POI, PS et OPA.

Bonjour à toutes et à tous.


Le grand public connaît de l'extrême gauche les figures sympathiques d'Arlette Laguiller et d'Olivier Besancenot. Les sigles NPA et LO lui disent quelque chose. Mais le POI, Parti Ouvrier Indépendant, est ignoré : peu de présence médiatique, pas beaucoup de participation aux élections. Qui sait ce qu'est le lambertisme ? Qui peut citer le nom de son leader ?

Pourtant, à Saint-Quentin, aux municipales de 2001, le POI (appelé alors PT, Parti des Travailleurs, anciennement OCI, PCI et MPPT) obtenait 5% des voix. Et aux municipales de 2007, il proposait au PS un "protocole d'accord" qui en faisait un très honorable partenaire, malgré le refus de la majorité de notre section, habituée à des compagnonnages plus classiques, PCF, PRG, MRC ou Verts.

Ainsi, une formation d'extrême gauche méconnue et marginale devenait sur la ville l'allié du premier parti de gauche et influençait la ligne politique de l'opposition. Depuis, Michel Aurigny, son représentant au Conseil municipal, s'impose par ses interventions très travaillées, sérieuses jusqu'à en être parfois difficiles à suivre.

Sérieux en effet, c'est l'impression que m'a donnée Michel Aurigny, collègue dans mon lycée, lorsque je l'ai rencontré pour la première fois, en 1994. Il voulait me faire adhérer à FO, sans chercher à me séduire mais à me convaincre. J'hésitais à l'époque entre le SE-FEN et le SGEN-CFDT. FO enseignants, c'était pour moi un mélange de conservatisme pédagogique et de radicalité politique qui ne me correspondait pas du tout. J'en suis encore là aujourd'hui (mais j'ai fait mon choix depuis longtemps !). Cependant, je respecte le militant Aurigny, dévoué, désintéressé, déterminé, qui a marqué l'histoire de mon établissement et la mémoire de nombreux collègues.

J'apprends ce matin, à la lecture du Courrier Picard, qu'il sera candidat dans le canton de Saint-Quentin nord, unique candidature du POI dans l'Aisne. Ce n'est pas un hasard (il n'y a pas de hasard en politique), c'est un symbole : les lambertistes, comme on les appelait autrefois et tels qu' ils n'hésitaient pas à se présenter eux-mêmes, investissent là où ils ont réussi leur plus belle OPA politique. En la matière, ils sont experts. Ce n'est pas un reproche que je leur fais, c'est plutôt une marque d'admiration : un des leurs occupe une formidable tribune grâce aux voix de l'électorat socialiste !

Car le POI est fondamentalement hostile au Parti socialiste, qu'il ne reconnaît pas comme un véritable parti de gauche. Droite et PS, "même topo et même fricassée", déclare Michel Aurigny au Courrier Picard. Quant au débat fiscal qui domine la campagne des cantonales, sa position est claire : "On n'est pas d'accord avec l'augmentation de la taxe foncière du Conseil général de l'Aisne". Qui ne voit pas, à l'évidence, que le PS n'a rien à faire avec un tel "allié" ?

Mais pourquoi le POI, si sérieux, si redoutablement cohérent, accepte de rejoindre, dans quelques rares villes de France, un parti qu'il vilipende tant ? Parce qu'il a choisi très sérieusement, à l'égard du PS comme du PCF, de se rapprocher des dissidents de l'intérieur afin d'infléchir leur ligne politique dans son sens. Pour les lambertistes, et je suis d'accord avec eux, les hommes et les sigles comptent peu en politique, mais les lignes, les clivages, les revendications. Et les positions de force, les situations de pouvoir.

La candidature de Michel Aurigny dans le canton nord est intéressante à plus d'un titre. Ses résultats diront si la stratégie du POI est payante ou non, s'il parvient à réaliser un bon score ou pas. D'autre part, sa décision de second tour sera révélatrice : appellera-t-il à voter pour la candidate socialiste, à s'abstenir ou refusera-t-il de donner toute consigne ?

Dans un canton de droite où la victoire de la gauche est cette fois possible, où chaque voix comptera, l'attitude du POI sera déterminante. Et quand l'élection sera passée, il sera temps de se poser calmement et objectivement la question : l'alliance conclue il y a trois ans avec trois organisations d'extrême gauche profite-t-elle au PS ou le dessert-elle ?


Bon week-end.