Sympathisants sympas.

J'ai envie de déchirer ma carte, je suis tenté de quitter le PS. Pourquoi ? Parce qu'avec les primaires qui s'annoncent, le militant c'est fini, vive le sympathisant ! Les adhérents colleront les affiches, distribueront les tracts, viendront faire la claque dans les réunions tandis que les sympathisants décideront majoritairement de la ligne politique du Parti, en choisissant son candidat. Vous comprenez pourquoi je suis tenté de redevenir ce que j'ai été pendant vingt ans, un bon et brave sympathisant (j'ai adhéré au PS en 1995, dans la foulée de la campagne présidentielle de Jospin).

Sympathisant, c'est cool : on est socialiste sans l'être vraiment, on peut soutenir tout en critiquant, on vote mais on ne s'engage pas, et par dessus tout on échappe aux discours ennuyeux, aux réunions interminables et aux corvées militantes. C'est chouette non ? Le sympathisant, c'est le citoyen moderne, ou post-moderne comme disent les pédants. C'est l'avenir de la politique. Et puis, en tant que sympathisant, on a beaucoup plus de chance d'être candidat quelque part puisqu'on représente beaucoup plus de monde, et donc de voix, que le cercle restreint des militants. Bien joué, vous ne trouvez pas ?

Bon, vous m'avez compris, vous qui lisez régulièrement ce blog et qui me connaissez donc un peu : je ne vais pas me renier, je ne suis tenté par rien, je n'ai absolument pas envie de quitter le PS. Acédie il y a un an (voir le billet précédent), plaisanterie aujourd'hui ! En même temps, je crois soulever de vraies interrogations. Le système des primaires, je suis pour, ça va nous faire collectivement un bien fou, je souhaite même le voir appliqué pour les municipales. Mais il faut être conscient que ce mode de désignation va complètement changer la nature de notre Parti et qu'il va falloir s'y préparer.

Ce qui m'a inspiré cette réflexion au début surprenant, c'est la lecture d'un article dans Libération de mercredi dernier, de l'anthropologue Marc Abélès, intitulé "Les primaires ou le triomphe du sympathisant". En voici un extrait significatif :

"Qu'est-ce au fait que le sympathisant ? Une espèce particulière et, comme son nom le suggère, a priori plus ouverte, moins borné que le militant. Le sympathisant se meut dans la sphère fluide et accueillante de la démocratie. Il ne s'agglutine pas à la masse, sinon il deviendrait un militant esclave du collectif. Non, le sympathisant demeure avant tout un individu soucieux de ses droits, avide d'informations, pratiquant d'Internet, aussi enclin à se mouvoir dans les réseaux sociaux que rétif aux contraintes des organisations. Le sympathisant est convivial, il partage les valeurs de ses amis électifs. Grâce aux sympathisants, la politique serait en voie de redevenir ... empathique".

De fait, le sympathisant est devenu roi et le militant ringard, à tort ou à raison. Quand Gewerc est venu jeudi à Saint-Quentin, il y avait autant sinon plus de sympathisants que de militants. Sans compter que de nombreux adhérents ne sont absolument pas des militants mais se comportent comme des sympathisants, se contentant d'aller voter sans se sentir tenus par une quelconque discipline ou action publique. Bref, il n'y a pas que les routiers qui soient sympas ; il y a désormais les sympathisants !


Bon après-midi.