L'Aisne avec DSK

02 juillet 2010

Porte et Guillon.

Bonsoir à toutes et à tous.


Hier, 2 000 personnes ont manifesté devant la Maison de la Radio, en soutien à Didier Porte et Stéphane Guillon, humoristes récemment licenciés. La même mobilisation s'est produite dans d'autres grandes villes. A Paris, les "victimes", héros du jour, se sont présentés à la foule et ont fait une intervention, à la façon de leaders syndicaux ou politiques. Ce n'est pas banal, l'événement mérite qu'on en parle.

D'abord, écartons le point de vue strictement personnel : on peut aimer ou ne pas aimer l'humour de Porte et Guillon (les façons de rire sont multiples et variées), l'important n'est pas là mais dans cette question : pourquoi un tel mouvement, tout à fait inhabituel, en leur faveur ? Car la dimension politique de cette affaire est évidente. Mais est-elle nécessairement ce qu'on croit ? C'est là où la réflexion devient intéressante.

Le premier réflexe est de crier à la censure. Mais qui se demande pourquoi Porte et Guillon ont été licenciés ? Il y a des règles, on ne met pas dehors deux salariés sans raison. Sarkozy est-il le responsable ? Si oui, je ne vois pas pourquoi il s'en serait pris à deux comiques qui, à ce titre, ne sont guère dangereux. Il y a, contre le président, des journalistes et des émissions autrement plus critiques et embarrassants.

Les auteurs, on les connaît, les manifestants ont hué leurs noms : Jean-Luc Hees et Philippe Val, "patrons" des humoristes. Ont-ils agi par pur arbitraire ? Évidemment non, et comment d'ailleurs le pourraient-ils ? Ils ont leurs arguments, et autant vous dire que je les comprends et les partage, refusant de participer au conformisme ambiant, de hurler avec les loups même quand ils sont déguisés en brebis. Et je me moque de décevoir ou déplaire, je ne fais pas de la politique pour caresser ou séduire.

Le fond de l'affaire, dont très peu parlent, c'est que les chroniques des humoristes dépassaient les limites de ce qu'on peut attendre d'un service public de qualité : ironiser sur le physique des personnalités, se vautrer dans une vulgarité pseudo-chic, se complaire dans le poujadisme de gauche, non France-Inter n'avait pas besoin de ça. Prenez le fameux papier de Guillon sur DSK, qui a immortalisé son piètre génie : une histoire de cul tout juste bonne à faire pouffer les jeunes boutonneux et les vieux impuissants, mais indigne de figurer dans le journal du matin, à une heure de très forte audience.

Le tort de France-Inter, c'était de mêler, dans une même émission, informations et billets d'humeur. Porte et Guillon auraient sévi ailleurs, dans un autre créneau, pourquoi pas, la médiocrité rigolarde a largement sa place dans notre société, télévisions et radios. Mais le mélange des genres est regrettable. Je suis surpris de constater à quel point les humoristes aujourd'hui se prennent et sont pris au sérieux, au même moment où les gens sérieux sont très mal vus et décriés (les politiques par exemple). Coluche m'a fait rire jusqu'à ce qu'il entre en politique et cherche à se présenter à la présidentielle, jouant lui aussi sur la démagogie, le poujadisme, l'antiparlementarisme.

Le licenciement de Porte et Guillon met en émoi une certaine gauche anarchisante, une petite bourgeoisie libertaire généralement anti-socialiste, qu'il faut laisser à ses pauvres excitations. Elle déteste par dessus tout Philippe Val (c'était déjà elle qui gueulait dans l'affaire Siné), parce que c'est un social-démocrate, un homme intelligent et responsable, bref tout ce qui l'horripile. Nous la retrouverons sur notre route, c'est la face obscure et un peu idiote du camp progressiste.


Bonne soirée.

7 Comments:

  • Il semble t'avoir échappé que le problème n'est pas tellement celui des personnes de Jean-Luc Hess et de Philippe Val que leur mode de nomination (combattu par la gauche dans son ensemble) qui fait peser des soupçons bien légitimes.
    Ce qui est touchant dans ton point de vue c'est une forme de courage un peu suicidaire mais assez rare : rallier le sarkozisme dans ses soubresauts les plus pavloviens au moment même où de toutes parts le navire prend l'eau est une posture qui peut aider à occuper une posture de victime. J'espère qu'il restera un peu de place pour toi sur le radeau.
    Depuis que tu as trouvé en Monsieur Nouaillat un professeur en généralités sociologiques bien lestées de plomb, je remarque que tu te surpasses dans ce genre. Il me semble que beaucoup de camarades (dont Martine Aubry qui a eu l'outrecuidance de ne pas s'aligner sur tes positions si courageuses), vont inscrire dans leur bêtisier le portrait que tu dresses d'eux en "petits bourgeois libertaires et anarchisants, et généralement antisocialistes"
    Bonnes vacances

    By Blogger Ane-Vert, at 11:24 PM  

  • Moi ce qui m'avait le plus choqué, c'est le coup du "petit pot à tabac"...s'en prendre au physique des gens, et comme par hasard d'une femme, sous prétexte que l'humour aurait tous les droits, non désolé je vois pas pourquoi on serait obligé de rire...Guillon s'en prend toujours aux femmes avec les pires stéréotypes machos déguisés derrière la bonne conscience de l'humour.Mais dans la vie réelle, il est apparemment très susceptible(il s'est faché avec des tas de gens).Et quand il s'agit de sa copine à lui, il ne faut surtout pas y toucher(il est en guerre ouverte avec Bern parce-que celui-ci n'aurait pas prolongé son contrat de chroniqueuse)...

    By Anonymous Anonyme, at 1:02 AM  

  • la piste val/sine me paraît la bonne

    By Anonymous lorgnette, at 3:09 AM  

  • VAL est surtout un connard opportuniste . VAL

    By Anonymous Anonyme, at 10:23 AM  

  • Sur l'affaire du "petit pot de tabac" je remarque que Martine Aubry est plus magnanime et généreuse que ses groupies si vite scandalisés. Elle a en effet soutenu Porte et Guillon dans leurs démêlés avec la direction de France Inter.
    Il en est souvent, hélas, ainsi : les politiques qui ont un peu d'étoffe savent se hausser au dessus des passions moutonnières de leurs troupes.
    Je me disais cela en écoutant hier l'interview de Jacques Vergès (le diable en personne pour beaucoup) dans l'émission de France Inter "les persifleurs du mal" (réécoutable sur le site de la station). Il citait une lettre reçue du Général de Gaulle après publication, au moment de la guerre d'Algérie, de sa plaidoirie pour Djamila Bouhired (torturée et condamnée à mort pour des attentats contre des civils). De Gaulle lui écrit après avoir reçu le livre : "Je vous remercie de m’avoir adressé votre petit livre sur Djamila Bouhired je sais par expérience personnelle que tout drame français est un monde de drames humains et de celui là vous avez raison de ne rien cacher. Votre éloquente sincérité ne peut laisser personne indifférent, je vous prie d’agréer messieurs mes sentiments les meilleurs et très distingués. Post scriptum ; avec pour vous, Vergès, mon fidèle souvenir". Djamila Bouhired fut ensuite graciée par de Gaulle.
    Bien entendu les enjeux d'aujourd'hui ne sont pas à la hauteur de ces périls, mais tous ceux qui se réjouissent au bruit de la guillotine seraient bien inspirés d'écouter cette émission.

    By Blogger Ane-Vert, at 10:08 PM  

  • ce que EM ne supporte pas surtout c'est qu'on ait osé -sinon attaquer -du moins se moquer de DSK:il me fait tout à fait penser aux intégristes qui brûlent les journaux "coupables" d'avoir représenté l'image du prophète..et ça se dit laïque, qui plus est président d'une association qui a fait de la laïcité son combat permament; pauvre FOL
    ça m'étonnerait que ce billet passe sur le blog

    By Anonymous Anonyme, at 5:11 PM  

  • que Guillon et Porte ne soient pas toujours excellents ou même de bon goût ,c'est évident mais qu'on leur retire leur moment d'antenne au prétexte qu'à 7h55 "faut être sérieux" ( dixit Hess) on en rit de peur d'avoir à en pleurer.
    Il faut absolument appeler sur France Inter des comiques de bon aloi, tout en finesse et surtout bouffons du roitelet qui nous gouverne ,genre ,je ne sais moi,avec un nom commençant par Bi comme Bizarre ou Cl comme Clapier .
    Je suis en effet de sensibilité anarchiste et je n'ai pas à en rougir; ce n'est pas avec des atermoiments permanents, des compromis boîteux et au bout du compte une forme de renoncement à l'indignation qu'on fait avancer les choses.EM ,tu es bien gentil, très consensuel mais je ne suis pas certain que ce soit une qualité.

    By Anonymous MF, at 5:27 PM  

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