonctions psychiques et psycho-physiologiques concourant à la connaissance et à la compréhension de la nature des choses et de la signification des faits; doué de la faculté de connaître et de comprendre. Nul autre que l'être intelligent ne peut dire, je veux, j'aime, j'agis, je suis .
donc la lecture résumée de la notion linguistique du cnrs de l'adjectif " intelligent".démontre que je suis intelligente.
donc si XB rentre dans l'un de ces critères il est intelligent, j'ai cherché , je n'ai pas trouvé . val
By Anonyme, at 3:39 PM
Val est intelligente, je confirme.
By Emmanuel Mousset, at 8:44 PM
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