La main molle.

Bonsoir à toutes et à tous.

Bayrou a parlé. C'est un événement : depuis les européennes, le centriste s'était volontairement tu, pour expier son résultat et les maladresses qui ont précédé. C'est rare, un homme politique muet, même provisoirement. Qu'a-t-il donc dit, aujourd'hui, à l'université d'été de son mouvement ? On l'attendait évidemment sur son éventuel rapprochement avec la gauche, spectaculairement initié il y a quinze jours par sa vice-présidente Marielle de Sarnez à Marseille, au beau milieu d'une réunion socialiste. A ce propos, deux phrases ont retenu l'attention :

"J'approuve ceux qui veulent que les choses bougent et tout le monde sait que quand Marielle de Sarnez réfléchit, elle parle avec moi".

Drôle de réflexion, à la limite du lapsus. On se serait plutôt attendu à ce que Bayrou formule ainsi sa pensée : "quand Marielle de Sarnez parle, elle réfléchit avec moi". Car Sarnez, à Marseille, a discouru, et toute la question politique est de savoir si elle s'est au préalable concertée avec son patron. Par sa formule contournée, on ne sait pas très bien ce qu'il en est. On réfléchit avant de parler, mais parler avant de réfléchir, comme le suggère Bayrou, c'est bizarre. Une bizarrerie qui est peut-être une façon d'esquiver la question.

Et puis, il y a le magnifique "tout le monde sait", alors que personne, à part un petit groupe autour du leader centriste, n'en sait rien. La preuve, la presse et la classe politique s'interrogent : Sarnez a-t-elle à Marseille exprimé la position de Bayrou ou fait cavalier seul ? L'expression "tout le monde sait que" est souvent une anti-phrase ou un euphémisme.

Quant à "ceux qui veulent que les choses bougent", ça ne veut pas dire grand-chose et ça ne mange pas beaucoup de pain. Le problème n'est pas tant de "bouger" que de savoir pourquoi on bouge. Et ça, Bayrou n'en dit rien. Il ne se fait guère plus précis dans sa deuxième déclaration :

"Si main tendue il y a eu, on a raison de tendre les mains parce qu'on ne peut pas continuer à être dans la démocratie française des forces politiques qui s'ignorent et se détruisent ou se combattent tout le temps".

Vous remarquerez le conditionnel, l'hypothétique "Si main tendue il y a eu". Comme si Bayrou n'en était pas certain, comme si l'image n'était que virtuelle. Le reste est d'un oecuménisme qui pourrait s'appliquer tout autant à la droite qu'à la gauche. Le tout est d'un jésuitisme remarquable. Quand les journalistes ont voulu être plus précis sur les alliances du MoDem, Bayrou les a renvoyés à son discours de clôture de dimanche soir. Prions pour que le centriste soit alors plus clair sur ses engagements.

A mes camarades qui s'enthousiasment après le lyrisme marseillais de Sarnez, je dis qu'ils peuvent continuer à espérer, mais sans se faire trop d'illusions. La fameuse main tendue est pour l'instant bien molle. On verra dimanche si elle se durcit.


Bonne soirée.