L'Aisne avec DSK

18 février 2007

Mort d'un serviteur du crime.

Bonjour à toutes et à tous.

Je suis né à Saint-Amand-Montrond, une petite ville du Cher, où ma conscience politique s'est développée dans les années 70. Le maire de cette petite ville bien tranquille s'appelait alors... Maurice Papon, un monsieur pas du coin, venu de Paris, quelqu'un de bien disait-on, un homme sérieux et efficace, à tel point qu'il devint ministre du Budget de Raymond Barre, c'est vous dire...

Il y avait pourtant quelques ombres au tableau. Un cousin, venu lui aussi de Paris (Le Berry est fasciné par Paris), nous racontait en famille que Papon était "une vraie ordure" parce qu'il avait violemment et mortellement réprimé des manifestations dans la capitale durant la guerre d'Algérie. Et puis, au début des années 80, Papon est devenu tristement célèbre pour ce que vous savez, délaissant alors Saint-Amand, qui se serait bien passée de cette tragique notoriété.

Maurice Papon est une figure politique essentielle à méditer. Ce n'est pas un idéologue ni un fanatique, c'est un administrateur zélé, au service du pouvoir en place, Pétain, de Gaulle, Giscard. Pour un peu, on le prendrait pour un grand serviteur de l'Etat, à constater son sens de la discipline, ses aptitudes à l'organisation, sa discrétion. La vérité, qui n'est plus à démontrer puisque les historiens et la Justice l'ont fait, c'est qu'il fut un grand serviteur du crime. Retenons cette leçon: il y a des vertus apparentes qui peuvent se mettre au service du pire.

De ce point de vue, Jacques Chirac a eu raison contre de Gaulle et Mitterrand. Le régime de Vichy a certes aboli la République mais pas l'Etat. Celui-ci, dans ses grandes tendances, dans ses multiples administrations, s'est mis au service de l'occupant. La contrainte ne change rien à la condamnation que l'on doit en faire, que Chirac a été le premier grand politique à faire.

Hier soir, à l'heure où Papon disparaissait (mais le déshonneur l'avait fait disparaitre depuis bien longtemps), j'animais un café philo à Soissons sur le thème: "d'où vient le mal?" Nous avons parlé de la banalité du mal, du pouvoir et du mal, etc. Nous ne savions pas encore que nous étions au coeur de l'actualité.

Bon dimanche.